Un film de procès, c'est toujours un peu casse-gueule. Il peut vite devenir bavard ou didactique. Justine Triet échappe brillamment à ces écueils en ne se laissant pas enfermer dans le procès lui-même. (...) Elle joue aussi la carte de la subjectivité, usant de hors-champs et de contre-champs intelligents (...) A cet égard, le film est passionnant quant aux questions qu'il pose dans notre rapport à la vérité.
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Sandra et son mari Samuel, avec leur fils Daniel, 11 ans et malvoyant, vivent isolés dans la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête est ouverte et Sandra est accusée de meurtre. Elle se dit innocente. Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère.
Un film de procès, c'est toujours un peu casse-gueule. Il peut vite devenir bavard ou didactique. Justine Triet échappe brillamment à ces écueils en ne se laissant pas enfermer dans le procès lui-même. Elle commence son récit en amont, elle intègre au cours du film quelques pas de côté, et intègre avec à propos quelques flashbacks. Elle joue aussi la carte de la subjectivité, usant de hors-champs et de contre-champs intelligents, ou lors de cette scène incroyable où le petit Daniel évoque un dialogue avec son père, on voit alors ce dernier remuer les lèvres mais on entend la voix de son fils. L’effet est saisissant, et pertinent.
Il y a bien un verdict qui est prononcé à la fin du procès mais lève-t-il pour autant tous les doutes ? Est-ce seulement possible ? Comment faire éclore de manière indubitable la vérité ? Surtout quand on s'appuie sur des faits partiels qu'il faut forcément interpréter, et sur des témoignages qui, par nature, ne peuvent pas être totalement objectifs, surtout quand le témoin clé de l'affaire est le fils du couple. A cet égard, le film est passionnant quant aux questions qu'il pose dans notre rapport à la vérité.
La réalisation de Justine Triet est chirurgicale, d’une précision redoutable pour rendre compte de la complexité de l’affaire, des relations dans le couple, des intentions des différents protagonistes. Le titre du film est fort bien choisi : anatomie d'une chute, anatomie d'un couple. Le film détaille cette anatomie au scalpel !
Les acteurs sont formidables, Sandra Hüller en tête, qui donne une intensité trouble impressionnante à son personnage. Il faut aussi mentionner Swann Arlaud, excellent dans le rôle de l'ami avocat, le toujours très bon Antoine Reinhartz en avocat général incisif et le jeune Milo Machado Graner qui fait preuve d'une belle justesse. Mais tout le casting mériterait d'être mentionné.
Le seul petit bémol que je mettrais au film, c'est que son dispositif nous tient un peu à distance de l'émotion. Mais c'est sans doute aussi une façon de nous laisser dans une certaine ambiguïté. C'est en tout cas un film passionnant, et qui suscite beaucoup de questions, et qui m'a pleinement convaincu (ce qui n'était pas forcément le cas des précédents films de la réalisatrice…). La Palme d'or n'est pas usurpée !
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