lundi 30 décembre 2019

Mon bilan cinéma 2019

En 2019 j'ai vu 142 films au cinéma (et quelques autres sortis uniquement en streaming sur Internet). Voici donc mon traditionnel bilan de l'année, avec une sélection, forcément subjective (mais que j'assume pleinement), répartie en trois catégories :

Trois films se détachent. Ceux qui m'ont le plus profondément marqués cette année : ce sont mes films de l'année, peut-être bien dans l'ordre où ils apparaissent ci-dessous.

Dix autres films sont mes coups de coeur : des films incontournables. Les huit premiers sont cités dans l'ordre chronologique de leur sortie en France, les deux derniers sont un peu différents...  

Et puis comme je n'arrivais pas à me limiter à ces quelques films, j'en ai encore ajouté, en vrac, une bonne vingtaine, que j'ai beaucoup aimé et/ou qui méritent d'être connus : ce sont mes vives recommandations.
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Mes films de l’année

Une vie cachée (de Terrence Malick)
Basée sur des faits réels, un drame d’une profondeur exceptionnelle et d’une puissance émotionnelle rare. C’est un film qui parle de courage, d’héroïsme, de liberté, d'une vie de héros, presque anonyme, qui n'est pas écrite dans les livres d'histoire. Ajoutons que le film se termine sur une incroyable et magnifique note d’espoir, ou plus précisément une vraie espérance...  Un film inoubliable qui rejoint le panthéon de la filmographie de Malick, aux côtés de Tree of Life.
Ma critique



Parasite (de Bong Joon-Ho)
Une véritable claque ! La lutte des classes à la sauce coréenne, ça secoue ! Le film pratique avec virtuosité le mélange des genres passant de la comédie au drame, de la satire sociale au thriller violent. Il commence dans le burlesque pour se poursuivre dans le chaos... et se terminer de façon assez amère. Une fable cruelle et caustique sur l'écart entre les riches et les pauvres, sur le déterminisme social, sur le mépris désinvolte des élites, sur les frustrations et l'envie des classes défavorisées...
Ma critique



Ad Astra (de James Gray)
Un très grand film de science fiction, dont les images font rêver et dont l'histoire aux accents métaphysiques fait réfléchir. Un film où le cosmique rejoint l'intime, empreint de nostalgie, d'introspection, de contemplation, le tout dans une esthétique envoûtante aux images sublimes, le tout accompagné par la belle musique hypnotique de Max Richter. Laissez-vous emporter : c'est beau et intense, à en pleurer !
Ma critique




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Mes coups de coeur
(par ordre chronologique de sortie)


La favorite (de Yorgos Lanthimos)
Une sorte de Barry Lyndon au féminin mais sous acide. C'est féroce, pervers, décadent, visuellement somptueux... jubilatoire. Et quel trio d'actrices ! Ma critique

Grâce à Dieu (de François Ozon)
Un film engagé, qui se tient aux côtés des victimes, de leur combat, de leurs luttes intimes et familiales. Sobre et fort. Ma critique

El Reino (de Rodrigo Sotogoyen)
Un thriller politique époustouflant et virtuose ! Une charge sans concession contre un système gangrené par la corruption. Un véritable film coup de poing. Ma critique

Midsommar (de Ari Aster)
Un conte de fée horrifique qui fascine par la maîtrise et la virtuosité de sa mise en scène. C'est vraiment perturbant mais extrêmement brillant ! Ma critique

Give me liberty (de Kirill Mikhanovsky)
Une grosse bouffée d'amour et d'humanité. Un véritable tourbillon, bruyant, chaotique, excessif mais tellement généreux. Ma critique

Once upon a time in Hollywood (de Quentin Tarantino)
Un Tarantino pur jus qui ne ressemble pourtant à aucun autre Tarantino ! Un film empreint de nostalgie, et même d'une étonnante mélancolie. Ma critique

Joker (de Todd Phillips)
Un grand film, riche de multiples lectures. Une fable macabre et violente, un cri d’alerte pour une société malade, un film dérangeant sur la folie et la manipulation. Ma critique

Les misérables (de Ladj Ly)
Un film choc qu'on prend en pleine face. Le film est un constat, inquiétant, implacable, mais qui est loin d’être manichéen. Quelle tension, quel rythme, quelle urgence ! Ma critique

J’ajoute encore :

Un film qui n’est pas sorti (malheureusement) au cinéma mais seulement sur Netflix :
The Irishman (de Martin Scorsese)
Un film testament du géant Scorsese, une immense fresque de 3h30, qui prend son temps et dont il se dégage une nostalgie peut-être unique dans l’oeuvre du cinéaste. Ma critique

Un “plaisir coupable” :
Star Wars - The Rise of Skywalker (de JJ Abrams)
Parce que le film clôt la mythique Saga Skywalker de Star Wars et que le film est hyper-spectaculaire, très divertissant et visuellement somptueux. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas aimé ! Ma critique

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Mes vives recommandations 
(par ordre alphabétique)


90’s (de Jonah Hill) Ma critique
A couteaux tirés (de Rian Johnson) Ma critique
Brooklyn Affairs (de Edward Norton) Ma critique
Captive State (de Rupert Wyatt) Ma critique
Companeros (de Alvaro Brechner) Ma critique
Douleur et gloire (de Pedro Almodovar) Ma critique
Edmond (de Alexis Michalik) Ma critique 
Green Book (de Peter Farrelly) Ma critique 
Hors normes (de Olivier Nakache et Eric Toledano) Ma critique
J’ai perdu mon corps (de Jérémy Clapin) Ma critique
La mule (de Clint Eastwood) Ma critique 
Le daim (de Quentin Dupieux) Ma critique
Le Mans 66 (de James Mangold) Ma critique
Les hirondelles de Kaboul (de Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec) Ma critique
Les oiseaux de passage (de Cristina Gallego et Ciro Guerra) Ma critique
Le traître (de Marco Bellocchio ) Ma critique
Mon inconnue (de Hugo Gélin) Ma critique
Notre Dame (de Valérie Donzelli) Ma critique
Perdrix (de Erwan Le Duc) Ma critique
Proxima (d’Alice Winocour) Ma critique
Roubaix une lumière (d’Arnaud Desplechin) Ma critique
Sunset (de László Nemes) Ma critique 
The Lighthouse (de Robert Eggers) Ma critique
Us (de Jordan Peele) Ma critique

Jésus : un film à hauteur d’enfant, très original

Yura quitte Tokyo avec ses parents pour aller vivre à la campagne, chez sa grand-mère. Il est alors scolarisé dans une école catholique. L’adaptation n’est pas facile pour lui : il ne connaît personne, il ne comprend pas bien ce qui se passe autour de lui… Un jour, au milieu de la prière, Jésus lui apparaît, sous la forme d’un être miniature à l’image d’un dessin qu’un prêtre lui avait donné. Dès lors, tous les souhaits de Yura semblent se réaliser !

Jésus est un très joli film, à hauteur d’enfant, qui aborde de façon poétique et à travers une histoire toute simple de grandes questions existentielles. D’abord autour de la foi et de la prière, notamment les questions liée à l’exaucement et au non-exaucement, mais aussi sur nos représentations de Dieu, et de Jésus. Mais le film parle aussi de la perte et du deuil, des doutes et des remises en questions qu’ils produisent. Il évoque enfin les questions de l’amitié et de la famille (avec de très belles scènes domestiques autour de la table, lors des repas familiaux).

Un film tout à fait original, touchant et drôle, et profond.

Notre Dame : une comédie alerte et pleine de fantaisie

Maud Crayon est architecte, elle est mère de deux enfants et elle est séparée du père, enfin elle essaye… Sur un incroyable malentendu, elle remporte le grand concours lancé par la mairie de Paris pour réaménager le parvis de Notre-Dame. Et comme si ça ne suffisait pas, un amour de jeunesse resurgit et elle apprend qu’elle est enceinte de quatre mois ! Maud n’arrive plus à faire face à la tempête qui s’abat sur sa vie.

Notre Dame est une comédie alerte, pleine de fantaisie. C’est léger, drôle, original, gentiment irrévérencieux, plein de surprises, avec quelques envolées oniriques. En un mot : une comédie très réussie !

Et mine de rien, le film aborde de nombreux thèmes comme la difficulté d'une séparation dans un couple (de manière assez émouvante d'ailleurs), les familles recomposées, mais aussi les tensions sociales et les violences quotidiennes (avec le running gag génial de la gifle), la peur du terrorisme, le drame des sans-abri dans les rues, l’art moderne et la création artistique, le harcèlement au travail... Mais comme tout le film a le ton d'une fable, où tout est abordé avec légèreté et humour, mais aussi beaucoup de bienveillance envers les personnages, ça passe très bien, presque sans qu'on s'en rende compte sur le moment ! La comédie est donc finalement plus profonde qu’on pourrait le penser au premier abord.

Le film est bien rythmé, les comédiens sont excellents (y compris Valérie Donzelli, la réalisatrice, qui joue aussi le rôle principal), la musique bien choisie. Que demander de plus ? J’ai beaucoup aimé.

La vérité : un film sensible et juste

Fabienne est une grande actrice en fin de carrière. Elle a une fille, Lumir, qui est scénariste et qui vit à New York. A l’occasion de la publication des mémoires de Fabienne, sa fille revient voir sa mère, avec son mari et leur fille. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation…

La vérité est le premier film français du cinéaste japonais Hirokazu Kore-Eda (Palme d’or à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille). C’est un portrait de deux femmes, une mère et sa fille, incarnées par deux merveilleuses comédiennes : Catherine Deneuve et Juliette Binoche qui sont, évidemment, formidables dans le film. La relation des deux personnages est compliquée, hantée par les fantômes du passé, plombée par les non-dits, la culpabilité, les remords… La mère se cache derrière une attitude distante et une langue de vipère, la fille cache ses frustrations derrière la façade d’une petite famille parfaite.

Comme son nom nom l’indique, le film est aussi une réflexion sur la vérité, celle de nos souvenirs, dans la famille et dans les relations, face à soi-même… Une relation à la vérité questionnée aussi dans le cinéma et le métier de comédien, notamment par une mise en abyme à travers le tournage d'un film de science-fiction, où une femme voyage dans l’espace et revient tous les 7 ans sur terre, pratiquement sans avoir vieilli, et voit sa fille grandir puis la dépasser en âge (au passage, ça me dirait bien de voir un film avec ce pitch !). Fabienne y joue le rôle de la fille, âgée de 73 ans...

Un film sensible et très juste.

vendredi 27 décembre 2019

The Lighthouse : un cauchemar fascinant et perturbant

A la toute fin du XIXe siècle, un ancien capitaine et un jeune homme doivent cohabiter pendant quatre semaines dans un phare isolé sur une petite île mystérieuse, au beau milieu de la mer.

Basé sur ce pitch minimaliste, le film propose un véritable cauchemar fascinant et perturbant, racontant le basculement dans la folie de deux hommes isolés devant cohabiter loin de toute civilisation.

Le réalisateur, Robert Eggers, appartient à cette génération de cinéastes qui donnent un nouveau souffle au film de genre, en particulier les films d’horreur, avec Ari Aster (Hérédité, Midsommar) ou, de quelques années plus âgés, David Robert Mitchell (It Follows, Under the Silver Lake) ou Jordan Peele (Get Out, Us). Leurs films, virtuoses et complexes, sont aux antipodes des films d’horreurs commerciaux avec tous leurs poncifs, abusant des jump scares trop faciles. Ils préfèrent travailler sur l’atmosphère et le sous-texte.

The Lighthouse est de cette veine. C’est aussi une proposition radicale de cinéma, parfois même expérimentale, qui instaure une atmosphère anxiogène, hallucinatoire et glauque, parfois crasse. Mais c’est formellement assez somptueux, dans un magnifique noir et blanc, et avec un jeu virtuose autour de la lumière.

Le film est foisonnant (peut-être un peu trop), avec de multiples références, cinématographique (notamment le cinéma muet) , littéraires (Melville, Lovecraft…) ou mythologiques (Prométhée, Sisyphe…). Il est aussi perturbant, jouant à nous perdre, en brouillant les repères de temps (depuis combien de temps sont-ils vraiment sur cette île ?), en laissant l’imaginaire et la folie faire irruption dans le récit, si bien qu’on ne sait plus vraiment ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, avec ces deux hommes qui basculent dans la folie. Mais les deux sombrent-ils vraiment dans la folie ? Et sont-ils vraiment deux ? Sont-ils vraiment dans un phare ? On ne comprend pas tout, et le mystère n’est pas forcément résolu à la fin du film. C’est en tout cas ouvert à interprétation !

Mentionnons encore que le film nous offre un face-à-face au sommet de deux grands acteurs : Willem Dafoe et Robert Pattinson, vraiment formidables. Sans oublier un troisième personnage central : le phare, véritable monstre qui semble vivre, respirer.

A coup sûr, The Lighthouse est un film fascinant, qui sonde les tréfonds de l’âme humaine… et ce n’est pas très joli. Un film réservé à un public averti.

mercredi 18 décembre 2019

Star Wars - L'ascension de Skywalker : un final en apothéose !

Nous revoilà dans une galaxie lointaine, quelque temps après les événements de l’épisode 8 de la saga. Nous y avions laissé nos nouveaux héros Rey, Finn et Poe, avec Leïa et ce qu’il restait de la résistance, en bien mauvaise posture…  Et ça ne s’arrange pas parce que dès le générique d’ouverture, on apprend qu’un redoutable personnage que tout le monde croyait mort semble en réalité bien vivant !

Je le précise tout de suite : cette critique est garantie sans spoiler ! Et pourtant, il y aurait de quoi dire.. parce que le film répond à beaucoup de questions posées dans les épisodes précédents (et pas seulement de la troisième trilogie). Mais je ne dirai rien, c’est promis !

Ce qu’on peut dire d’emblée, c’est que le film clôt la saga en apothéose. C’est très très divertissant, et même jouissif !

Certes, le film n’est pas parfait. Il y a une ou deux scènes faites exprès pour un dernier épisode de saga, pour dire au revoir aux personnages historiques, et qui arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Il y a aussi un ou deux rebondissements discutables ou téléphonés. Mais franchement, pas de quoi gâcher notre plaisir. Quel spectacle ! Le film est hyper spectaculaire et offre tout simplement les meilleures scènes de combat et de poursuite de toute la saga. On ne s’ennuie pas une seconde. C’est visuellement somptueux, dès la scène d’ouverture… jusqu’au final, gigantesque. Les incontournables de la saga sont là : ses personnages mythiques, ses mondes extraordinaires, ses créatures exotiques, des vaisseaux spatiaux de toute taille et de toute forme, les combats au sabre laser, la lutte entre le bien et le mal. La mythologie Star Wars est respectée et le scénario, globalement, tient la route (je m’attendais à plus de “fan service” et j’ai été agréablement surpris). Il y a, on s’y attendait, quelques référence en forme de pied de nez à l’épisode 8 (dont un énorme, en lien avec la scène d’ouverture des Derniers Jedi !). On peut peut-être regretter que les pistes originales ouvertes avec l’épisode 8 n’aient pas vraiment été suivies… mais on aurait tort de faire la fine bouche tant ce que nous propose JJ Abrams est grisant.

Je trouve d’ailleurs que les critiques ont souvent été très sévères pour JJ Abrams (et pas seulement dans Star Wars). Pourtant, il ne fait pas de doute que le réalisateur sait raconter des histoires et proposer un cinéma très divertissant. Star Wars 9 est sans doute son meilleur film. Et, mine de rien, le film permet d’évoquer des thématiques chères à la saga Star Wars comme la famille, l’hérédité, la destinée et la liberté.

Je suis sûr que des voix s’élèveront pour critiquer cet ultime opus de la saga Skywalker. Ne les écoutez pas : elles proviennent sans doute du côté obscure de la Force !!! Laissez-vous embarquer encore une fois, pour un dernier voyage dans une galaxie lointaine. Si vous avez gardé votre âme d’enfant, sans doute que comme moi vous sortirez de la salle de cinéma avec des étoiles plein les yeux, voire même une petite larme…

lundi 16 décembre 2019

Les envoûtés : un drame sentimental subtilement teinté de fantastique

Coline est pigiste pour un magazine féminin et se voit confiée l’interview de Simon, un artiste qui vit isolé dans les Pyrénées. Il prétend avoir vu le fantôme de sa mère à l’instant même de la mort de celle-ci. Coline accepte de faire cette interview, notamment parce que son amie Azar prétend elle aussi avoir vécu une expérience similaire avec son père. Simon tente de séduire Coline, qui lui résiste... mais elle tombe amoureuse.

Les envoûtés est un drame sentimental subtilement teinté de fantastique. Cette histoire de fantômes, évoquant la place qu’occupent les morts chez les vivants, se prête à plusieurs interprétations possibles, laissant au spectateur le choix de trancher (ou pas) entre une compréhension surnaturelle, psychanalytique ou métaphorique. Dans tous les cas, il évoque la difficulté de la relation amoureuse, la difficulté d’avoir confiance (en soi et dans l’autre) ou de se connaître vraiment.

La réalisation de Pascal Bonitzer est délicate, intimiste, elle entretient le trouble. L’intrigue est plutôt habile et le film se vit comme un thriller psychologique dont on veut connaître l’issue. Quant au couple formé par Nicolas Duvauchelle et Sara Giraudeau, il est tout à fait convaincant. Sara Giraudeau, en particulier, est formidable dans le rôle de ce personnage complexe qu’elle incarne parfaitement.

Docteur ? : une bonne comédie pour les fêtes

Un soir de Noël, Serge est de garde pour SOS-Médecins. Lors d’une intervention, alors qu’il souffre du dos et tente de se faire une piqûre d’anti-douleur, il croise un livreur avec son vélo qui lui propose son aide. Ce dernier lui fait l’injection mais touche un nerf… et le médecin ne peut plus marcher. Bloqué dans sa voiture, il va guider par téléphone le jeune homme qui fera les visites médicales à sa place !

Docteur ? n’est, évidemment, pas le film de l’année... Mais c’est incontestablement une comédie réussie ! On y retrouve avec plaisir un Michel Blanc comme on l’aime, dans un rôle de médecin misanthrope et bougon. Avec lui, Hakim Jemili est la révélation du film : il a un talent d'acteur comique évident. Ensemble ils forment un duo qui fonctionne très bien et qui représente l’atout majeur du film. Le scénario est assez attendu, et le film se termine comme on peut s’y attendre dans une comédie de ce type. Mais les situations de comédie se succèdent, plutôt bien rythmées et joliment dialoguées, avec parfois un brin de tendresse bienvenu.

Un film qui convient parfaitement pour les fêtes !

jeudi 12 décembre 2019

Une vie cachée : un drame inoubliable !

Franz Jägerstätter est un paysan autrichien. Il est marié et a trois filles. Appelé à rejoindre les rangs de l’armée, il refuse de prêter allégeance à Hitler. Emprisonné, accusé de trahison, il est passible de la peine de mort. Mais une seule signature lui permettrait d’être libéré, s’il accepte de prêter allégeance au Führer…

Basée sur des faits réels, Une vie cachée est un drame d’une profondeur exceptionnelle et d’une puissance émotionnelle rare. C’est un film qui parle de courage, d’héroïsme, de liberté, d'une vie de héros, presque anonyme, qui n'est pas écrite dans les livres d'histoire.

Si Franz refuse de prêter allégeance à Hitler, même pour la forme, c’est au nom de ses valeurs, et de sa foi. Et il est prêt à aller jusqu’au bout. Et ceci malgré les doutes qui l’assaillent, malgré les violences et les humiliations, et malgré les innombrables tentatives de lui faire abandonner son projet. A quoi peut bien servir son obstination ? Elle ne changera pas le monde ni même le cours de la guerre. Alors pourquoi résister ? Ce ne sont, finalement, que des mots, un morceau de papier à signer…

Mais Malick veut rendre hommage à cet homme et son intégrité, et à sa femme aussi. Oui, la résistance au mal a toujours du sens. Non, il ne faut pas céder devant l’horreur et la barbarie. Et cela est admirablement montré dans le film, qui se conclut avec cette citation éloquente de George Eliot : “Si les choses ne vont pas aussi mal pour vous et pour moi qu’elles eussent pu aller, remercions-en pour une grande part ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes que personne ne visite plus.”

Souvent contemplatif et intimiste, le film évoque les luttes intérieures, les doutes, les questions de Franz. Celles aussi de Fani, son épouse. Il décrit aussi la haine, les humiliations et la violence quotidienne qui les entourent, que ce soit en prison pour Franz, ou dans leur petit village pour Fani. Comme toujours chez Mallick, ces interrogations et ces luttes passent par les voix off très présentes, qui donnent toute sa profondeur au film, avec parfois des prières d’une force et d’une beauté sidérantes, comme celle de Fani alors qu’elle confie son mari à Dieu au moment où il va être exécuté.

Car une vie cachée est aussi une magnifique histoire d’amour. Les scènes dans l’intimité, sensuelles, ou dans la famille, lumineuses, sont d’une grande beauté. Et la façon dont l’amour du couple traverse cette épreuve terrible est bouleversante : la scène de la dernière rencontre entre Franz et sa femme est absolument déchirante !

Evidemment, la caméra de Malick est toujours aussi virtuose, sa façon de filmer inimitable et il nous propose toujours des images sublimes. La musique aussi a encore une fois une place de choix, avec plusieurs oeuvres classiques et une magnifique bande originale composée par James Newton Howard. Enfin, les deux acteurs principaux, August Diehl et Valerie Pachner, sont remarquables.

Ajoutons enfin que le film se termine sur une incroyable et magnifique note d’espoir, ou plus précisément une vraie espérance... Un film inoubliable qui rejoint sans peine le panthéon de la filmographie de Terrence Malick, aux côtés de Tree of Life.

lundi 9 décembre 2019

It must be Heaven : poétique et burlesque, un regard amusé sur notre monde un peu fou

Elia Suleiman quitte la Palestine et se rend à Paris puis à New York. Il cherche notamment à trouver un producteur pour son nouveau film. Mais surtout, il observe les gens et le monde qu’il rencontre.

Difficile à résumer, It must be Heaven est une succession de tableaux burlesques, presque sans parole. On pense à Jacques Tati ou à Buster Keaton. Tantôt surréalistes, tantôt poétiques, parfois chorégraphiés, les tableaux se succèdent pour évoquer notre monde aujourd’hui dans ce qu’il a d’incongru. Le cadre est toujours très travaillé, jouant souvent avec la symétrie. Et le réalisateur lui-même, toujours silencieux et impassible, observe.

Ca donne quelques scènes vraiment réussies et drôles, comme ce ballet de personnes autour d’une fontaine dans un parc parisien pour trouver une chaise où s’asseoir, ou comme cette scène dans un supermarché new-yorkais où le moindre passant est armé jusqu’aux dents.

Un film au ton surprenant, qui pose un regard amusé et critique sur notre monde un peu fou…

Seules les bêtes : un drame glaçant sur la misère affective

Une femme a disparu. Au lendemain d’une tempête de neige, on retrouve sa voiture sur le bord de la route. Mais sans indice, l’enquête piétine. Mais plusieurs personnes sont liées, d’une manière ou d’une autre, à cette disparition. Chacun a ses secrets mais personne ne se doute des connexions qui existent entre leurs histoires…

Le film commence comme un polar, avec une enquête liée à la disparition d’une femme. Mais rapidement le film va se révéler être un drame glaçant sur la misère affective aujourd’hui. Habilement réalisé à partir des points de vue successifs des différents protagonistes, le film reconstitue petit à petit le puzzle, expliquant les circonstances de la disparition mais surtout levant le voile sur des aspects cachés de la vie des différents personnages, et des liens insoupçonnés entre eux.

Tous les personnages de ce film choral sont en quête d’affection et d’amour, parfois de façon désespérée. Au fur et à mesure que le voile se lève sur leurs secrets, on le comprend. Parfois c’est assez terrible. A l’heure d’Internet et de la mondialisation, cela peut avoir de nouveaux effets pervers que le film évoque fort bien. Et il faut avouer que la fin du film laisse un goût amer...

Il faut souligner la qualité des comédiens du film, tous excellents, en particulier Denis Ménochet en ours un peu bourru, Laure Calamy en jeune femme dévouée et Damien Bonnard en pauvre gars asocial, tous trois, finalement, en quête désespérée d’affection. Et c’est assez bouleversant.

Glaçant et dramatique, Seules les bêtes est un film remarquable qui touche juste sur un des maux de notre temps.

Brooklyn Affairs : un film noir, un vrai !

A New York, dans les années 50, Lionel Essrog est détective privé. Il souffre du syndrome de Gilles de la Tourette, ce qui le handicape durement dans ses relations, mais son esprit obsessionnel est un atout pour ses enquêtes. Après le meurtre de son mentor, Frank Minna, il va chercher à éclaircir les raisons de sa mort et se verra embarqué dans une enquête qui le conduira des clubs de Jazz de Harlem jusqu’aux bureaux des plus proches collaborateurs du maire de New York.

Brooklyn Affairs est un film de genre. Un film noir, un vrai, avec tous ses codes : une intrigue complexe, une enquête de détective privé, en imperméables et stetson, voix off du héros, et le jazz. La musique est très présente tout au long du film et la bande original, composée par Daniel Pemberton et Thom Yorke, est très réussie.

Le fait d’avoir un héros souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette donne lieu, évidemment, à des scènes incongrues et drôles mais permet aussi d’évoquer la question de l’accueil de la différence et de la tolérance. Le film parle aussi de racisme, de discrimination, et de soif de pouvoir, à traver le méchant du film, un politicien détestable (impossible de ne pas penser à Donald Trump, d’autant qu’Alec Baldwin, qui joue le rôle de ce politicien dans le film, est aussi connu pour ses parodies du président américain !)... 

Edward Norton est derrière et devant la caméra ! Sa réalisation est très belle, élégante, un magnifique hommage aux films noirs. Quant à son interprétation du détective atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, elle est tout simplement géniale. Il y a une scène extraordinaire dans le film, à la fois drôle et profondément émouvante, où Lionel, dans un club de jazz, ne peut s'empêchant de chanter alors qu'il danse avec une femme.  Très beau casting par ailleurs (Alec Baldwin, Willem Dafoe, Bruce Willis, Gugu Mbatha-Raw).

samedi 7 décembre 2019

The Irishman : un film testament du géant Scorsese

Frank Sheeran, l’Irlandais, est un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale qui devient un tueur à gages, au service notamment de Jimmy Hoffa, un puissant dirigeant syndicaliste, et Russel Bufalino, un des influents chefs de la mafia. Le film raconte son histoire, dans les arcanes de la mafia, ses luttes de pouvoir, ses liens avec le monde politique… 

The Irishman est un véritable film testament du géant Scorsese, dans un genre dont il est un des maîtres incontestés : le film de gangsters. C’est une immense fresque de 3h30, qui prend son temps et dont il se dégage une nostalgie peut-être unique dans l’oeuvre du cinéaste, avec notamment une toute dernière partie incroyablement émouvante. Le film parle du temps qui passe, qui nous échappe, de l’impossibilité de revenir en arrière, du regret et du remords… mais aussi du besoin d’affronter la mort, en cherchant un peu d’apaisement dans la religion. 

Scorsese est au sommet de son art, la maîtrise de la mise en scène est parfaite. La violence est présente, évidemment, mais beaucoup moins ostensible qu’à l’habitude. Elle est parfois même juste suggérée, comme dans ce génial plan séquence où la caméra s’arrête sur les fleurs d’un étal avec les coups de feu qui retentissent en arrière-plan, ou comme à travers cette métaphore qui parcourt le film et qui dit, à propos de Frank Sheeran, qu’il “peint les maisons” (avec du sang sur les murs…). 

Et puis le film est incarné par un trio d’acteurs extraordinaires (De Niro, Pacino, Pesci !), des monstres sacrés qu’on prend un plaisir fou à voir réunis à l’écran, à différents âges grâce à la technologie numérique. Et des trois, Al Pacino (qui joue Jimmy Hoffa) est sans doute le plus génial dans le film. 

Après Roma d'Alfonson Cuaron l'année dernière, Netflix nous offre un nouveau chef d'oeuvre, qui a tout pour devenir un classique. On regrette évidemment de ne pas pouvoir l'apprécier pleinement dans une salle obscure... mais on peut être reconnaissant à la plateforme de streaming d'avoir osé produire un film que les studios de cinéma ont refusé.

lundi 2 décembre 2019

Chanson douce : un thriller psychologique au dénouement glaçant, avec une géniale Karin Viard

Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Comme Myriam aspire à reprendre sa vie professionnelle, et malgré les réticences du mari, le couple décide d’engager une nounou expérimentée, Louise, qui semble au premier abord parfaite pour le poste. Mais petit à petit, elle prend de plus en plus de place, et certaines de ses réactions sont étranges voire inquiétantes…

Adaptation du roman éponyme de Leïla Slimani (prix Goncourt 2016), Chanson douce est un thriller psychologique au dénouement glaçant (et qui était en ouverture du roman). La lente mais inexorable évolution de l’histoire vers le drame crée un climat anxiogène qui débouche sur un final qui nous laisse coi, filmé pourtant avec sobriété mais une grande force.

Mais l’atout majeur du film, c’est Karin Viard. Elle est géniale (une fois de plus) dans le rôle de Louise, capable d’exprimer une palette incroyable d’émotions contradictoires et extrêmes. C'est assez extraordinaire.

Chanson douce est un film qui parle de maternité, contrariée ou assumée. Il interroge les normes sociales qui tendent à restreindre les femmes au rôle de mère, créant en elles frustrations et culpabilités, justifiant contraintes et oppressions. Ici, jusqu’au drame. Glaçant.

Gloria mundi : un drame social engagé... et déprimant

Daniel est en prison quand il apprend par son ex-femme Sylvie que Mathilda, leur fille, a donné naissance à une petite Gloria. Quand il est libéré, il va faire la connaissance du bébé et découvre une famille recomposée qui essaye tant bien que mal de survivre.

Fidèle à son habitude, Robert Guédiguian propose un drame social engagé, avec des hommes et des femmes simples qui essaient de survivre dans une société impitoyable pour eux. Le film est sombre, désenchanté… C’est un reflet de notre époque, où pointe l’égoïsme des uns, l’hypocrisie des autres, le fatalisme et la résignation des aînés, l’inhumanité du système. Mais, contrairement à un film de Ken Loach par exemple, j’ai trouvé difficile d'être en empathie avec ces personnages, qui sont vraiment peu aimables, surtout la jeune génération… On ne croit même plus à l'appel à la solidarité des aînés... et eux non plus, d'ailleurs ! Et quand on considère que la musique, tout au long du film, est principalement extraite du Requiem de Verdi et de la Pavane pour une infante défunte de Ravel, on comprend le ton... et le message. Ca donne finalement un film assez déprimant.


Proxima : un portrait de femme, une mère et une astronaute

Dans un futur proche, Sarah est une astronaute française. Elle est désignée pour faire partie de l’équipage de la mission Proxima, la dernière avant le grand voyage qui permettra à l’humanité de marcher sur Mars. Elle va devoir suivre l’entraînement éprouvant imposé aux astronautes mais surtout se préparer à une longue séparation avec sa fille de 8 ans.

Bien qu’ayant un petit côté science-fiction, genre hard-science (c’est-à-dire réaliste et documenté), Proxima est avant tout un film intimiste et féministe. C’est un très beau portrait de femme, une mère et une astronaute. Car Sarah veut être les deux à la fois, sans sacrifier l’une pour l’autre. Un cas qui s’est d’ailleurs présenté à de nombreuses reprises dans l’histoire spatiale, comme en témoignent les photos en hommage aux différentes astronautes, insérées dans le générique de fin du film. Mais l’équilibre n’est pas facile à trouver, et il faut sans doute plus de volonté à une femme astronaute pour réussir dans un milieu très masculin, pour affronter le machisme ordinaire et les remarques condescendantes.

La mise en scène d’Alice Winocour est sobre et sensible. Eva Green est excellente dans le rôle de cette femme forte qui cherche à la fois à assumer qui elle est et les rêves qui la font avancer. Et la bande originale composée par Ryuichi Sakamoto est remarquable.

vendredi 29 novembre 2019

A couteaux tirés : un exercice de style jubilatoire

Harlan Thrombey, un célèbre auteur de polars, est retrouvé mort dans son lit, le soir de ses 85 ans. Il s’est suicidé en se tranchant la gorge. C’est en tout cas la conclusion de la police… jusqu’à ce que Benoît Blanc, un détective privé réputé, mystérieusement engagé par un commanditaire anonyme, vienne seconder la police pour éclaircir l’affaire.

A couteaux tirés est un brillant exercice de style jubilatoire, un film d’enquête à la manière d’Agatha Christie, mais avec une bonne pincée d’humour noir et féroce. Malin et ludique, le scénario multiplie les rebondissements. Alors, évidemment, c’est parfois un petit peu tiré par les cheveux... mais qu’importe, le plaisir est vraiment là ! On se régale de découvrir les mensonges, les fausses pistes et les révélations successives, jusqu’au dénouement… qui réserve finalement une morale plutôt étonnante (que je vous laisserai découvrir). Un plaisir accentué par une galerie de personnages savoureux, incarnés par un casting somptueux : Daniel Craig, Chris Evans, Jamie Lee Curtis, Michael Shannon, Christopher Plummer… tous excellents ! Le tout parfaitement mis en scène par Rian Johnson (le réalisateur des Derniers Jedi !).

A couteaux tirés est incontestablement un des films les plus divertissants de cette année ! Tout simplement jubilatoire !

jeudi 21 novembre 2019

Les éblouis : un drame saisissant sur les dérives sectaires

Camille est une adolescente passionnée de cirque. Elle est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour ses parents intègrent une communauté religieuse qui prône le partage et la solidarité. Mais petit à petit elle découvre une discipline stricte, des principes très tranchés et une emprise totale de la communauté et de son “berger” sur ses membres. Camille va devoir se battre pour s’affirmer elle-même et sauver ses frères et soeurs.

La réalisatrice, Sarah Suco, dont c'est le premier film, s'est inspiré de sa propre expérience pour écrire Les éblouis. Elle a en effet elle-même vécu dix ans avec sa famille dans une communauté religieuse de ce type, avant de parvenir à s’en échapper à l'âge de 18 ans. L’évocation de la communauté religieuse à tendance sectaire est donc très minutieuse, réaliste… et inquiétante.

Pour autant, on n’a pas l'impression que la réalisatrice règle ses comptes avec son passé mais plutôt qu'elle se libère d'un poids. L’histoire nous est racontée du point de vue de Camille, qui voit impuissante ses parents être séduits, embrigadés, éblouis (le titre du film est fort bien trouvé !)... et embarquer avec eux leurs enfants. Le tout est filmé avec justesse et une grande sobriété. L'histoire pointe du doigt la séduction d’un mouvement de type sectaire, et le basculement, presque imperceptible de la fraternité, de la solidarité et du partage, vers la manipulation, le conditionnement et l’humiliation, pour finalement isoler les membres de leur famille et de la société, et les garder sous l’emprise du “berger” sur ses “brebis”... et ce n’est même plus une image mais une réalité dans le film !

Je dois dire, à titre personnel, que j’ai eu un sentiment un peu étrange en voyant le film. Plusieurs fois les gens riaient, tellement certains principes ou certaines attitudes leur paraissaient ridicules… mais moi je ne riais pas trop. Parce que ces principes et ces attitudes, je les ai entendues et vus parfois dans des Eglises que j’ai ou fréquenter (et qui ne sont pas du tout des sectes !). Je pense par exemple aux discours culpabilisants sur des activités censées être dégradantes (ici, le cirque !), aux affirmations naïves disant de ne pas s’inquiéter de laisser un bébé tout seul dans son bain puisque le Seigneur veille sur lui, au sentiment de culpabilité si on ne prie pas avant de manger (y compris au restaurant), ou aux tentations de voir les marques du diable partout autour de nous…

Si toutes les communautés religieuses ne sont évidemment pas comme celle décrite dans le film, il est salutaire de dénoncer sans équivoque les dérives sectaires qui existent, et qui provoquent de terribles dégâts dont les enfants sont souvent les premières victimes !

Il faut souligner enfin le remarquable travail sur la photographie et la lumière dans le film, et la belle performance des différents acteurs. A commencer par une Camille Cottin habitée et la révélation de la jeune Céleste Brunnquell dans la rôle de Camille.

Les Misérables : un film choc qu'on prend en plein face. Essentiel.

Stéphane est flic. Il arrive de Cherbourg et intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil en banlieue parisienne. Il fait équipe avec Chris et Gwada, deux flics expérimentés de la BAC. Il découvre très vite les tensions vives dans le quartier. Au cours d’une interpellation, ils se retrouvent débordés et commettent une bavure. Et un drone a justement filmé la scène…

Les Misérables est un film choc, qui résonne comme un cri d’alerte. Dès l’ouverture du film on est saisi : nous sommes en pleine liesse de la victoire de la France en coupe du monde de football. Tout le monde fait la fête, arborant le drapeau tricolore et chantant la Marseillaise. Et puis la tension ne vous lâche pas. On est en immersion dans une banlieue sensible, au plus près d’une brigade de la BAC qu’on découvre aux côtés d'un petit nouveau. La tension monte, avec l’attitude des flics, celle des caïds du quartier, celle des gamins dans les rues. On sent que tout peut exploser... et la bavure survient ! Tout bascule. Et puis la tension retombe, lorsqu’on accompagne les flics dans le quotidien de leur vie privée. Des mecs complètement normaux, vivants avec leur mère en banlieue ou avec leur femme et leurs enfants. Une parenthèse paisible, presque irréelle. Mais une parenthèse seulement, qui donne encore plus de relief au déchaînement de violence qu’on sent inexorable, et qu’on prend ensuite de plein fouet, oppressant. Jusqu’à cette dernière image qui vous hante et vous interpelle : comment a-t-on pu en arriver là ? La réponse est dans la citation de Victor Hugo, tirée des Misérables, par laquelle se termine le film : "Il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes, il n'y a que de mauvais cultivateurs."

Et on est KO. Le film est un constat, inquiétant, implacable, mais qui est loin d’être manichéen. On ne cherche pas de boucs émissaires, on refuse de stigmatiser les uns ou les autres. En fait, tout le monde doit plaider coupable. On est tous responsables. Et on l’est aussi si on ferme les yeux et si on refuse de le voir. Il y a, enfin, dans l’histoire, comme une valeur parabolique du cirque et du lion en cage (vous comprendrez en voyant le film) : le spectacle va mal tourner !

La réalisation de Ladj Ly, dont c’est le premier film, est époustouflante de maîtrise. Quelle tension, quel rythme, quelle urgence ! Et tous les comédiens, professionnels ou non, sont formidables. C'est incontestablement un des grands films de cette année. Essentiel, tant d’un point de vue cinématographique que pour le message qu’il nous envoie en pleine face !

mardi 19 novembre 2019

Le Mans 66 : un film grisant !

Au début des années 60, les ventes de Ford sont en baisse, il faut trouver un moyen de redorer le blason de la marque. L’idée germe alors de construire un voiture de course pour remporter la course la plus prestigieuse : les 24 heures du Mans. Henry Ford II accepte de recruter Carroll Shelby, ancien pilote reconverti en concepteur de voitures, pour relever le défi. Mais Shelby ne veut qu’un pilote pour cette voiture, celui qu’il estime être le meilleur : Ken Miles. Il faudra convaincre les dirigeants de Ford...  et réussir le défi fou de construire en un temps record un bolide capable de détrôner Ferrari, qui règne sans partage sur les 24 heures du Mans.

Le Mans 66 est un film grisant, mené à tombeau ouvert, remarquablement réalisé, avec beaucoup d'élégance, par James Mangold. Les scènes de course sont vraiment spectaculaires, immersives et haletantes. Si le film évoque les enjeux économiques au coeur de la rivalité entre Ford et Ferrari, le parti-pris est de centrer le récit sur l’amitié entre Shelby et Miles, deux casse-cous au caractère bien trempé. Et c’est une excellente idée parce que cela permet d’alterner des scènes d’action avec des scènes plus intimes, une veine intime également exploitée dans l’évocation des relations de Miles avec sa femme et avec son fils. De l’émotion et de la tendresse, donc, au milieu du vacarme des moteurs et des crissements de pneus. On ne s’ennuie pas une seconde !

Le duo Matt Damon / Christian Bale fonctionne à merveille, le deux acteurs sont visiblement complices. Et, une fois encore, Christian Bale est assez génial dans le rôle de cette tête brûlée ingérable mais attachante de Ken Miles.

A noter aussi une super bande originale, signée Marco Beltrami et Buck Sanders, tour à tour vintage pour coller aux années 60 et électrisante pour accompagner les scènes de course.

Le Mans 66 est donc un excellent film qui raconte un défi un peu fou, une aventure humaine, une histoire d'amitié et offre un spectacle grisant, plein d'émotions. 

lundi 18 novembre 2019

J’accuse : classique dans le bon sens du terme, mais un peu froid

Le film raconte la célèbre affaire Dreyfus du point de vue du Colonel Picquart. Ce dernier, qui a contribué à l’arrestation de Dreyfus, se rend compte, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, que les preuves contre le capitaine Dreyfus ont été fabriquées de toutes pièces. Il est innocent. Il va alors mettre tous ses efforts à identifier le vrai coupable et réhabiliter Dreyfus mais il devra faire face à une armée toute-puissante, une justice partiale, le tout dans un climat d’antisémitisme généralisé.

La reconstitution de la France de la toute fin du XIXe siècle est minutieuse et précise, le casting est luxueux (avec de nombreux sociétaires de la Comédie Française), la réalisation est classique et racée. Mais le tout est assez froid, presque distant, à l’image de la relation ambiguë entre Dreyfus et Picquart. Ce dernier admet lui-même son antisémitisme (il le dit à Dreyfus : il n’aime pas les Juifs) mais il se veut pourtant intègre et juste. Et il sera prêt à aller jusqu’en prison dans son combat pour la justice. Dreyfus, lui, apparaît jusqu’au bout comme une victime révoltée mais comme résignée face aux injustices qu’il subit, par le simple fait d’être Juif.

Les passions se déchaînent quand même quelques fois, dans les foules qui crient leur haine ou chez les militaires qui défendent leur honneur au tribunal. Le mélange de patriotisme, d’antisémitisme assumé et de discipline militaire crée un climat assez délétère, et évoque une société malade… qui n’est pas sans rappeler des peurs et des haines qui s’expriment de plus en plus ouvertement aujourd’hui ! Cette actualité-là du film est bien plus pertinente que son instrumentalisation pour défendre son réalisateur face aux accusations graves dont il est la cible...

Un beau film, classique dans le bon sens du terme, auquel pourtant il manque, selon moi, un peu de souffle... 

mardi 12 novembre 2019

Midway : un film de guerre à l'ancienne avec les moyens techniques d'aujourd'hui

Après l'attaque de Pearl Harbour, la marine japonaise prépare une nouvelle attaque dans le Pacifique pour éliminer définitivement les forces aéronavales américaines. L'amiral Nimitz est alors nommé nouveau commandant de la flotte américaine. Quant à Edwin Layton, à la tête des renseignements, il va chercher à percer les codes secrets japonais pour anticiper leurs plans et les prendre par surprise. Les pilotes de la flotte américaine se préparent à livrer un combat héroïque face aux forces redoutables de l'aéronavale japonaise. La guerre du Pacifique va se jouer dans un petit atoll du Pacifique nord : Midway.

Midway est un peu un film de guerre à l'ancienne, mais avec les moyens techniques d'aujourd'hui. Un film qui exalte l'héroïsme et l'esprit de sacrifice, en essayant tout de même de ne pas trop manichéen, avec les gentils américains contre les méchants japonais (à la fin le film est dédié aux pilotes américains et japonais qui ont combattus dans le Pacifique)... Et comme dans les films de guerre à l'ancienne, il n'y a pas vraiment de regard critique sur l'horreur de la guerre mais essentiellement un film d'action spectaculaire. Les dialogues ne sont pas extraordinaires, les personnages pas très approfondis mais il faut avouer que le spectacle (ça fait toujours bizarre de dire ça à propos d'une guerre...) est assez époustouflant. Evidemment, on est très loin du lyrisme génial de Christopher Nolan dans Dunkerque, mais Roland Emmerich sait quand même y faire et les scènes de combat aériennes sont vraiment très très spectaculaires.

Pour un grand film de guerre, on ira voir ailleurs (Kubrick, Malick, Eastwood, Nolan...) mais pour un bon film de guerre à l'ancienne, avec Midway, on en a pour son argent !

lundi 11 novembre 2019

Adults in the room : un film politique engagé et caustique... mais un peu long

Après 7 années de crise, la Grèce est au bord du gouffre. La victoire de Syriza aux élections redonne de l’espoir au peuple. Nommé par le nouveau premier ministre, Alexis Tsipras, Yanis Varoufakis, le ministre de l’économie, va tenter de négocier auprès du pouvoir européen un réaménagement de la dette colossal de la Grèce. Mais il va se heurter à un mur bureaucrate et inhumain.

Adults in the room est un film politique engagé, comme en a l’habitude Costa-Gavras, son réalisateur. Et il a un indéniable savoir faire dans le domaine ! Le ton se veut caustique et ironique… mais on rit jaune, étant donné les enjeux auxquels les financiers et les diplomates européens semblent insensibles. Le spectacle qu’ils donnent est affligeant et puéril (le titre du film fait référence à une réplique mise dans la bouche de Christine Lagarde, directrice du FMI, disant qu'il faudrait plus d'adultes dans la salle, en constatant les débats en cours...)

Le fond est intéressant (et plutôt inquiétant !) mais la forme finit par lasser un peu, par sa succession de discussions stériles, de discours hypocrites et de promesses non-tenues. Au bout d’un moment, c’est un peu assommant… et moyennement cinégénique.

J'ai perdu mon corps : un film d'animation fantastique, de la poésie pure

A Paris, une main coupée s’échappe d’un labo, à la recherche de son corps, celui de Naoufel qui, quelque temps plus tôt, était tombé amoureux de Gabrielle. La main traversera la ville, en affrontant ses nombreux dangers. Et le fil des souvenirs de la vie de Naoufel nous conduira jusqu’au terrible accident.

J’ai perdu mon corps est un conte fantastique inclassable, à la fois surréaliste et réaliste. On suit en parallèle l’aventureuse traversée de Paris de cette main privée de corps et les souvenirs de Naoufel. Alors que l’idée de voir une main se déplacer toute seule semble tout à fait incongrue, le film arrive à faire passer cette idée avec naturel. Jamais l’invraisemblance ne pose le moindre problème. C’est incroyable. On est même embarqué avec elle avec émotion (la peur face au rats dans le métro, ou l’attendrissement quand elle donne à un bébé la tétine qu’il a perdue). Il émane de ce film d’animation une poésie pure et une force vraiment étonnantes. A travers l’histoire de Naoufel et de sa main, le film nous parle de perte et de deuil, de solitude et d’amour.

L’animation est magnifique, naturelle (quel plaisir de distinguer de vraies coups de crayon !). Elle réserve quelques scènes de poursuite haletante, d’autres oniriques et tendres. Et la musique de Dan Levy est magnifique.

J’ai perdu mon corps est tout simplement un grand film d’animation, très original. Un coup de maître pour son réalisateur, Jérémy Clapin.

La belle époque : une comédie nostalgique et brillante

Victor et Marianne sont mariés depuis 40 ans… mais ça fait longtemps qu’ils ne font plus que cohabiter, se supportant à peine l’un et l’autre. Suite à une nouvelle dispute, Marianne demande à Victor de partir, de quitter la maison. Perdu, il décide alors d’accepter le cadeau que lui a fait son fils : grâce à l’entreprise innovante d’un de ses amis, il aura la possibilité de vivre une reconstitution historique en immersion, à l’époque de son choix et dans la peau de n’importe quel personnage. Et Victor choisit de revivre lui-même le jour où il a rencontré Marianne, en 1974.

La belle époque est une comédie nostalgique et brillante, et même assez virtuose, par ses dialogues acérés, son montage habile, sa jolie mise en scène. C’est vraiment drôle, souvent malicieux... et c’est aussi touchant (notamment la fin du film, tout à fait réussie). On prend beaucoup de plaisir devant cette double comédie romantique, avec ses récits qui se croisent et s’entrechoquent.

Le film est aussi remarquablement  interprété. Daniel Auteuil est absolument parfait dans le rôle de Victor. Et Doria Tillier est formidable, dans un rôle taillé pour elle, lui permettant de changer sans cesse de registre. Et Fanny Ardent et Guillaume Canet complètent avec talent un quatuor de solistes de grande classe.

Pour son deuxième film, Nicolas Bedos confirme son talent de réalisateur !

lundi 4 novembre 2019

Doctor Sleep : une très pâle suite à Shining...

Dan Torrance, devenu adulte, est encore profondément marqué par le traumatisme vécu enfant dans l’Overlook Hotel. Il a essayé de les enfouir tant bien que mal… mais quand il rencontre Abra, adolescente aux dons extrasensoriels remarquables, ses vieux démons resurgissent. La jeune fille est consciente que Dan a des pouvoirs similaires aux siens et elle lui demande son aide pour lutter contre la redoutable Rose et sa tribu, qui se nourrissent du "shining" de ceux qui sont comme elle, pour prolonger presque indéfiniment leur vie.

Shining était évidemment un chef d’oeuvre de film d’épouvante, réalisé par le grand Stanley Kubrick, qui avait pris d’assez nombreuses libertés avec le roman de Stephen King (ce que ce dernier n’avait d’ailleurs pas vraiment apprécié...). Doctor Sleep est l’adaptation d’un autre roman de Stephen King, qui fait suite à son Shining. Je ne sais pas dans quel mesure le film est fidèle au livre mais en tout cas, en tant que film, il n’est qu’une très pâle suite au chef d’oeuvre de Kubrick. Le seul moment où j’ai eu un peu de frémissement, c’est lorsqu’on retourne au fameux Overlook Hotel… mais l'excitation retombe bien vite.

Les quelques références au film de Kubrick ne suffisent pas à nous captiver (surtout pas le pseudo Jack Nicholson qu’on y croise !). Tout est bien trop explicite... où est le mystère, le trouble produit par le premier Shining ? C'est une vraie déception, même si réaliser une suite à un chef d'oeuvre est une vrai gageure ! J'avais pourtant un peu d'espoir en voyant que Mike Flanagan était à la réalisation puisque j’avais beaucoup aimé son excellente série sur Netflix : The Haunting of Hill House. C'est raté !

Pour l’hommage à Shining, je préfère mille fois celui de Spielberg dans Ready Player One, ludique, mais aussi finalement plus effrayant !

Le traître : passionnant portrait d'un repenti de la mafia

Au début des années 80, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est sanglante. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, décide de fuire son pays et se réfugie au Brésil. Les règlements de compte se succèdent en Italie, et les proches de Buscetta sont éliminés les uns après les autres. Finalement arrêté par la police brésilienne puis extradé en Italie, Buscetta rencontre alors le juge Falcone et il décide de parler…

Si le film décrit avec une précision quasi-documentaire la terrible réalité du monde de Cosa Nostra, avec sa violence et ses rivalités, mais aussi son hypocrisie et ses “valeurs”, il est avant tout le portrait du plus célèbre “repenti” de la mafia sicilienne, dont les révélations ont permis l'arrestation de très nombreux mafieux. Et la plongée intime qu’il propose dans l'âme de Buscetta est passionnante, pour un personnage qui, tout en étant repenti, reste mystérieux voire ambigu (la dernière scène du film est, à cet égard, assez terrible).

La mise en scène de Marco Bellocchio est absolument remarquable, avec quelques scènes vraiment marquantes : les meurtres de sang froid qui se succèdent avec un compteur qui défile à l’écran, des scènes de procès incroyables (on se croirait au cirque ou dans la commedia dell’arte), le terrible attentat qui a coûté la vie au juge Falcone, vécu de l’intérieur, et bien d’autres encore...  Le réalisateur manie l’ellipse avec maestria, pour mettre en perspective les actes et les paroles de Buscetta, et entretenir l'ambiguïté du personnage. Sans aucune complaisance… C’est aussi un film politique, qui évoque la corruption et les collusions avec le pouvoir, mais aussi l’intégrité de juges qui l’ont payé de leur vie.

A noter également, la très belle performance d'acteur de Pierfrancesco Favino dans le rôle de Buscetta.

Vraiment un très bon film.

Retour à Zombieland : du fun, du gore et du politiquement incorrect !

Depuis l’arrivée d’un virus qui transforme les humains en zombies, une dizaine d’années auparavant, le chaos s’est répandu partout et les zombies eux-mêmes ont évolué. Une poignée d’humains ont réussi à survivre, et parmi eux une petite “famille” qui s’est constituée un peu par hasard et qui a su rester en vie malgré le contexte hostile (cf. Zombieland). Ils semblent même avoir trouvé un certain équilibre dans leurs relations… mais tout n’est pas aussi simple que cela. Little Rock a grandi et cherche à quitter le nid pour voler de ses propres ailes… et pour échapper à un père de substitution un peu envahissant en la personne du cowboy Tallahassee. Et le couple formé par Wichita et Columbus s’est enfermé dans une routine, à moins qu’ils aient peur de réellement s’engager ? En tout cas, suite à différentes circonstances, ils vont reprendre la route, rencontrer quelques autres survivants plus ou moins étranges… et croiser beaucoup de zombies !

Dix ans plus tard, on reprend donc la même recette qui avait fait la réussite de Zombieland : du fun, du gore et du politiquement incorrect… sans vraiment faire dans la dentelle ! C’est forcément un peu moins drôle qu’en 2009 mais on retrouve avec plaisir cette “famille” atypique et on rit beaucoup face à des situations complètement invraisemblables mais assez jouissives. Bref, ça fonctionne encore !

Le film est d’abord un divertissement rock’n roll, et il ne faut pas forcément y chercher trop de messages… Mais c’est bien tout de même un portrait acide, à travers un miroir grossissant et déformant, de l’Amérique d’aujourd’hui : on y parle d’armes à feu, de bagnoles, de la famille traditionnelle, de l’altermondialisme, véganisme, pacifisme, de religion, d’Elvis… Et puis c’est aussi un film qui parle de la famille et de l’engagement dans le couple. Finalement, c’est un peu une comédie romantique avec des zombies. Beaucoup de zombies !

Et puis il y a le plaisir de retrouver un quatuor d’acteurs excellents (avec quelques guests, y compris dans la scène bonus à la fin du film !), à commencer par un Woody Harrelson des grands jours.

Laissez votre cerveau au vestiaire (en plus c’est justement ce que cherchent à dévorer les zombies…) et amusez-vous (si vous supportez le sang qui gicle partout, évidemment) !

lundi 28 octobre 2019

Chambre 212 : prétentieux, artificiel et même pas drôle !

Maria et Richard sont mariés depuis 20 ans, lorsque Richard découvre l’infidélité de son épouse. Ils se disputent et Maria décide de quitter le domicile conjugal et s’installe juste en face, dans un hôtel, chambre 212, pour réfléchir. Des personnages du passé resurgissent alors, à commencer par Richard à l’âge où elle l’a connu, et Irène Haffner, l’amour de jeunesse de Richard, qui était aussi sa prof de piano.

Certes, le film évoque d’une façon originale la question de l'usure du couple, avec une mise en scène très théâtrale et un télescopage anachronique des personnages à différents âges de leur vie. Mais... je n'ai pas accroché du tout. Mais alors vraiment pas du tout ! J'ai trouvé le film prétentieux, avec des dialogues artificiels, pour un ensemble même pas drôle ni touchant… Évidemment, on ne cherchera pas la vraisemblance et la logique dans un film qui joue ainsi sur la réalité et l'imaginaire... mais, quand même, un minimum de crédibilité. Mais où est la ressemblance entre Benjamin Biolay et Vincent Lacoste (pareil pour les différentes “versions” des autres personnages) ?

Bref, je suis resté complètement extérieur à ce film, très perplexe. Et je ne comprends pas toutes les critiques dithyrambiques de la presse, presque unanime pour encenser le film !

Hors normes : un beau film, généreux, bienveillant, plein d'humanité

Bruno et Malik travaillent ensemble depuis 20 ans, chacun avec sa propre association. Tous deux s’occupent d’enfants et d’adolescents autistes, la plupart du temps sévèrement atteints, des cas qualifiés “d’hyper complexes”. Ce sont des patients dont personne ne veut et qu’eux accueillent, pour les sortir d’un enfermement en milieu hospitalier qui ne fait qu’aggraver leur cas. De plus, par leurs associations, ils sortent des jeunes de leurs quartiers difficiles pour les former et leur confier l’encadrement de ces jeunes autistes.

Autour de Bruno et Malik, on suit dans le film en particulier le parcours de Joseph, le premier jeune autiste dont Bruno se soit occupé et pour lequel il cherche désormais un job où il pourra être autonome. On suit aussi le difficile apprentissage de Dylan, un jeune de banlieue que l’association de Malik essaye de former en lui confiant l’encadrement d’un jeune autiste en détresse qu’il faut absolument sortir du milieu hospitalier.

Hors normes est un beau film, généreux, bienveillant, plein d’humanité. Hors normes, Bruno et Malik le sont pas leur personnalité, leur générosité et leur engagement, quitte à ne pas forcément entrer dans le cadre administratif… et ses normes. Mais ces jeunes autistes aussi sont hors normes. Difficiles à comprendre, imprévisibles, parfois violents envers les autres ou envers eux-mêmes… on préfère détourner le regard d'eux, ils dérangent, ils ne sont pas dans la norme ! Le film veut les mettre en lumière, avec bienveillance. Alors, même si parfois le tableau peut paraître un peu accentué, l’intention un peu forcée, comment ne pas recevoir avec reconnaissance un film qui fait preuve de tant de générosité ?

Si le film est touchant, et parfois bouleversant, il est aussi souvent drôle, que ce soit à travers les situations cocasses provoquées par ces jeunes autistes, ou par la maladresse presque maladive de Bruno, vieux célibataire qui perd tous ses moyens en présence d’une femme.

Vincent Cassel et Reda Kateb sont incroyablement crédibles dans le rôle des deux éducateurs. Et la présence au casting de plusieurs comédiens qui sont eux-mêmes autistes (à commencer par Benjamin Lesieur dans le rôle de Joseph !) confère au film un réalisme saisissant.

Sorry we missed you : un très bon Ken Loach, engagé sans jamais tomber dans le démonstratif

Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Les parents travaillent dur pour s’en sortir : Abby est aide à domicile auprès de personnes âgées, Ricky enchaîne les jobs mal payés. Mais une occasion d'enfin réaliser leur rêve et devenir propriétaire de leur maison semble se présenter : Abby vend sa voiture pour que Ricky puisse s’acheter une camionnette et devenir, grâce à une franchise, chauffeur-livreur à son compte…

Sorry we missed you est un très bon Ken Loach. Comme à son habitude, le réalisateur propose un cinéma engagé, politique et social, un cinéma humaniste. On est pourtant loin d’un pensum politique et militant. Le cinéaste, à travers une histoire touchante, sobrement racontée mais avec une grande force, filme les dégâts collatéraux de l’uberisation de notre société. Il propose un constat implacable sur un système qui déshumanise de plus en plus, qui exploite les plus vulnérables, qui brise des vies et des familles.

Au-delà de la dénonciation et du cri d’alerte, le film est un poignant portrait d’une famille au bord de l’implosion, broyée par le système. Avec un père et une mère qui se sacrifient pour leur famille et leurs rêves, au point de ne plus avoir de vie. Avec un fils aîné en révolte, qui ne voit aucun avenir possible et ne veut surtout pas finir comme son père. Avec une fille cadette qui essaient de recoller les pots cassés… alors qu’elle est elle-même fragilisée.

Ken Loach est toujours en colère... et on a envie de l'être avec lui. D'autant qu'on perçoit toujours dans ses films, malgré son constat inquiet, qu'il veut encore y croire, et qu'une autre société est possible !

lundi 21 octobre 2019

J'irai où tu iras : une comédie piquante qui se veut aussi émouvante

Vali et Mina sont deux soeurs, très différentes l’une de l’autre. Vali est chanteuse, artiste, émotive, elle a participé à une saison de Star Academy. Mina est thérapeute, très investie dans son travail, elle est distante et fermée avec ses proches. Elles ont perdu leur mère bien des années auparavant mais leur père les aime plus que tout et est plein d’attentions pour elles. Alors que Vali a décroché une audition pour devenir choriste de Céline Dion, c’est Mina qui va devoir, à contre-coeur, l’accompagner.

J’irai où tu iras est une comédie piquante qui se veut aussi émouvante. Elle est piquante par son regard plein d’ironie sur le monde du showbiz, et émouvante par l’évocation d’une histoire d’amour entre deux soeurs, compliquée par les suites d’une épreuve familiale. Et ça fonctionne ! Même si le tout est assez prévisible... les dialogues sont assez savoureux. La réussite repose sans doute sur le duo complice de Leïla Bekhti et Géraldine Nakache, mais aussi un Patrick Timsit très touchant dans le rôle du père.

Matthias et Maxime : formellement toujours intéressant mais pas vraiment passionnant sur le fond

Matthias et Maxime sont deux amis d’enfance. Ils font partie d’une bande de copains très soudée. Pour les besoins d’un court métrage d’une amie, il s’embrassent devant la caméra. Mais ce baiser apparemment anodin réveille des doutes et des sentiments ambigus, qui vont perturber leur équilibre et leur vie, alors que Maxime s’apprête à partir pour deux ans en Australie.

C’est incontestable, Xavier Dolan sait faire des films (dans lesquels il fait à peu près tout, y compris jouer devant la caméra à nouveau cette fois). La réalisation, le montage, c’est souvent remarquable, inventif. Du vrai cinéma. Le problème, c’est qu’il a quand même tendance à ressasser toujours un peu les mêmes thèmes, qu’on retrouve dans Matthias et Maxime (quête d’identité, mal-être, mères envahissantes…) Et même s’il y a bien des touches d’humour, c’est toujours tragique, torturé. A force, ça peut lasser. Et je dois avouer que l’histoire ici ne m’a pas vraiment passionné, et que je n’étais pas loin, à la fin, de m’ennuyer un peu... d'autant que j'ai trouvé que l'émotion n'était pas vraiment au rendez-vous.

Fahim : un joli film, généreux et bienveillant

Fahim, qui vit au Bangladesh, est un jeune prodige des échecs. A cause de la situation politique locale, son père décide de fuir le pays avec lui, en laissant derrière eux le reste de la famille. Il vont en France, espèrent y trouver du boulot et pouvoir faire venir la famille ensuite. A Créteil, Fahim rencontre Sylvain, un des meilleurs entraîneurs d’échec de France. Alors que se profile le championnat de France, auquel Sylvain compte bien inscrire Fahim, la menace d’expulsion se précise pour le père de ce dernier.

Inspiré d’une histoire vraie, Fahim est un joli film, généreux et bienveillant, autour des drames personnels liés à l’immigration. Rien de révolutionnaire dans la mise en scène mais le film est émouvant, avec quelques touches bienvenues d’humour. A noter aussi un Gérard Depardieu parfait en professeur d’échec bourru qui cache un coeur tendre.

lundi 14 octobre 2019

La fameuse invasion des ours en Sicile : une très jolie fable humaniste

En Sicile, les ours vivent dans la montagne et les hommes dans la vallée. Un jour, Tonio, le fils du roi des ours, est enlevé par des chasseurs. Léonce, le roi des ours, est désespéré. Mais quand l’hiver arrive et menace son peuple de famine, il décide d’envahir la plaine et d’aller chercher de la nourriture chez les hommes.

La fameuse invasion des ours en Sicile est un très joli film d’animation, pour toute la famille. L’animation est très belle, colorée, avec des lignes simples. Adaptation d’un conte pour enfants écrit par Dino Buzzati, c’est une très belle fable humaniste, qui peut parler aux petits comme aux grands, grâce à plusieurs niveaux de lecture. L’histoire évoque l’accueil de la différence, la tolérance et la peur de l’étranger, mais elle peut parler aussi de l’exercice du pouvoir, et de ses vices, de la responsabilité des dirigeants, de la transmission aux générations futures, des différences culturelles, de l’apprentissage du vivre ensemble, ou alors de la relation entre les animaux et les hommes, de l’équilibre écologique. Bref, c’est une histoire extrêmement riche mais qui est très accessible.