lundi 30 décembre 2019

Mon bilan cinéma 2019

En 2019 j'ai vu 142 films au cinéma (et quelques autres sortis uniquement en streaming sur Internet). Voici donc mon traditionnel bilan de l'année, avec une sélection, forcément subjective (mais que j'assume pleinement), répartie en trois catégories :

Trois films se détachent. Ceux qui m'ont le plus profondément marqués cette année : ce sont mes films de l'année, peut-être bien dans l'ordre où ils apparaissent ci-dessous.

Dix autres films sont mes coups de coeur : des films incontournables. Les huit premiers sont cités dans l'ordre chronologique de leur sortie en France, les deux derniers sont un peu différents...  

Et puis comme je n'arrivais pas à me limiter à ces quelques films, j'en ai encore ajouté, en vrac, une bonne vingtaine, que j'ai beaucoup aimé et/ou qui méritent d'être connus : ce sont mes vives recommandations.
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Mes films de l’année

Une vie cachée (de Terrence Malick)
Basée sur des faits réels, un drame d’une profondeur exceptionnelle et d’une puissance émotionnelle rare. C’est un film qui parle de courage, d’héroïsme, de liberté, d'une vie de héros, presque anonyme, qui n'est pas écrite dans les livres d'histoire. Ajoutons que le film se termine sur une incroyable et magnifique note d’espoir, ou plus précisément une vraie espérance...  Un film inoubliable qui rejoint le panthéon de la filmographie de Malick, aux côtés de Tree of Life.
Ma critique



Parasite (de Bong Joon-Ho)
Une véritable claque ! La lutte des classes à la sauce coréenne, ça secoue ! Le film pratique avec virtuosité le mélange des genres passant de la comédie au drame, de la satire sociale au thriller violent. Il commence dans le burlesque pour se poursuivre dans le chaos... et se terminer de façon assez amère. Une fable cruelle et caustique sur l'écart entre les riches et les pauvres, sur le déterminisme social, sur le mépris désinvolte des élites, sur les frustrations et l'envie des classes défavorisées...
Ma critique



Ad Astra (de James Gray)
Un très grand film de science fiction, dont les images font rêver et dont l'histoire aux accents métaphysiques fait réfléchir. Un film où le cosmique rejoint l'intime, empreint de nostalgie, d'introspection, de contemplation, le tout dans une esthétique envoûtante aux images sublimes, le tout accompagné par la belle musique hypnotique de Max Richter. Laissez-vous emporter : c'est beau et intense, à en pleurer !
Ma critique




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Mes coups de coeur
(par ordre chronologique de sortie)


La favorite (de Yorgos Lanthimos)
Une sorte de Barry Lyndon au féminin mais sous acide. C'est féroce, pervers, décadent, visuellement somptueux... jubilatoire. Et quel trio d'actrices ! Ma critique

Grâce à Dieu (de François Ozon)
Un film engagé, qui se tient aux côtés des victimes, de leur combat, de leurs luttes intimes et familiales. Sobre et fort. Ma critique

El Reino (de Rodrigo Sotogoyen)
Un thriller politique époustouflant et virtuose ! Une charge sans concession contre un système gangrené par la corruption. Un véritable film coup de poing. Ma critique

Midsommar (de Ari Aster)
Un conte de fée horrifique qui fascine par la maîtrise et la virtuosité de sa mise en scène. C'est vraiment perturbant mais extrêmement brillant ! Ma critique

Give me liberty (de Kirill Mikhanovsky)
Une grosse bouffée d'amour et d'humanité. Un véritable tourbillon, bruyant, chaotique, excessif mais tellement généreux. Ma critique

Once upon a time in Hollywood (de Quentin Tarantino)
Un Tarantino pur jus qui ne ressemble pourtant à aucun autre Tarantino ! Un film empreint de nostalgie, et même d'une étonnante mélancolie. Ma critique

Joker (de Todd Phillips)
Un grand film, riche de multiples lectures. Une fable macabre et violente, un cri d’alerte pour une société malade, un film dérangeant sur la folie et la manipulation. Ma critique

Les misérables (de Ladj Ly)
Un film choc qu'on prend en pleine face. Le film est un constat, inquiétant, implacable, mais qui est loin d’être manichéen. Quelle tension, quel rythme, quelle urgence ! Ma critique

J’ajoute encore :

Un film qui n’est pas sorti (malheureusement) au cinéma mais seulement sur Netflix :
The Irishman (de Martin Scorsese)
Un film testament du géant Scorsese, une immense fresque de 3h30, qui prend son temps et dont il se dégage une nostalgie peut-être unique dans l’oeuvre du cinéaste. Ma critique

Un “plaisir coupable” :
Star Wars - The Rise of Skywalker (de JJ Abrams)
Parce que le film clôt la mythique Saga Skywalker de Star Wars et que le film est hyper-spectaculaire, très divertissant et visuellement somptueux. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas aimé ! Ma critique

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Mes vives recommandations 
(par ordre alphabétique)


90’s (de Jonah Hill) Ma critique
A couteaux tirés (de Rian Johnson) Ma critique
Brooklyn Affairs (de Edward Norton) Ma critique
Captive State (de Rupert Wyatt) Ma critique
Companeros (de Alvaro Brechner) Ma critique
Douleur et gloire (de Pedro Almodovar) Ma critique
Edmond (de Alexis Michalik) Ma critique 
Green Book (de Peter Farrelly) Ma critique 
Hors normes (de Olivier Nakache et Eric Toledano) Ma critique
J’ai perdu mon corps (de Jérémy Clapin) Ma critique
La mule (de Clint Eastwood) Ma critique 
Le daim (de Quentin Dupieux) Ma critique
Le Mans 66 (de James Mangold) Ma critique
Les hirondelles de Kaboul (de Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec) Ma critique
Les oiseaux de passage (de Cristina Gallego et Ciro Guerra) Ma critique
Le traître (de Marco Bellocchio ) Ma critique
Mon inconnue (de Hugo Gélin) Ma critique
Notre Dame (de Valérie Donzelli) Ma critique
Perdrix (de Erwan Le Duc) Ma critique
Proxima (d’Alice Winocour) Ma critique
Roubaix une lumière (d’Arnaud Desplechin) Ma critique
Sunset (de László Nemes) Ma critique 
The Lighthouse (de Robert Eggers) Ma critique
Us (de Jordan Peele) Ma critique

Jésus : un film à hauteur d’enfant, très original

Yura quitte Tokyo avec ses parents pour aller vivre à la campagne, chez sa grand-mère. Il est alors scolarisé dans une école catholique. L’adaptation n’est pas facile pour lui : il ne connaît personne, il ne comprend pas bien ce qui se passe autour de lui… Un jour, au milieu de la prière, Jésus lui apparaît, sous la forme d’un être miniature à l’image d’un dessin qu’un prêtre lui avait donné. Dès lors, tous les souhaits de Yura semblent se réaliser !

Jésus est un très joli film, à hauteur d’enfant, qui aborde de façon poétique et à travers une histoire toute simple de grandes questions existentielles. D’abord autour de la foi et de la prière, notamment les questions liée à l’exaucement et au non-exaucement, mais aussi sur nos représentations de Dieu, et de Jésus. Mais le film parle aussi de la perte et du deuil, des doutes et des remises en questions qu’ils produisent. Il évoque enfin les questions de l’amitié et de la famille (avec de très belles scènes domestiques autour de la table, lors des repas familiaux).

Un film tout à fait original, touchant et drôle, et profond.

Notre Dame : une comédie alerte et pleine de fantaisie

Maud Crayon est architecte, elle est mère de deux enfants et elle est séparée du père, enfin elle essaye… Sur un incroyable malentendu, elle remporte le grand concours lancé par la mairie de Paris pour réaménager le parvis de Notre-Dame. Et comme si ça ne suffisait pas, un amour de jeunesse resurgit et elle apprend qu’elle est enceinte de quatre mois ! Maud n’arrive plus à faire face à la tempête qui s’abat sur sa vie.

Notre Dame est une comédie alerte, pleine de fantaisie. C’est léger, drôle, original, gentiment irrévérencieux, plein de surprises, avec quelques envolées oniriques. En un mot : une comédie très réussie !

Et mine de rien, le film aborde de nombreux thèmes comme la difficulté d'une séparation dans un couple (de manière assez émouvante d'ailleurs), les familles recomposées, mais aussi les tensions sociales et les violences quotidiennes (avec le running gag génial de la gifle), la peur du terrorisme, le drame des sans-abri dans les rues, l’art moderne et la création artistique, le harcèlement au travail... Mais comme tout le film a le ton d'une fable, où tout est abordé avec légèreté et humour, mais aussi beaucoup de bienveillance envers les personnages, ça passe très bien, presque sans qu'on s'en rende compte sur le moment ! La comédie est donc finalement plus profonde qu’on pourrait le penser au premier abord.

Le film est bien rythmé, les comédiens sont excellents (y compris Valérie Donzelli, la réalisatrice, qui joue aussi le rôle principal), la musique bien choisie. Que demander de plus ? J’ai beaucoup aimé.

La vérité : un film sensible et juste

Fabienne est une grande actrice en fin de carrière. Elle a une fille, Lumir, qui est scénariste et qui vit à New York. A l’occasion de la publication des mémoires de Fabienne, sa fille revient voir sa mère, avec son mari et leur fille. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation…

La vérité est le premier film français du cinéaste japonais Hirokazu Kore-Eda (Palme d’or à Cannes en 2018 pour Une affaire de famille). C’est un portrait de deux femmes, une mère et sa fille, incarnées par deux merveilleuses comédiennes : Catherine Deneuve et Juliette Binoche qui sont, évidemment, formidables dans le film. La relation des deux personnages est compliquée, hantée par les fantômes du passé, plombée par les non-dits, la culpabilité, les remords… La mère se cache derrière une attitude distante et une langue de vipère, la fille cache ses frustrations derrière la façade d’une petite famille parfaite.

Comme son nom nom l’indique, le film est aussi une réflexion sur la vérité, celle de nos souvenirs, dans la famille et dans les relations, face à soi-même… Une relation à la vérité questionnée aussi dans le cinéma et le métier de comédien, notamment par une mise en abyme à travers le tournage d'un film de science-fiction, où une femme voyage dans l’espace et revient tous les 7 ans sur terre, pratiquement sans avoir vieilli, et voit sa fille grandir puis la dépasser en âge (au passage, ça me dirait bien de voir un film avec ce pitch !). Fabienne y joue le rôle de la fille, âgée de 73 ans...

Un film sensible et très juste.

vendredi 27 décembre 2019

The Lighthouse : un cauchemar fascinant et perturbant

A la toute fin du XIXe siècle, un ancien capitaine et un jeune homme doivent cohabiter pendant quatre semaines dans un phare isolé sur une petite île mystérieuse, au beau milieu de la mer.

Basé sur ce pitch minimaliste, le film propose un véritable cauchemar fascinant et perturbant, racontant le basculement dans la folie de deux hommes isolés devant cohabiter loin de toute civilisation.

Le réalisateur, Robert Eggers, appartient à cette génération de cinéastes qui donnent un nouveau souffle au film de genre, en particulier les films d’horreur, avec Ari Aster (Hérédité, Midsommar) ou, de quelques années plus âgés, David Robert Mitchell (It Follows, Under the Silver Lake) ou Jordan Peele (Get Out, Us). Leurs films, virtuoses et complexes, sont aux antipodes des films d’horreurs commerciaux avec tous leurs poncifs, abusant des jump scares trop faciles. Ils préfèrent travailler sur l’atmosphère et le sous-texte.

The Lighthouse est de cette veine. C’est aussi une proposition radicale de cinéma, parfois même expérimentale, qui instaure une atmosphère anxiogène, hallucinatoire et glauque, parfois crasse. Mais c’est formellement assez somptueux, dans un magnifique noir et blanc, et avec un jeu virtuose autour de la lumière.

Le film est foisonnant (peut-être un peu trop), avec de multiples références, cinématographique (notamment le cinéma muet) , littéraires (Melville, Lovecraft…) ou mythologiques (Prométhée, Sisyphe…). Il est aussi perturbant, jouant à nous perdre, en brouillant les repères de temps (depuis combien de temps sont-ils vraiment sur cette île ?), en laissant l’imaginaire et la folie faire irruption dans le récit, si bien qu’on ne sait plus vraiment ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, avec ces deux hommes qui basculent dans la folie. Mais les deux sombrent-ils vraiment dans la folie ? Et sont-ils vraiment deux ? Sont-ils vraiment dans un phare ? On ne comprend pas tout, et le mystère n’est pas forcément résolu à la fin du film. C’est en tout cas ouvert à interprétation !

Mentionnons encore que le film nous offre un face-à-face au sommet de deux grands acteurs : Willem Dafoe et Robert Pattinson, vraiment formidables. Sans oublier un troisième personnage central : le phare, véritable monstre qui semble vivre, respirer.

A coup sûr, The Lighthouse est un film fascinant, qui sonde les tréfonds de l’âme humaine… et ce n’est pas très joli. Un film réservé à un public averti.

mercredi 18 décembre 2019

Star Wars - L'ascension de Skywalker : un final en apothéose !

Nous revoilà dans une galaxie lointaine, quelque temps après les événements de l’épisode 8 de la saga. Nous y avions laissé nos nouveaux héros Rey, Finn et Poe, avec Leïa et ce qu’il restait de la résistance, en bien mauvaise posture…  Et ça ne s’arrange pas parce que dès le générique d’ouverture, on apprend qu’un redoutable personnage que tout le monde croyait mort semble en réalité bien vivant !

Je le précise tout de suite : cette critique est garantie sans spoiler ! Et pourtant, il y aurait de quoi dire.. parce que le film répond à beaucoup de questions posées dans les épisodes précédents (et pas seulement de la troisième trilogie). Mais je ne dirai rien, c’est promis !

Ce qu’on peut dire d’emblée, c’est que le film clôt la saga en apothéose. C’est très très divertissant, et même jouissif !

Certes, le film n’est pas parfait. Il y a une ou deux scènes faites exprès pour un dernier épisode de saga, pour dire au revoir aux personnages historiques, et qui arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Il y a aussi un ou deux rebondissements discutables ou téléphonés. Mais franchement, pas de quoi gâcher notre plaisir. Quel spectacle ! Le film est hyper spectaculaire et offre tout simplement les meilleures scènes de combat et de poursuite de toute la saga. On ne s’ennuie pas une seconde. C’est visuellement somptueux, dès la scène d’ouverture… jusqu’au final, gigantesque. Les incontournables de la saga sont là : ses personnages mythiques, ses mondes extraordinaires, ses créatures exotiques, des vaisseaux spatiaux de toute taille et de toute forme, les combats au sabre laser, la lutte entre le bien et le mal. La mythologie Star Wars est respectée et le scénario, globalement, tient la route (je m’attendais à plus de “fan service” et j’ai été agréablement surpris). Il y a, on s’y attendait, quelques référence en forme de pied de nez à l’épisode 8 (dont un énorme, en lien avec la scène d’ouverture des Derniers Jedi !). On peut peut-être regretter que les pistes originales ouvertes avec l’épisode 8 n’aient pas vraiment été suivies… mais on aurait tort de faire la fine bouche tant ce que nous propose JJ Abrams est grisant.

Je trouve d’ailleurs que les critiques ont souvent été très sévères pour JJ Abrams (et pas seulement dans Star Wars). Pourtant, il ne fait pas de doute que le réalisateur sait raconter des histoires et proposer un cinéma très divertissant. Star Wars 9 est sans doute son meilleur film. Et, mine de rien, le film permet d’évoquer des thématiques chères à la saga Star Wars comme la famille, l’hérédité, la destinée et la liberté.

Je suis sûr que des voix s’élèveront pour critiquer cet ultime opus de la saga Skywalker. Ne les écoutez pas : elles proviennent sans doute du côté obscure de la Force !!! Laissez-vous embarquer encore une fois, pour un dernier voyage dans une galaxie lointaine. Si vous avez gardé votre âme d’enfant, sans doute que comme moi vous sortirez de la salle de cinéma avec des étoiles plein les yeux, voire même une petite larme…

lundi 16 décembre 2019

Les envoûtés : un drame sentimental subtilement teinté de fantastique

Coline est pigiste pour un magazine féminin et se voit confiée l’interview de Simon, un artiste qui vit isolé dans les Pyrénées. Il prétend avoir vu le fantôme de sa mère à l’instant même de la mort de celle-ci. Coline accepte de faire cette interview, notamment parce que son amie Azar prétend elle aussi avoir vécu une expérience similaire avec son père. Simon tente de séduire Coline, qui lui résiste... mais elle tombe amoureuse.

Les envoûtés est un drame sentimental subtilement teinté de fantastique. Cette histoire de fantômes, évoquant la place qu’occupent les morts chez les vivants, se prête à plusieurs interprétations possibles, laissant au spectateur le choix de trancher (ou pas) entre une compréhension surnaturelle, psychanalytique ou métaphorique. Dans tous les cas, il évoque la difficulté de la relation amoureuse, la difficulté d’avoir confiance (en soi et dans l’autre) ou de se connaître vraiment.

La réalisation de Pascal Bonitzer est délicate, intimiste, elle entretient le trouble. L’intrigue est plutôt habile et le film se vit comme un thriller psychologique dont on veut connaître l’issue. Quant au couple formé par Nicolas Duvauchelle et Sara Giraudeau, il est tout à fait convaincant. Sara Giraudeau, en particulier, est formidable dans le rôle de ce personnage complexe qu’elle incarne parfaitement.

Docteur ? : une bonne comédie pour les fêtes

Un soir de Noël, Serge est de garde pour SOS-Médecins. Lors d’une intervention, alors qu’il souffre du dos et tente de se faire une piqûre d’anti-douleur, il croise un livreur avec son vélo qui lui propose son aide. Ce dernier lui fait l’injection mais touche un nerf… et le médecin ne peut plus marcher. Bloqué dans sa voiture, il va guider par téléphone le jeune homme qui fera les visites médicales à sa place !

Docteur ? n’est, évidemment, pas le film de l’année... Mais c’est incontestablement une comédie réussie ! On y retrouve avec plaisir un Michel Blanc comme on l’aime, dans un rôle de médecin misanthrope et bougon. Avec lui, Hakim Jemili est la révélation du film : il a un talent d'acteur comique évident. Ensemble ils forment un duo qui fonctionne très bien et qui représente l’atout majeur du film. Le scénario est assez attendu, et le film se termine comme on peut s’y attendre dans une comédie de ce type. Mais les situations de comédie se succèdent, plutôt bien rythmées et joliment dialoguées, avec parfois un brin de tendresse bienvenu.

Un film qui convient parfaitement pour les fêtes !

jeudi 12 décembre 2019

Une vie cachée : un drame inoubliable !

Franz Jägerstätter est un paysan autrichien. Il est marié et a trois filles. Appelé à rejoindre les rangs de l’armée, il refuse de prêter allégeance à Hitler. Emprisonné, accusé de trahison, il est passible de la peine de mort. Mais une seule signature lui permettrait d’être libéré, s’il accepte de prêter allégeance au Führer…

Basée sur des faits réels, Une vie cachée est un drame d’une profondeur exceptionnelle et d’une puissance émotionnelle rare. C’est un film qui parle de courage, d’héroïsme, de liberté, d'une vie de héros, presque anonyme, qui n'est pas écrite dans les livres d'histoire.

Si Franz refuse de prêter allégeance à Hitler, même pour la forme, c’est au nom de ses valeurs, et de sa foi. Et il est prêt à aller jusqu’au bout. Et ceci malgré les doutes qui l’assaillent, malgré les violences et les humiliations, et malgré les innombrables tentatives de lui faire abandonner son projet. A quoi peut bien servir son obstination ? Elle ne changera pas le monde ni même le cours de la guerre. Alors pourquoi résister ? Ce ne sont, finalement, que des mots, un morceau de papier à signer…

Mais Malick veut rendre hommage à cet homme et son intégrité, et à sa femme aussi. Oui, la résistance au mal a toujours du sens. Non, il ne faut pas céder devant l’horreur et la barbarie. Et cela est admirablement montré dans le film, qui se conclut avec cette citation éloquente de George Eliot : “Si les choses ne vont pas aussi mal pour vous et pour moi qu’elles eussent pu aller, remercions-en pour une grande part ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes que personne ne visite plus.”

Souvent contemplatif et intimiste, le film évoque les luttes intérieures, les doutes, les questions de Franz. Celles aussi de Fani, son épouse. Il décrit aussi la haine, les humiliations et la violence quotidienne qui les entourent, que ce soit en prison pour Franz, ou dans leur petit village pour Fani. Comme toujours chez Mallick, ces interrogations et ces luttes passent par les voix off très présentes, qui donnent toute sa profondeur au film, avec parfois des prières d’une force et d’une beauté sidérantes, comme celle de Fani alors qu’elle confie son mari à Dieu au moment où il va être exécuté.

Car une vie cachée est aussi une magnifique histoire d’amour. Les scènes dans l’intimité, sensuelles, ou dans la famille, lumineuses, sont d’une grande beauté. Et la façon dont l’amour du couple traverse cette épreuve terrible est bouleversante : la scène de la dernière rencontre entre Franz et sa femme est absolument déchirante !

Evidemment, la caméra de Malick est toujours aussi virtuose, sa façon de filmer inimitable et il nous propose toujours des images sublimes. La musique aussi a encore une fois une place de choix, avec plusieurs oeuvres classiques et une magnifique bande originale composée par James Newton Howard. Enfin, les deux acteurs principaux, August Diehl et Valerie Pachner, sont remarquables.

Ajoutons enfin que le film se termine sur une incroyable et magnifique note d’espoir, ou plus précisément une vraie espérance... Un film inoubliable qui rejoint sans peine le panthéon de la filmographie de Terrence Malick, aux côtés de Tree of Life.

lundi 9 décembre 2019

It must be Heaven : poétique et burlesque, un regard amusé sur notre monde un peu fou

Elia Suleiman quitte la Palestine et se rend à Paris puis à New York. Il cherche notamment à trouver un producteur pour son nouveau film. Mais surtout, il observe les gens et le monde qu’il rencontre.

Difficile à résumer, It must be Heaven est une succession de tableaux burlesques, presque sans parole. On pense à Jacques Tati ou à Buster Keaton. Tantôt surréalistes, tantôt poétiques, parfois chorégraphiés, les tableaux se succèdent pour évoquer notre monde aujourd’hui dans ce qu’il a d’incongru. Le cadre est toujours très travaillé, jouant souvent avec la symétrie. Et le réalisateur lui-même, toujours silencieux et impassible, observe.

Ca donne quelques scènes vraiment réussies et drôles, comme ce ballet de personnes autour d’une fontaine dans un parc parisien pour trouver une chaise où s’asseoir, ou comme cette scène dans un supermarché new-yorkais où le moindre passant est armé jusqu’aux dents.

Un film au ton surprenant, qui pose un regard amusé et critique sur notre monde un peu fou…

Seules les bêtes : un drame glaçant sur la misère affective

Une femme a disparu. Au lendemain d’une tempête de neige, on retrouve sa voiture sur le bord de la route. Mais sans indice, l’enquête piétine. Mais plusieurs personnes sont liées, d’une manière ou d’une autre, à cette disparition. Chacun a ses secrets mais personne ne se doute des connexions qui existent entre leurs histoires…

Le film commence comme un polar, avec une enquête liée à la disparition d’une femme. Mais rapidement le film va se révéler être un drame glaçant sur la misère affective aujourd’hui. Habilement réalisé à partir des points de vue successifs des différents protagonistes, le film reconstitue petit à petit le puzzle, expliquant les circonstances de la disparition mais surtout levant le voile sur des aspects cachés de la vie des différents personnages, et des liens insoupçonnés entre eux.

Tous les personnages de ce film choral sont en quête d’affection et d’amour, parfois de façon désespérée. Au fur et à mesure que le voile se lève sur leurs secrets, on le comprend. Parfois c’est assez terrible. A l’heure d’Internet et de la mondialisation, cela peut avoir de nouveaux effets pervers que le film évoque fort bien. Et il faut avouer que la fin du film laisse un goût amer...

Il faut souligner la qualité des comédiens du film, tous excellents, en particulier Denis Ménochet en ours un peu bourru, Laure Calamy en jeune femme dévouée et Damien Bonnard en pauvre gars asocial, tous trois, finalement, en quête désespérée d’affection. Et c’est assez bouleversant.

Glaçant et dramatique, Seules les bêtes est un film remarquable qui touche juste sur un des maux de notre temps.

Brooklyn Affairs : un film noir, un vrai !

A New York, dans les années 50, Lionel Essrog est détective privé. Il souffre du syndrome de Gilles de la Tourette, ce qui le handicape durement dans ses relations, mais son esprit obsessionnel est un atout pour ses enquêtes. Après le meurtre de son mentor, Frank Minna, il va chercher à éclaircir les raisons de sa mort et se verra embarqué dans une enquête qui le conduira des clubs de Jazz de Harlem jusqu’aux bureaux des plus proches collaborateurs du maire de New York.

Brooklyn Affairs est un film de genre. Un film noir, un vrai, avec tous ses codes : une intrigue complexe, une enquête de détective privé, en imperméables et stetson, voix off du héros, et le jazz. La musique est très présente tout au long du film et la bande original, composée par Daniel Pemberton et Thom Yorke, est très réussie.

Le fait d’avoir un héros souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette donne lieu, évidemment, à des scènes incongrues et drôles mais permet aussi d’évoquer la question de l’accueil de la différence et de la tolérance. Le film parle aussi de racisme, de discrimination, et de soif de pouvoir, à traver le méchant du film, un politicien détestable (impossible de ne pas penser à Donald Trump, d’autant qu’Alec Baldwin, qui joue le rôle de ce politicien dans le film, est aussi connu pour ses parodies du président américain !)... 

Edward Norton est derrière et devant la caméra ! Sa réalisation est très belle, élégante, un magnifique hommage aux films noirs. Quant à son interprétation du détective atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, elle est tout simplement géniale. Il y a une scène extraordinaire dans le film, à la fois drôle et profondément émouvante, où Lionel, dans un club de jazz, ne peut s'empêchant de chanter alors qu'il danse avec une femme.  Très beau casting par ailleurs (Alec Baldwin, Willem Dafoe, Bruce Willis, Gugu Mbatha-Raw).

samedi 7 décembre 2019

The Irishman : un film testament du géant Scorsese

Frank Sheeran, l’Irlandais, est un ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale qui devient un tueur à gages, au service notamment de Jimmy Hoffa, un puissant dirigeant syndicaliste, et Russel Bufalino, un des influents chefs de la mafia. Le film raconte son histoire, dans les arcanes de la mafia, ses luttes de pouvoir, ses liens avec le monde politique… 

The Irishman est un véritable film testament du géant Scorsese, dans un genre dont il est un des maîtres incontestés : le film de gangsters. C’est une immense fresque de 3h30, qui prend son temps et dont il se dégage une nostalgie peut-être unique dans l’oeuvre du cinéaste, avec notamment une toute dernière partie incroyablement émouvante. Le film parle du temps qui passe, qui nous échappe, de l’impossibilité de revenir en arrière, du regret et du remords… mais aussi du besoin d’affronter la mort, en cherchant un peu d’apaisement dans la religion. 

Scorsese est au sommet de son art, la maîtrise de la mise en scène est parfaite. La violence est présente, évidemment, mais beaucoup moins ostensible qu’à l’habitude. Elle est parfois même juste suggérée, comme dans ce génial plan séquence où la caméra s’arrête sur les fleurs d’un étal avec les coups de feu qui retentissent en arrière-plan, ou comme à travers cette métaphore qui parcourt le film et qui dit, à propos de Frank Sheeran, qu’il “peint les maisons” (avec du sang sur les murs…). 

Et puis le film est incarné par un trio d’acteurs extraordinaires (De Niro, Pacino, Pesci !), des monstres sacrés qu’on prend un plaisir fou à voir réunis à l’écran, à différents âges grâce à la technologie numérique. Et des trois, Al Pacino (qui joue Jimmy Hoffa) est sans doute le plus génial dans le film. 

Après Roma d'Alfonson Cuaron l'année dernière, Netflix nous offre un nouveau chef d'oeuvre, qui a tout pour devenir un classique. On regrette évidemment de ne pas pouvoir l'apprécier pleinement dans une salle obscure... mais on peut être reconnaissant à la plateforme de streaming d'avoir osé produire un film que les studios de cinéma ont refusé.

lundi 2 décembre 2019

Chanson douce : un thriller psychologique au dénouement glaçant, avec une géniale Karin Viard

Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Comme Myriam aspire à reprendre sa vie professionnelle, et malgré les réticences du mari, le couple décide d’engager une nounou expérimentée, Louise, qui semble au premier abord parfaite pour le poste. Mais petit à petit, elle prend de plus en plus de place, et certaines de ses réactions sont étranges voire inquiétantes…

Adaptation du roman éponyme de Leïla Slimani (prix Goncourt 2016), Chanson douce est un thriller psychologique au dénouement glaçant (et qui était en ouverture du roman). La lente mais inexorable évolution de l’histoire vers le drame crée un climat anxiogène qui débouche sur un final qui nous laisse coi, filmé pourtant avec sobriété mais une grande force.

Mais l’atout majeur du film, c’est Karin Viard. Elle est géniale (une fois de plus) dans le rôle de Louise, capable d’exprimer une palette incroyable d’émotions contradictoires et extrêmes. C'est assez extraordinaire.

Chanson douce est un film qui parle de maternité, contrariée ou assumée. Il interroge les normes sociales qui tendent à restreindre les femmes au rôle de mère, créant en elles frustrations et culpabilités, justifiant contraintes et oppressions. Ici, jusqu’au drame. Glaçant.

Gloria mundi : un drame social engagé... et déprimant

Daniel est en prison quand il apprend par son ex-femme Sylvie que Mathilda, leur fille, a donné naissance à une petite Gloria. Quand il est libéré, il va faire la connaissance du bébé et découvre une famille recomposée qui essaye tant bien que mal de survivre.

Fidèle à son habitude, Robert Guédiguian propose un drame social engagé, avec des hommes et des femmes simples qui essaient de survivre dans une société impitoyable pour eux. Le film est sombre, désenchanté… C’est un reflet de notre époque, où pointe l’égoïsme des uns, l’hypocrisie des autres, le fatalisme et la résignation des aînés, l’inhumanité du système. Mais, contrairement à un film de Ken Loach par exemple, j’ai trouvé difficile d'être en empathie avec ces personnages, qui sont vraiment peu aimables, surtout la jeune génération… On ne croit même plus à l'appel à la solidarité des aînés... et eux non plus, d'ailleurs ! Et quand on considère que la musique, tout au long du film, est principalement extraite du Requiem de Verdi et de la Pavane pour une infante défunte de Ravel, on comprend le ton... et le message. Ca donne finalement un film assez déprimant.


Proxima : un portrait de femme, une mère et une astronaute

Dans un futur proche, Sarah est une astronaute française. Elle est désignée pour faire partie de l’équipage de la mission Proxima, la dernière avant le grand voyage qui permettra à l’humanité de marcher sur Mars. Elle va devoir suivre l’entraînement éprouvant imposé aux astronautes mais surtout se préparer à une longue séparation avec sa fille de 8 ans.

Bien qu’ayant un petit côté science-fiction, genre hard-science (c’est-à-dire réaliste et documenté), Proxima est avant tout un film intimiste et féministe. C’est un très beau portrait de femme, une mère et une astronaute. Car Sarah veut être les deux à la fois, sans sacrifier l’une pour l’autre. Un cas qui s’est d’ailleurs présenté à de nombreuses reprises dans l’histoire spatiale, comme en témoignent les photos en hommage aux différentes astronautes, insérées dans le générique de fin du film. Mais l’équilibre n’est pas facile à trouver, et il faut sans doute plus de volonté à une femme astronaute pour réussir dans un milieu très masculin, pour affronter le machisme ordinaire et les remarques condescendantes.

La mise en scène d’Alice Winocour est sobre et sensible. Eva Green est excellente dans le rôle de cette femme forte qui cherche à la fois à assumer qui elle est et les rêves qui la font avancer. Et la bande originale composée par Ryuichi Sakamoto est remarquable.