lundi 27 mai 2019

The Dead don't die : une farce réjouissante et noire

A Centerville, petite bourgade au fin fond de l'Amérique, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond... La nuit tombe à des heures inhabituelles, la lune est omniprésente dans le ciel, les animaux ont des comportements étranges... Et finalement, les morts sortent de leur tombes et s'attaquent sauvagement aux vivants, pour se nourrir de leur chair. Les nouvelles sont inquiétantes puisque les même phénomènes se manifestent un peu partout dans le pays et dans le monde. Ne serait-ce pas dû aux forages opérés au pôle nord et qui auraient fait dévier l'axe de la Terre ? Mais les autorités gardent un discours rassurant : il n'y a aucun problème et ce forage va procurer des milliers d'emplois aux américains !

Jim Jarmusch invente le film de zombies cool ! Les trois policiers au coeur du film prennent leur temps et essayent de garder leur flegme malgré les zombies. Même si l'un d'eux répète sans cesse que ça va mal se terminer... Le Shérif décide, comme plan d'action, de faire une patrouille nocturne en ville, laissant les clés du poste de police à la nouvelle propriétaire des pompes funèbres locales, une étrange écossaise qui se ballade avec son sabre pour couper les têtes des zombies. Avec à plusieurs reprises la musique d'une ballade country au titre évocateur : "The Dead dont't Die" !

Le film n'est certes pas un chef d'oeuvre mais c'est une fable réjouissante, absurde et caustique sur notre société de consommation. Car finalement, les zombies, c'est nous ! D'ailleurs, quand ils sortent de tombe, à part dévorer les vivants, ils retournent à leurs activités favorites lorsqu'ils étaient en vie. Ainsi, certains se massent devant la pharmacie en disant "Xanax !", d'autres vont au restaurant et repartent avec la bouilloire de café, d'autres encore se balladent penchés sur leur smartphone en disant en boucle : "WIFI" ou "Bluetooth" ! Le tout sous les yeux d'un vieil ermite qui vit dans les bois, retiré de la société, et qui observe impassible le carnage. Car c'est bien à un carnage qu'on assiste et derrière ses atours de farce, le film est en réalité assez désabusé et noir, presque nihiliste. En tout cas guère optimiste quant à l'humanité...

Sibyl : un récit labyrinthique qui nous perd... et finit par ennuyer

Sibyl était romancière. Elle est maintenant psychanalyste. Mais elle décide de quitter la plupart de ses patients pour se remettre à écrire. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeune actrice, l'appelle. Elle la supplie de l'aider, elle est dans la plus grande détresse, en plein tournage. Sibyl accepte de la recevoir et, bientôt fascinée par la jeune femme, elle enregistre secrètement ses entretiens avec elle pour en nourrir son roman.

Le film est un récit labyrinthique qui nous perd... et qui a fini par franchement m'ennuyer. Dans la première partie, le récit est déstructuré (on passe sans cesse des entretiens de Sibyl avec Margot, ou un enfant, à ses souvenirs ou ses échanges avec sa soeur ou son psychanalyste). Dans la deuxième partie, sur le tournage du film de Margot, les choses se bousculent dans une sorte de double mis en abîmes (dans le roman qu'elle écrit et dans le film que tourne Margot).

Le film se veut brillant... il m'a agacé. En forçant à peine le trait, les femmes y sont hystériques et manipulatrices (même sans le vouloir), les hommes sont lâches. Bonjour la subtilité ! À part le mari de Sibyl. Lui, il est gentil. Et effacé. C'est sans doute pour ça qu'il est gentil... Finalement, j'ai trouvé à peu près tous les personnages du film antipathiques ou pathétiques.

Virginie Efira est une formidable comédienne, c'est indéniable... Mais ici, tout est fait pour qu'elle puisse démontrer la preuve de son talent, et ça en devient un peu démonstratif.

Je ne comprends pas la fascination des critiques pour les films de Justine Triet. J'avais bien aimé Victoria, sans plus. Je n'ai pas aimé Sibyl...

Le jeune Ahmed : sobre et réaliste, sur un sujet important

Ahmed a 13 ans. Il vit avec sa mère et sa soeur en Belgique. Depuis quelques mois, il est sous l'influence d'un imam radical. Il a laissé tomber sa Playstation et il passe le plus clair de son temps à lire le Coran et aller à la mosquée, il fait consciencieusement ses ablutions et ses prières mais il refuse aussi de serrer la main aux femmes et reproche à sa mère et sa soeur d'être de mauvaises musulmanes. Quand sa professeure décide de proposer à l'école un cours d'arabe à travers des chansons, sans passer par la seule lecture du Coran, Ahmed y voit l'occasion de démontrer qu'il est un vrai musulman... 

Le jeune Ahmed est un portrait sobre et réaliste, bien dans le style des frères Dardenne, ancré dans une problématique sociale brûlante. Le film s'intéresse peu au processus de radicalisation. Ce dernier est juste suggéré : le rôle de l'imam, d'Internet, de la figure du cousin mort en "martyr de l'Islam"... La question abordée est plutôt celle de la difficulté à renouer le contact avec un jeune déjà radicalisé. Le film, et c'est son point fort, ne cherche pas à expliquer, à trouver des raisons psychologiques ou sociales. Il décrit, avec une précision documentaire. Il fait voir un drame, chez un adolescent, dans une famille, un drame dont les ressorts profonds restent assez mystérieux. Et il montre l'impuissance d'une mère, d'une enseignante, d'un éducateur... qui pourtant ne cessent de chercher à aider, à aimer.

Le film est un drame certes, mais pas sans lumière. Mais cette lumière émerge difficilement, dans la douleur... jusqu'à un dénouement d'une belle force mais assez terrible.

On retrouve dans le film la sobriété et la force des films des frères Dardenne. Avec de nombreux plans séquences, caméra à l'épaule, au plus près des acteurs, dont le jeune Idir Ben Addi, excellent.

Le jeune Ahmed est un film important, qui se veut un appel à la vie face aux relents mortifères de l'extrémisme religieux.

mercredi 22 mai 2019

Douleur et gloire : un très beau film, nostalgique et introspectif

Salvador Mallo est un cinéaste qui a connu le succès mais qui ne réalise plus de films, notamment à cause de nombreuses douleurs physiques dont il souffre. A l'occasion d'une rétrospective à la cinémathèque, il renoue le contact avec Alberto, un acteur avec lequel il s'est fâché trente ans auparavant. Il va se remémorer son enfance, sa mère, ses premières amours...

Douleur et gloire est un très beau film, nostalgique et introspectif. Un film très personnel, où l'on perçoit bien qu'il contient des échos autobiographiques (sans qu'on puisse dire quels éléments du film le sont vraiment). L'affiche du film le confirme ! D'ailleurs, par son histoire même, le film montre bien le lien indissociable entre la vie privée et le processus de création. Le très beau dernier plan du film le souligne encore plus...

Le film est profondément émouvant, sobre et sensible. Il poursuit le virage opéré par Almodovar avec son précédent film, le très beau Julieta.

Antonio Banderas, dans le rôle principal, est magnifique. Son interprétation, toute en émotion et en fragilité est d'une justesse extraordinaire. C'est probablement son plus grand rôle.

A noter encore la très belle photographie, avec ses couleurs vives (très almodovariennes), et la subtile bande originale composée par Alberto Iglesias.

jeudi 9 mai 2019

Retour de flamme : très jolie comédie romantique aux accents existentiels

Marcos et Ana, quinquagénaires, sont mariés depuis 25 ans et forment un couple uni. Mais lorsque leur fils quitte la maison pour ses études, leur quotidien de couple est mis en question et ils traversent une crise... Ils décident alors de se séparer, d'un commun accord, mais sans trop savoir pourquoi. Leur liberté retrouvée, ils sont décidés à profiter pleinement de leur nouveau célibat...

Retour de flamme est une très jolie comédie romantique aux accents existentiels, qui a connu un gros succès dans son pays d'origine, l'Argentine. Le film est léger et espiègle, avec d'excellents dialogues. On rit souvent ! Mais il est aussi plus profond qu'il n'y paraît dans sa façon d'évoquer le couple et le défi de s'inscrire dans la durée, le sentiment amoureux et l'amour (ce n'est pas pareil !) mais aussi la liberté et l'engagement.

Et puis l'alchimie fonctionne parfaitement entre les deux acteurs principaux, les excellents Ricardo Darin et Mercedes Moran. Et la fin, même si elle est plutôt attendue, est touchante et très réussie.

lundi 6 mai 2019

Nous finirons ensemble : agréable mais inégal, comme le premier film

Max est parti seul dans sa maison au bord de la mer. Il n'est pas bien : il a tout perdu et doit vendre sa maison. Mais il n'a rien dit à personne, y compris son ex-femme. C'est alors que sa bande de potes, qu'il n'a pas vue depuis plus de trois ans, débarque par surprise pour lui fêter son anniversaire...

On retrouve plutôt avec plaisir la bande de potes des Petits Mouchoirs, avec quelques années de plus. Les enfants ont grandi, certains couples se sont défaits, tout le monde a un petit peu changé... Cette suite est plutôt agréable mais inégale. Comme le premier film, en somme. Guillaume Canet, toujours comme dans le premier film, abuse un peu de l'ascenseur émotionnel, essayant de faire passer le spectateur du rire aux larmes. Avec quand même plus de bonheur pour le rire que pour les larmes...

De ce fait, le film s'apparente un peu à un film à sketches. C'est forcément plus ou moins réussi, mais certaines scènes sont vraiment drôles (notamment avec le personnage de Laurent Lafitte !).

Gloria Bell : Julianne Moore est formidable... le film beaucoup moins

Quinquagénaire, divorcée, Gloria vit seule. Elle sort dans les dancings pour célibataires de Los Angeles, à la recherche de rencontres passagères... jusqu'au jour où elle croise la route d'Arnold.

Remake, par le réalisateur lui-même, d'un film que je n'ai pas vu, Gloria Bell est le portrait d'une femme qui cherche à reconstruire sa vie amoureuse. Le film repose entièrement sur son actrice principale, et il faut avouer que Julianne Moore est, encore une fois, magnifique.

Mais l'histoire, elle, m'a laissé un peu de marbre... Les déboires amoureux de cette femme, sa relation à ses deux enfants, avec leurs problèmes propres... tout cela ne m'a pas trop intéressé. Mais Julianne Moore est une actrice formidable...

Les oiseaux de passage : l'origine des cartels de la drogue. Passionnant.

De la fin des années 60 au début des années 80, en Colombie, une famille d'indigènes Wahuu se retrouve au coeur du trafic naissant de marijuana à destination des USA.

Les oiseaux de passage est une fresque impressionnante qui raconte, à la manière d'un conte, l'histoire malheureusement vraie de l'origine des cartels de la drogue en Amérique du Sud. Le film est découpé en cinq chants, qui sont autant d'étapes vers le déchaînement de violence final. Tout commence avec, d'une part, un groupe de hippies sur une plage, qui distribuent des tracts anti-communistes et cherchent à se procurer de la marijuana, et d'autre part, un jeune homme qui essaye de rassembler suffisamment d'argent pour payer la dot pour son mariage. Tout démarre de là... Et le choc des cultures qui va s'ensuivre, entre les traditions ancestrales indigènes et un capitalisme avide, sera explosif et se terminera dans un bain de sang. C'est une histoire d'honneur et de vengeance, de fric et de pouvoir, sur fond de traditions indigènes.

L'histoire est passionnante : on apprend plein de choses, sur les cultures locales, sur l'histoire des cartels, bien avant Pablo Escobar. Et c'est remarquablement filmé (il y a un plan absolument sublime, vers la fin du film, avec une maison en feu et un orage qui gronde). A noter aussi la formidable bande son, à la fois pour ses mélodies traditionnelles et sa très belle bande originale signée Leonardo Heiblum.