lundi 25 février 2019

La chute de l'empire américain : une satire molle et convenue

Pierre-Paul Daoust a 36 ans. Il a un doctorat en philosophie mais il n'est que chauffeur pour une compagnie de livraison. Un jour, il est témoin d'un hold-up qui tourne mal et qui fait deux morts. Il se retrouve alors seul dans la rue avec deux très gros sacs plein de millions de dollars en cash... et il décide de les prendre, y voyant une occasion de revanche sur la vie.

Je m'attendais à voir une satire un peu caustique sur le pouvoir de l'argent, je n'ai vu qu'un film mou et convenu, sans nuance malgré un ton qui se veut ironique. Lorgnant sans convaincre du côté du polar, du film de gangster ou du film politique, avec une romance improbable au milieu de tout cela, le film se termine en dégoulinant de bons sentiments... C'est le pompon !

Le chant du loup : un suspense haletant d'un réalisme impressionnant

Chanteraide, dit "la chaussette", est l'oreille d'or du sous-marin. Il est capable de reconnaître chaque son, même le plus subtil, émis dans la mer. Son rôle est essentiel pour échapper à l'ennemi. Mais la moindre erreur peut mettre tout l'équipage en danger. Sa mission est d'autant plus importante alors que la tension internationale est au plus haut et que le danger d'un conflit nucléaire refait surface.

Le "film de sous-marin" est un sous-genre du film de guerre, qui joue en particulier sur la tension du huis clos. C'est un genre quasi absent du cinéma français... alors on se réjouit d'autant plus de ce premier film réalisé par Antonin Baudry qui est une très belle réussite !

Le film se déroule de nos jours, dans un contexte politique fictif de tension internationale avec la Russie, et permet une réflexion sur la question de la dissuasion nucléaire. Le suspense est haletant, jusqu'au bout, la tension en huis clos est particulièrement bien tenue, sans surenchère d'effets spéciaux mais avec un réalisme impressionnant. On ne s'ennuie pas une seconde. Il y a bien la romance qui vient s'intercaler dans le film et qui apporte certes un peu de douceur dans cette tension générale, mais n'est pas non plus essentielle au film. Mais c'est un détail au regard du plaisir cinématographique que procure le film.

Le film bénéficie aussi d'un casting de haute volée (Reda Kateb, Omar Sy, Mathieu Kassovitz), à la tête duquel François Civil est remarquable, ainsi qu'une belle musique originale signée tomandandy.

Grâce à Dieu : un film engagé, sobre et fort, aux côtés des victimes

Alexandre est marié, il est père de famille et vit à Lyon. Un jour il découvre que le prêtre qui a abusé sexuellement de lui alors qu'il était dans les scouts officie toujours auprès d'enfants. Il se met alors en contact avec archevêché pour demander des explications. C'est le début d'un combat pour libérer la parole des victimes. Il sera rejoint par François et Emmanuel, et par bien d'autres.

"Grâce à Dieu" c'est l'expression utilisée par le cardinal Barbarin, lors d'une conférence de presse à propos de cette affaire de pédophilie. Il avait alors dit que "grâce à Dieu, les faits étaient prescrits." Il a reconnu tout de suite une maladresse de langage... mais certains diront que le lapsus est révélateur.

Grâce à Dieu est un film engagé mais pas pour autant anticlérical ou à charge contre l'Eglise catholique. Certes, l'institution est interrogée, notamment quant à sa gestion discutable des faits, son silence qui peut être perçu comme complice. Mais le sujet premier du film, ce sont les victimes. On est à leurs côtés, dans leur combat, leurs luttes intimes et familiales. Car si les victimes du prêtre pédophile doivent gérer les traumatismes, parfois refoulés, liés à ce qu'ils ont vécu enfant, la libération de leur parole va aussi impacter leur entourage, leurs familles, les renvoyant à leur propre silence, ou leur aveuglement, attisant leur sentiment de culpabilité, ou les renvoyant à leurs propres traumatismes.

Le sujet est traité avec beaucoup de sobriété, sans aucune surenchère mais une grande force. Les faits terribles sont évoqués, jamais montrés. La fragilité masculine de ces enfants brisés devenus adultes est filmé avec une profonde humanité par François Ozon, et magnifiquement incarnée par Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud. Les seconds rôles qui gravitent autour d'eux sont aussi remarquables.

La question de la foi et du rapport à l'institution catholique est également posée. Peut-on encore croire quand on est victime d'agression sexuelle de la part d'un prêtre, et confronté au silence de l'institution ? Les réactions des victimes sur ce sujet sont diverses et la question reste ouverte... Il est en tout cas incontestable qu'elle doive être posée. Douloureusement.

Grâce à Dieu, malgré sa précision documentaire, est un vrai film de fiction, un grand film de cinéma, inspiré de faits réels. On doit évidemment rester prudent quant aux faits évoqués, le procès du Père Preynat n'ayant pas encore eu lieu (il a d'ailleurs fallu une décision de justice pour que le film puisse sortir au cinéma à la date prévue) mais le prêtre a toujours reconnu les faits, et on sait que le scandale concernant des prêtres pédophiles est bel et bien réel, comme le combat et les luttes de leurs victimes. Le film est donc salutaire et participe à une libération de la parole si importante pour de tels crimes, au sein de l'Eglise catholique ou ailleurs, bien évidemment !

lundi 18 février 2019

Deux fils : un film attachant, avec de la tendresse et de la fragilité dedans

Joseph a deux fils, Joachim et Ivan, qu'il a élevé seul, sa femme les ayant quitté. Ils forment une famille soudée. Mais Ivan, le plus jeune des deux films, est en colère contre ses deux modèles qu'il voit s'effondrer. Son grand frère ne se remet pas de sa dernière rupture affective et met en péril ses études en psychiatrie. Son père a décidé de fermer son cabinet de médecin pour devenir écrivain...

Deux fils est un joli portrait de trois hommes (dont un ado) un peu perdus et qui se cherchent. Ils cherchent chacun leur voie et ils cherchent comment se témoigner mutuellement leur amour alors que les uns et les autres changent... Le film évoque et interroge assez finement les modèles de la masculinité.

Ce premier film de Félix Moati est attachant, avec beaucoup de tendresse et de fragilité dedans, de l'humour aussi, et un peu de nostalgie. On peut penser à du Woody Allen à la française. On y retrouve des thèmes classiques chez le cinéaste new-yorkais : la psychanalyse, l'amour et la sexualité, la religion...

Les trois acteurs sont impeccables : Benoît Poelvoorde sobre et juste, Vincent Lacoste fidèle à lui-même et la belle révélation du jeune Mathieu Capella.

Alita : un film de SF spectaculaire et efficace

Au XXVIe siècle, 300 ans après "l'effondrement", Iron City a accueilli les réfugié d'un peu partout dans le monde. Elle est une ville dangereuse, infestée par le crime. Le Docteur Dyson Ido récupère les pièces détachées en tout genre dans la décharge à ciel ouvert de Zalem, la dernière cité céleste où chacun rêve d'aller. Un jour, il tombe sur une cyborg en piteux état mais encore en vie. Il la ramène dans sa clinique, la répare, et lui donne le nom d'Alita (comme sa fille décédée). Alita se réveille complètement amnésique et elle va tenter de comprendre qui elle est et d'où elle vient.

Adaptation d'un manga, Alita : Battle Angel est un film de science-fiction efficace et spectaculaire, qui nous plonge dans un monde dystopique impressionnant : Iron City et son architecture de bric et de broc, la mystérieuse cité volante de Zalem qu'on voit au loin, les cyborgs et les humains améliorés (avec une technique de motion capture parfaitement maîtrisée), etc... Visuellement c'est vraiment très réussi !

Les scènes d'action, nombreuses (peut-être un peu trop...), sont spectaculaires, même si elles sont un peu répétitives et ne servent pas toujours beaucoup l'intrigue. Mais c'est le lot d'un film qui se veut grand public. Et on en prend plein les yeux !

L'histoire, plutôt classique, tourne autour de la quête d'identité d'Alita et pose la question de la nature humaine. A cet égard, l'intérêt du film est aussi dans la vision plutôt inquiétante qu'il propose du transhumanisme, source de trafic, d'oppression et de violence.

Vice : un brûlot politique caustique et brillant

Grâce à son habileté politique, Dick Cheney a gravi tous les échelons politiques jusqu'à être élu vice-président des USA, aux côtés de George W. Bush. Il a su si bien manœuvrer qu'en réalité, c'était lui, en secret, qui tirait toutes les ficelles : il est devenu l'homme le plus puissant de la première puissance mondiale, au moment de l'attaque du 11 septembre 2001 et de la deuxième guerre du Golfe...

Vice est un brûlot politique acerbe. Evidemment, je ne sais pas si tout est vrai... Certes, c'est un film à charge. Partial, probablement. Et au-delà de Dick Cheney et l'administration Bush Junior, c'est aussi Donald Trump qui est visé en filigrane (la scène post-générique ne laisse pas beaucoup de doute là dessus). Il n'empêche, c'est tout de même très fouillé, argumenté, et nul doute que les producteurs du film se sont entourés d'une armée d'avocats pour qu'on ne puisse pas les traîner en justice à cause de ce qui est dit dans le film ! On apprend beaucoup de choses des coulisses du pouvoir et, il faut l'avouer, ça fait froid dans le dos : soif du pouvoir, cynisme absolu, magouilles et manipulations pour arriver à ses fins... tout y est. C'est hallucinant. Et puis il y a le rôle caché, mais essentiel, de l'épouse, qui vit son ambition à travers son mari (comment pouvait-il en être autrement dans les années 60 ?). Et puis le paradoxe de cet homme politique froid, ambitieux et cynique, mais qui est aussi un père de famille qui adore ses filles. 

Le ton du film est très caustique, à travers son récit ironique, absurde, cynique... parfois jusqu'à la farce. On rit, certes... mais on rit souvent jaune ! Dans sa forme, le film est brillant, voire un peu tape à l'oeil parfois. Mais c'est un parti pris assumé.

Christian Bale, méconnaissable, est époustouflant dans le rôle de Dick Cheney. Autour de lui, Amy Adams, Steve Carell et Sam Rockwell sont tous excellents.

lundi 11 février 2019

My Beautiful Boy : un mélo juste mais un peu trop didactique

La vie de David bascule quand il comprend que son fils Nic consomme de la drogue depuis plusieurs années et qu'il est désormais accro aux drogues dures. Il décide alors de tout faire pour le sauver.

Basé sur une histoire vraie (et inspiré des deux livres écrits respectivement pas David et Nic), My Beautiful Boy est un mélo juste mais sans doute un peu trop didactique sur le fléau de la drogue (comme le confirme les messages explicites à la fin du film).

Le film propose tout de même une jolie évocation de la relation père-fils, avec la distance qui se crée d'un coup, lorsqu'un fils devient un étranger qu'on ne comprend plus. Mais là où le film est le plus intéressant, c'est dans l'évocation du rôle des proches d'un jeune drogué, de l'aide qu'ils peuvent ou non lui apporter... où ils doivent apprendre à ne pas essayer de jouer les super-héros et de se sentir investis d'une mission. Comme le dit David, dans le film, on ne peut pas sauver les gens... La question est : comment les accompagner et les aider ?

Une intime conviction : un film de procès intense et passionnant

Nora a assisté au procès de Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme et acquitté. Mais un second procès en appel a lieu. Persuadée de l'innocence de Jacques Viguier, Nora va convaincre l'avocat Eric Dupond-Moretti de le défendre, et elle va l'aider dans sa tâche. Sa quête de vérité vire à l'obsession.

Les films de procès peuvent être fastidieux et bavards. Celui-ci est intense et passionnant. Le réalisateur, Antoine Raimbault (dont c'est le premier film !), parvient à nous garder en haleine grâce à une mise en scène rythmée tout à fait remarquable. On vit le procès comme un véritable polar. La réussite du film tient aussi à une astuce scénaristique originale : l'ajout du personnage fictif de Nora, qui a un rôle central dans l'histoire. Par son obstination, sa quête de vérité, elle agit un peu à la fois comme le bon et le mauvais ange pour l'avocat, le stimulant mais aussi l'exposant à la tentation de sortir de sa fonction de simple défenseur de l'accusé pour trouver un autre coupable.

Très précis dans sa représentation de l'appareil judiciaire, le film est passionnant pour sa réflexion sur l'exercice de la justice, en particulier sur la présomption d'innocence. A cet égard, la plaidoirie de l'avocat à la fin du film est un grand moment, tant sur la forme que sur le fond, grâce aussi à un Olivier Gourmet inspiré. Et Marina Foïs est au diapason.

La Favorite : un Barry Lyndon au féminin mais sous acide

Au début du XVIIIe siècle, l'Angleterre est en guerre avec la France. Mais à la cour, la mode est à la course de canards et autres frivolités. Quant à la reine Anne, elle est totalement instable et sa santé est très fragile. C'est donc son amie (très) proche, Lady Sarah, qui gouverne à sa place... Un jour, une nouvelle servante arrive à la cour, Abigail Hill, issue d'une famille noble mais tombée dans la déchéance à cause des dettes de jeu de son père. Lady Sarah la prend sous son aile et Abigail va y voir l'occasion de retrouver un rang de noblesse... Elle va tout faire pour devenir, à la place de Lady Sarah, la favorite de la reine.

Yorgos Lanthimos a encore frappé ! Son film en costumes ne ressemble à aucun autre. C'est une sorte de Barry Lyndon au féminin mais sous acide. On pense au film de Kubrick pour son histoire cruelle d'ambition et de déchéance, sensiblement à la même époque, pour l'extraordinaire photographie, en lumière naturelle, y compris à la lumière des chandelles... Mais le film a bien la signature de son réalisateur : une mise en scène d'une grande précision, l'usage d'objectifs grand-angle qui déforment parfois l'image, une musique obsédante (mais aussi, ici, beaucoup de musique classique... encore comme dans Barry Lyndon). Et puis il y a l'humour si particulier de Lanthimos, un humour noir, grinçant, assez misanthrope, parfois absurde mais aussi jubilatoire.

Et quel trio d'actrices ! Olivia Colman est géniale dans le rôle de la reine Anne, avec son instabilité psychologique et ses sautes d'humeur. Emma Stone est parfaite en perfide intrigante et ambitieuse. Et Rachel Weisz apporte une noblesse certaine à la femme manipulatrice qu'elle incarne. Parmi les personnages masculins (assez malmenés dans le film), soulignons l'excellent Nicholas Hoult dans le rôle du précieux Lord Haley.

Comme d'habitude, le film de Lanthimos divise la critique. Moi, j'aime. Beaucoup ! Il faut bien sûr être prêt à entrer dans son univers si particulier... mais si c'est le cas, alors c'est un régal !

lundi 4 février 2019

Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu : caricatural, franchouillard, politiquement très correct... mais on rit de bon coeur

Les Verneuil doivent faire face à une nouvelle crise familiale : leurs quatre gendres sont décidés à quitter la France avec femme et enfants. Claude et Marie vont tout faire pour les retenir. Quant aux Koffi, ils débarquent en France, pour la naissance de leur petit fils mais aussi pour le mariage de leur fille...

Les Verneuil et les Koffi sont de retour. Après l'énorme succès du premier film, ce n'est pas une surprise qu'une suite ait été prévue. Et on retrouve les mêmes ingrédients : les parents réac et les enfants qui se disputent et se débattent avec les clichés communautaristes. C'est caricatural, franchouillard, et finalement très politiquement correct... d'autant qu'on rajoute encore ici la référence aux migrants et au mariage pour tous.

Mais, avouons-le, les dialogues font souvent mouche et on rit de bon coeur. D'autant que le couple Chantal Lauby et Christian Clavier (en grande forme) fonctionne à merveille en duo comique. Par contre, je pense qu'il serait sage de s'arrêter à deux films...

Minuscule 2 : un joli film d'animation, tendrement et poétiquement amusant.

L'hiver arrive, les premiers flocons tombent dans la vallée, c'est le moment de préparer les réserves pour l'hiver. Mais pendant l'opération, une petite coccinelle se retrouve piégée dans un carton qui est expédié dans les Caraïbes. Une équipe de secours entreprend le voyage : une coccinelle, une fourmi et une araignée. Ils devront faire face à de nouveaux dangers dans un nouveau monde.

Techniquement, c'est parfait. Les images de synthèse s'incrustent naturellement dans les décors naturels, parfois même en interaction avec de vrais acteurs. Il n'y a pas de dialogue parlé, les différents insectes faisant chacun leur propre bruit pour communiquer. Mais on comprend parfaitement tout ce qui se passe. L'histoire est absolument invraisemblable (mais on s'en fiche !), peut-être moins rythmée et moins épique que dans le premier film, mais plus poétique et tendre. On est heureux de découvrir de nouvelles bestioles exotiques : une mygale, des mantes religieuses et surtout les chenilles urticantes (sans doute les plus réussies). Il faut aussi souligner l'excellente bande son : les bruitages accompagnant les différents insectes et autres bestioles, et la très belle musique composée par Mathieu Lamboley.

Si Beal Street pouvait parler : mélo esthétisant, très beau formellement... mais qui tire un peu en longueur

Dans les années 70 à New York, Tish et Fonny s'aiment depuis toujours et ils envisagent de se marier. Ils vont d'ailleurs bientôt avoir un enfant. Mais Fonny est victime d'une erreur judiciaire et se retrouve en prison. Avec l'aide de sa famille, Tish va tout faire pour prouver l'innocence de Fonny et le faire libérer.

On retrouve dans ce film le soin extrême que le réalisateur Barry Jenkins apporte à chaque plan, comme dans son précédent film, Moonlight. Mais j'ai un peu les mêmes réserves ici que celle que j'avais eues avec Moonlight. Formellement, c'est incontestablement très beau... peut-être trop. Le parti pris esthétisant peut paraître parfois un peu maniéré. De plus, avec ses va et vient chronologiques incessants, j'ai trouvé que le film tirait un peu en longueur. Et puis il y a quelques personnages très typés, parfois à l'excès (la mère bigote de Fonny, le flic raciste...). Alors, parce que les images sont très belles et que les acteurs sont très bon, ça passe... mais je dois dire que j'ai trouvé quand même parfois le temps un peu long.

A souligner toutefois, l'excellente bande son, avec une musique originale de Nicholas Britell, et la découverte de Kiki Layne, dans le rôle de Trish. Une jeune actrice magnifique, à suivre !