jeudi 29 mars 2018

Marie Madeleine : une belle fresque biblique, contemplative, forte, pleine d'émotion

Le film évoque la figure biblique de Marie de Magdala. Jeune femme en quête spirituelle, elle se sent enfermée dans le carcan imposé alors aux femmes. Elle ose finalement défier les traditions pour rejoindre le groupe de disciples qui suivent Jésus de Nazareth.

Bien-sûr, le scénario prend des libertés par rapport aux évangiles bibliques, il recourt à des extrapolations, des partis pris, quelques emprunts à des évangiles apocryphes (comme l'évangile de Marie). C'est donc bien une vision partiale, forcément discutable, de l'Évangile, mais avec des propositions vraiment intéressantes.

Il y a d'abord une volonté assumée de réhabiliter Marie Madeleine, personnage biblique parfois mal-aimée, alors que les évangiles canoniques lui réservent quand même une place non-négligeable, et font bel et bien d'elle la première témoin du Christ ressuscité ! Mais l'histoire de l'Eglise ne lui a pas toujours rendu justice... La volonté de réhabilitation est, certes, un peu forcé à la fin du film, notamment dans son dialogue avec Pierre et par les quelques lignes de textes ajoutées avant le générique. Mais cette optique a l'avantage d'évoquer la réalité de la condition des femmes au temps de Jésus, et la place étonnante que ce dernier a voulu leur donner. Ce petit côté féministe est plutôt bienvenu !

J'ai particulièrement été intéressé par la représentation de Jésus que le film propose. On sait combien l'entreprise est compliquée... Les quelques récits de miracles choisis pour le film montrent un Jésus plein d'empathie, très tactile dans sa façon d'approcher les malades et de manifester sa compassion. Il l'est aussi dans ses relations avec les gens en général, et en particulier ses disciples. En fait, nous avons là un Jésus très humain, proche de nous. Et qui peut aussi se laisser envahir par la tristesse ou la colère (la scène des vendeurs chassés du temple !) Si, proportionnellement, le récit de la Passion et de la résurrection n'occupent pas une place aussi grande que dans les évangiles bibliques, ils n'en sont pas moins abordés avec force mais sans surenchère (on est très loin de la vision de Mel Gibson !). En particulier la scène de la crucifixion, très forte en émotion, avec ses gros plans sur les visages de Jésus et de Marie de Magdala, puis la tristesse immense de la mère de Jésus tenant le corps de son fils dans ses bras.

Le film n'est donc pas une simple mis en images des évangiles. C'est une vision personnelle, partielle et partiale. Mais il s'en dégage une grande force et beaucoup d'émotion. Le rythme général est assez lent, contemplatif. La lumière est très belle, dans les paysages magnifiques de la Galilée, le tout baigné dans la superbe musique de Hildur Guonadottir et du regretté Johann Johannsson.

Le casting, international (avec quelques français comme Tahar Rahim, Denis Ménochet, Tchéky Karyo ou Ariane Labed), est impeccable. Joaquin Phoenix campe un Jésus assez convaincant et sensible (parfois même tourmenté). Quant à Rooney Mara, elle est une Marie de Magdala absolument magnifique, toute en pureté, à la fois douce et déterminée, touchée par la grâce.

Marie Madeleine est un très beau film (malheureusement assez mal reçu par la critique...), idéal en ce temps de Pâques. C'est un film qui m'a vraiment touché : j'ai été ému comme rarement (comme jamais ?) avec un film "biblique".

mercredi 28 mars 2018

Ready Player One : une célébration jubilatoire de la pop culture

En 2045, les êtres humains fuient la réalité morose du monde réel pour se réfugier dans l'OASIS, un monde virtuel où tout est possible. Son créateur, James Halliday, y a caché juste avant de mourir un "Easter Egg" : celui qui découvrira les trois clés nécessaires pour le trouver deviendra le propriétaire de l'OASIS et héritera d'une fortune colossale. Alors qu'une multinationale met tout en oeuvre pour découvrir le Graal, un jeune garçon, Wade Watts, qui connaît tout de James Halliday, est sur le point de trouver la première clé.

Ready Player One, c'est un spectacle total, un pur divertissement ludique et jubilatoire, gorgé de pop culture. Le film est mené tambour battant, on en prend plein les yeux et on se prend au jeu de repérer la multitude de références geek et années 80. En effet, le film est ultra référencé : impossible de tout repérer au premier visionnage ! Ça concerne parfois des éléments essentiels de l'histoire, parfois des petits détails savoureux. Repérer les références est un jeu dans le jeu... du film.

Après une introduction où est présenté le monde futuriste, avec l'omniprésence de la réalité virtuelle, et le fameux OASIS, on entre dans le vif du sujet sur les chapeaux de roue avec une course effrénée (et l'avatar de Wade dans sa Dolorean !) semée d'embûches. Ça démarre fort. Et le rythme ne baisse jamais : on ne voit pas passer les 2 heures 20 du film, jusqu'au final épique, où se mêlent réel et virtuel avec virtuosité.

[petit spoiler] Le moment le plus incroyable est sans doute quand, à la recherche d'une clé, les héros doivent littéralement pénétrer à l'intérieur du film The Shining ! Une immersion géniale et hallucinante, techniquement bluffante ! [/spoiler]

Le film évoque évidemment la question de la réalité virtuelle et de l'emprise de la technologie, mais de façon finalement assez superficielle, avec une petite morale à la fin : le virtuel c'est bien, mais la vraie vie se passe dans le réel ! Mais Ready Player One est d'abord un divertissement, de haute tenue : et on s'éclate vraiment avec cette célébration éblouissante de la pop culture (cinéma, animation, jeu vidéo...).

Au niveau du casting, les jeunes acteurs sont convaincants : on connaît déjà le talent de Tye Sheridan et la jeune Olivia Cooke est une jolie découverte. Du côté des plus expérimentés, Ben Mendelsohn est définitivement un très bon méchant, Mark Rylance toujours parfait et Simon Pegg dans un registre plutôt inhabituel. Pour la bande originale, pour une fois ce n'est pas John Williams mais Alan Silvestri qui propose une partition efficace.

Ready Player One a toutes les chances de devenir un film culte, une référence incontournable de la pop culture. Le réalisateur s'amuse comme un gamin... et nous avec ! Papy Spielberg n'a jamais été aussi jeune ! Conclusion : play again !!!

lundi 26 mars 2018

Mektoub, my love : l'insouciance, la séduction, la vie...

Sète, 1994. Amin, revient passer l'été dans sa ville natale et retrouve sa famille et ses amis d'enfance. Il passe son temps avec Tony, son cousin, Ophélie, son amie d'enfance, et retrouve sur la plage les jolies filles en vacances. Mais Amin est toujours un peu en retrait, à observer, prendre des photos, lui qui rêve de devenir réalisateur.

Avec une caméra vivante et libre, Abdellatif Kechiche filme l'insouciance et les jeux de séduction d'un groupe d'adolescents. On pourrait avoir l'impression qu'il ne se passe pas grand chose et que le film est un peu vain... mais il est bien moins superficiel qu'il en a l'air au premier abord. Dès l'ouverture, un verset de la Bible et un texte du Coran, évoquant la lumière divine, sont mis en exergue ! A plusieurs moments clés du film résonne la musique religieuse de Mozart... Ne peut-on pas percevoir une dimension métaphysique (mystique ?) dans le film ? En tout cas, derrière les marivaudages se cache une quête de l'amour, le vrai. D'ailleurs, le film parle plutôt de la fin de l'adolescence, ce qui rend un peu pathétiques les personnages adultes qui n'en sont pas vraiment sortis (à commencer par Tony). Les badinages amoureux ne sont pas aussi innocents que cela, en revêtent parfois une certaine cruauté, source de souffrances (Charlotte) ou d'illusions (Ophélie).

Le réalisateur prend son temps (près de 3 heures !), et semble filmer ces jeunes en toute liberté, avec une sensualité de tous les instants (sauf, peut-être, dans la scène d'ouverture, très crue mais pas sensuelle). Et, il faut l'avouer, les 3 heures passent finalement assez vite.

Et puis il y a la scène où Amin attend le moment de la naissance d'un agneau, pour la prendre en photo. Une très belle scène, touchée par la grâce, qui annonce peut-être une naissance à quelque chose de nouveau pour le personnage. D'autant qu'elle contraste avec la longue scène en boîte de nuit, qui suit immédiatement, bruyante et sensuelle... avec un Amin de plus en plus extérieur, observateur de plus en plus distant, abandonnant ce soir-là de ses illusions. Et puis on termine avec la scène finale, qui ouvre sur une suite possible, et témoigne peut-être de ce changement...

Moi qui hésitait beaucoup à aller voir le film, je suis finalement curieux de savoir ce que sera la suite de ce "canto uno". Kechiche envisage plusieurs films, pour suivre le personnage d'Amin, qui a indéniablement une dimension autobiographique pour le réalisateur.

La prière : la force de la foi et de l'amitié

Thomas est un jeune toxicomane. Pour sortir de la dépendance, il rejoint une communauté religieuse, isolée dans la montagne, tenue par d'anciens drogués. Soumis à une discipline stricte, les jeunes y sont menés à la dure, sans autre thérapie que la prière, le travail et l'amitié.

La prière est un film sobre, et assez poignant, sur la foi et la force de l'amitié, à travers le difficile chemin de rédemption de Thomas. On passe quand même assez vite d'une étape à l'autre de son cheminement spirituel, par un récit assez elliptique, qui manque un peu de mystère... un cheminement qui est finalement plutôt vu de l'extérieur. Les différents aspects de la spiritualité de la communauté sont évoqués à travers les offices religieux, une discipline stricte autour du pardon, exigeant des prises de paroles publiques, mais aussi dans quelques moments plus informels (comme lorsque les jeunes chantent avec joie "Let it shine").

Là où le film est plus touchant, et peut-être plus juste, c'est dans l'évocation de la force de l'amitié et de la communauté. Ainsi par exemple, il y a le rôle de "l'ange gardien", ce compagnon attribué à chaque nouvel arrivant, qui sera son soutien, son confident, son grand frère omniprésent. Car on n'est jamais laissé seul dans le centre : s'isoler, c'est se mettre en danger. Il suffit de voir les scènes où on voit les compagnons courir de toutes leurs forces à la recherche d'un des leurs qui s'enfuit ou disparaît. Le danger est palpable. Et l'émotion est forte lorsqu'arrive le moment de la séparation, où l'on perçoit que l'amitié forgée dans ce contexte particulier marquera la vie de tous ces jeunes.

En plus de la foi et de l'amitié, Thomas découvrira aussi l'amour au cours de son séjour au centre. Un amour qui sera une aide pour qu'il s'en sorte mais aussi un sujet de trouble dans son cheminement spirituel.

La mise en scène de Cédric Kahn est toute de sobriété dans un film où la grâce naît autant de la découverte de l'amour que de l'expérience du secours de Dieu. Le jeune Anthony Bajon, dans le rôle de Thomas, est remarquable : ses scènes au début de son séjour dans la communauté, alors qu'il est en manque, puis qu'il explose de colère, sont vraiment impressionnantes.

lundi 19 mars 2018

La belle et la belle : une jolie fable doucement surréaliste

Margaux a une vingtaine d'années, elle est étudiante et un peu fantasque. Elle se cherche, multipliant les aventures sans lendemain. Un jour, elle fait la connaissance de Margaux, 45 ans, qui s'avère être elle-même mais avec une vingtaine d'années de plus !

La belle et la belle est une fable doucement surréaliste sur le temps qui passe, les regrets et les secondes chances. Si les deux Margaux sont d'abord déstabilisées par leur rencontre, elles finissent par devenir proches. Même si les choses se compliquent lorsqu'elles se retrouvent dans un triangle amoureux avec l'ex de Margaux (ou le futur ex de la jeune Margaux !)...

Il y a dans cette comédie un charme certain, et il s'en dégage une douce mélancolie. Le film, illuminé par le duo formé par Agathe Bonitzer et Sandrine Kiberlain, permet de réfléchir à la recherche du bonheur et à l'importance des choix dans la vie.

Tout le monde debout : Franck Dubosc est un grand romantique...

Jocelyn est un dragueur et un menteur invétéré. Suite à un malentendu, il se retrouve à séduire une jeune femme en se faisant passer pour un paraplégique. Jusqu'au jour où la jeune femme lui présente sa soeur, Florence, elle-même en fauteuil roulant. Jocelyn persiste dans son mensonge et finit par s'en trouver prisonnier... alors qu'il devient vraiment amoureux de Florence.

Tout le monde debout est une jolie comédie qui démontre que Franck Dubosc (dont c'est la première réalisation) est un grand romantique... On rit beaucoup, les gags, les quiproquos, les situations cocasses s'enchaînent à un bon rythme. C'est drôle, gentiment gonflé sur un sujet qui peut être casse-gueule. Mais c'est tendre aussi, comme toute comédie romantique qui se respecte. On en vient presque à verser une petite larme. Même si la fin est sans surprise (et un brin forcée...), on passe vraiment un bon moment.

Franck Dubosc joue avec son personnage de séducteur, Alexandra Lamy est rayonnante et Elsa Zylberstein est très très drôle. Il n'y a rien de révolutionnaire dans la réalisation mais une très jolie scène quand même, dans la piscine, lors d'un dîner aux chandelles.

Et puis, surtout, le sujet du handicap est abordé sans ambages et avec humour. Et c'est salutaire !

Hostiles : western crépusculaire, hanté par la mort et les remords

En 1892, le capitaine Joseph Blocker reçoit l'ordre, contre son gré, d'escorter un chef Cheyenne malade, proche de la mort, et sa famille, jusqu'à leur vallée d'origine. Sur la route, ils rencontrent Rosalee Quaid, une femme qui a vu son mari et ses enfants tués sous ses yeux par des Comanches. Elle est complètement déboussolée mais va se joindre au convoi qui va le mener du Nouveau Mexique au Montana.

Hostiles est un beau western crépusculaire. Un long périple  qui s'apparente à une marche funèbre, hanté par la mort et les remords. La mort est présente avec le chef Cheyenne en fin de vie, une veuve qui vient de voir toute sa famille être massacrée sous ses yeux et des soldats qui traînent le poids de leur passé et des vies qu'ils ont ôtées. Aux remords personnels se mêle la culpabilité collective du sort réservé aux Amérindiens. Du coup, le film est aussi une histoire de rédemption pour des hommes (et des femmes !) meurtris, perdus, abîmés par leur passé et leurs haines, et une fable sur l'Amérique.

Le rythme du film est lent et contemplatif, entrecoupé d'accès de violence parfois extrême, le tout au milieu de la beauté sublime des paysages de l'Ouest américain, et porté par une très belle musique de Max Richter.

Très belle mise en scène de Scott Cooper, ample et solennelle, avec de superbes images. Le casting est excellent, à commencer par un Christian Bale hiératique, assez impressionnant et une Rosamund Pike hallucinée et sensible.

Un très beau film.

samedi 17 mars 2018

Annihilation : de l'excellente SF, ambitieuse et inventive

Certes, le film n'est pas sorti au cinéma mais seulement sur Netflix... mais il m'est apparu impensable de ne pas en faire paraître ici une critique !

Un mystérieux phénomène est apparu suite à la chute d'une météorite ou d'un objet venu de l'espace. Une sorte de miroitement (Shimmer en vo) grandit lentement à partir d'un phare. Des drones, des animaux et des humains y ont été envoyé pour l'explorer mais nul n'en est revenu et aucune communication ne passe à travers elle... jusqu'au retour du sergent Kane. Mais il revient dans un état de santé critique. Son épouse Lena, biologiste, décide alors de se joindre à une nouvelle expédition dans le miroitement pour enfin comprendre ce dont il s'agit... et peut-être trouver un moyen de sauver son mari.

Ca commence comme une exploration d'une zone inconnue et mystérieuse, qui se révèle même dangereuse (sans spoiler, attendez-vous à sursauter quelques fois et trembler devant votre écran). Mais dans sa dernière partie, le film prend une tournure métaphysique passionnante, avec une invention visuelle vraiment étonnante. On atteint une certaine radicalité qui fait penser à 2001 l'odyssée de l'espace ou Under the Skin. On pense aussi à l'excellent Sunshine de Danny Boyle ou au formidable Arrival de Denis Villeneuve (pour la rencontre avec une vie extraterrestre complètement différente de la nôtre).

Le film se présente sous la forme d'un récit non-linéaire, qui mêle plusieurs fils narratifs et entretient avec maestria le mystère. Car le mystère caractérise bien Annihilation : le film ne dit pas tout, n'apporte pas une réponse à toutes les questions et la fin peut prêter à plusieurs interprétations.

Par son récit fascinant et complexe, Annihilation aborde de nombreux thèmes et peut avoir plusieurs niveaux de lecture. Il y a d'abord la question de l'auto-destruction comme pulsion intrinsèque à tout être humain, et dont sont toutes marquées, à différents niveaux, les membres de l'expédition féminine du film. Le chaos de mutations génétiques qui règne au coeur de la zone mystérieuse apparaît comme un écho métaphorique au chaos intime des protagonistes. Mais le film parle aussi de la vie, de son origine et sa finalité, de la question de l'immortalité. Il parle de ce qui fait de nous des humains, de mutations génétiques, il a même certains échos écologiques. Et, de façon plus intime, le film parle du couple, de l'amour, du combat contre la maladie... 

A noter enfin que le casting est d'un niveau remarquable (Natalie Portman en tête) et la bande originale excellente (signée Geoff Barrow et Benjamin Salisbury). Alex Garland, après Ex Machina, démontre qu'il est un formidable réalisateur et signe avec Annihilation ce qui sera sans aucun doute un des films de SF (le film ?) de l'année. Mais il aurait vraiment mérité de sortir dans les salles de cinéma...

jeudi 8 mars 2018

The Disaster Artist : une comédie surréaliste mais vraie !

Parce que Hollywood ne veut pas de lui, Tommy Wiseau décide de faire tout seul son film, dans lequel il s'attribue le rôle principal. Il achète tout le matériel nécessaire, engage une équipe complète et tourne The Room, qui est peut-être le plus grand nanar de tous les temps, aujourd'hui devenu un film culte. Le film raconte cette histoire vraie.

The Disaster Artist est, d'abord, une comédie hilarante, autour de ce personnage surréaliste, à l'accent étrange, au look discutable, dont on ne connaît ni l'origine, ni l'âge, ni la provenance de la fortune. La prestation de James Franco, qui l'incarne, est hallucinante : sa transformation est parfaite ! Il parvient même à rendre touchant ce personnage qui, sous certains aspects, n'est pas forcément sympathique. C'est le portrait d'un homme borderline qui, finalement, ne cherche qu'à être aimé...

Les scènes de tournage du film sont des moments de bonheur comique, avec un réalisateur mégalo et incompétent, qui est aussi un acteur nul (il en fait des tonnes et ne connaît pas son texte, qu'il a pourtant écrit lui-même !), le tout sous le regard médusé de tout le casting et l'équipe technique qui se demandent ce qu'ils font dans cette galère ! En réalité, James Franco reconstitue plusieurs scènes de The Room à l'identique. On s'en rend compte à la fin du film, lorsqu'on voit sur l'écran, en parallèle, ces scènes : d'un côté le film original et de l'autre les scènes reconstituées avec les acteurs du film de James Franco. C'est bluffant !

Mais le film est aussi une déclaration d'amour au cinéma, malgré le côté cruel de la machine à rêve de Hollywood, tout en gardant un regard bienveillant sur les losers. Le film peut même être vu comme une réflexion sur l'art, et le rôle du spectateur dans l'oeuvre d'art (la scène de la première du film).

Comédie surréaliste mais vraie, The Disaster Artist frôle le chef d'oeuvre ! Courez vite le voir !

PS : Un petit conseil d'ami : restez jusqu'à la fin du générique, ne ratez pas la scène bonus où le vrai Tommy Wiseau donne la réplique à James Franco !

mardi 6 mars 2018

La ch'tite famille : à défaut d'être originale, une comédie tendre qui donne le sourire

Valentin D. et Constance Brandt sont le couple du moment, tous les deux  des designers à la mode. Une grande rétrospective leur est consacrée au Palais de Tokyo. Mais Valentin ne se doute pas que sa mère, son frère et sa belle-soeur vont débarquer au beau milieu de son vernissage. D'autant qu'il s'est toujours présenté comme un orphelin... pour dissimuler ses origines ch'tis. Les choses se compliquent encore lorsque Valentin, suite à un accident et un traumatisme cranien, se réveille en ayant perdu la mémoire... et avec son accent ch'ti retrouvé !

Dany Boon est dans son fond de commerce. Rien de très original mais une comédie réussie, qui donne globalement à sourire plus qu'à rire. On n'est pas dans la farce... Mais ce n'est peut-être pas plus mal puisqu'il y a une vraie tendresse dans le film de Dany Boon, qui fait écho incontestablement à sa propre expérience. C'est une comédie sur la famille, sur les racines. Dany Boon s'entoure de plusieurs de ses complices habituels (Valérie Bonneton, Guy Lecluyse, Line Renaud, Laurence Arné), avec en plus les apparition clownesques de Pierre Richard. On passe vraiment un agréable moment.

lundi 5 mars 2018

Call me by your name : quel ennui !

En 1983, comme chaque été, Elio passe ses vacances avec ses parents dans leur villa familiale en Italie. Ils ont l'habitude d'accueillir chaque année un étudiant dans la villa et cette fois c'est un jeune américain, Oliver, qui vient travailler avec le père d'Elio. Une attirance va naître entre Elio et Oliver qui vont connaître une liaison amoureuse.

Ils sont beaux, intelligents, cultivés, les parents sont tellement ouverts, les paysages tellement magnifiques... mais quel ennui ! On a l'impression que la réalisateur a tellement voulu montrer que cette relation homosexuelle est finalement une relation comme une autre, qu'il a voulu que tout soit impeccable, dans un cadre paradisiaque. Mais tout est tellement appuyé, comme quand on voit arriver un couple gay caricatural pour faire contraste (mais bien-sûr il est accueilli avec bienveillance !)... Même la fille qui se fait jeter n'en veut finalement pas à Elio... Ils restent amis pour la vie !

Et dire que la quasi-unanimité des critiques a adoré le film... J'avoue n'avoir pas compris !

Lady Bird : l'histoire touchante et juste d'une adolescente qui prend son envol.

Christine McPherson est une lycéenne un peu rebelle. Mais elle veut qu'on l'appelle Lady Bird, le nom qu'elle s'est choisi. Elle ne veut surtout pas ressembler à sa mère, aimante mais sévère et envahissante, qui travaille sans relâche en tant qu'infirmière pour garder la famille hors de l'eau, surtout depuis que le père a perdu son travail... Et surtout, elle rêve de quitter son trou perdu de Sacramento pour aller étudier sur la côte Est, à New-York.

Lady Bird est une histoire touchante et juste, celle d'une adolescente qui prend son envol. Le film évoque le passage à l'âge adulte avec toutes ses remises en question, la place de l'amitié, l'éveil à la sexualité, le poids des apparences, le besoin d'appartenance, l'évolution du lien avec les parents... Le tout est abordé avec beaucoup de finesse et de justesse, avec humour aussi, et de l'émotion, juste ce qu'il faut.

Je trouve le film particulièrement réussi dans son évocation des liens entre parents et enfants adolescents. Il y a, certes, la difficulté pour l'ado de prendre son envol mais aussi la difficulté pour les parents de lui laisser prendre son envol. Et puis la relation est différente avec la mère et avec le père. Dans le film, la relation de Lady Bird avec sa mère fait des étincelles, ce sont deux caractères forts qui se frottent, dans une relation complexe où il est difficile, pour l'une et pour l'autre, d'exprimer leur amour, pourtant réel. Cette tension est magnifiquement entretenue tout au long du film, jusqu'à la fin du film, dans un dénouement bouleversant. La relation de Lady Bird avec son père est différente, bien plus complice où l'expression des sentiments est plus facile. Même si le père, dans le film, se révèle fragile, il s'efforce de faire tampon entre la mère et la fille. Tout cela est magnifiquement évoqué dans le film, avec beaucoup de sensibilité et de justesse. Et c'est formidablement incarné par les acteurs. Laurie Metcalf dans le rôle de la mère (la scène de l'aéroport !) et Tracy Letts dans celui du père sont excellents. Et il y a bien-sûr Saoirse Ronan dans le rôle de Lady Bird, qui confirme qu'elle est une jeune actrice incroyable. Elle se saisit du rôle avec une telle énergie ! Elle n'a pas eu son Oscar cette année encore... mais elle l'aura un jour. C'est sûr !

Notez encore que la question de la religion est aussi abordée dans le film. Lady Bird est dans un lycée catholique, avec ce mélange assez étrange à nos yeux de Français, de religion et de patriotisme. Le regard du film est parfois assez ironique et critique (la séance de prévention contre l'avortement...) mais aussi empreint de respect, notamment à travers des personnages attachants (la soeur qui dirige le lycée par exemple, ou le prêtre qui enseigne le théâtre). Et puis on voit à la fin du film que la question de la foi et de la religion continue d'accompagner le personnage de Lady Bird...

Au final, voilà un très joli film, une belle réussite pour la première réalisation de Greta Gerwig, dans la meilleure veine de ce que peut nous proposer le cinéma indépendant américain.

samedi 3 mars 2018

Jésus, l'enquête : la foi à l'épreuve de la vérité

Lee Strobel est journaliste d'investigation au Chicago Tribune. Lorsque son épouse se convertit à la foi chrétienne, il ne le supporte pas, lui qui est un athée convaincu. Du coup, il décide d'enquêter sur la résurrection de Jésus, pour apporter la preuve à sa femme que tout cela n'est qu'une supercherie.

Disons-le d'emblée, ce film dépasse nettement la qualité habituellement assez médiocre de ce genre de productions chrétiennes américaines... sans éviter toutefois certains écueils.

Je dois dire que le premier quart d'heure m'a fait craindre le pire, avec ses "gros sabots" évangéliques, ses discours simplistes et ses bons sentiments pour faire pleurer dans les chaumières. Mais il faut aller au-delà car lorsque l'enquête commence, les choses changent.

En effet, l'enquête journalistique sur la résurrection de Jésus, qui conduit Lee auprès d'un philosophe croyant, d'un archéologue devenu prêtre, d'une psy agnostique ou d'un chercheur en médecine, permet d'aborder les grandes questions liées à l'historicité de la résurrection de Jésus. Etait-il vraiment mort ? Les disciples ont-ils menti ? Ont-ils été victimes d'hallucination ? Quelle est la fiabilité des témoignages ? A cet égard, le film peut être intéressant pour alimenter un débat sur la dimension rationnelle de la foi chrétienne. Etant entendu, comme l'affirme le film d'ailleurs, qu'à la fin, il s'agit bien d'une question de foi !

En parallèle de cette histoire principale, Lee enquête sur un fait divers impliquant un policier et le film évoque aussi ses difficultés relationnelles avec son père et bien-sûr celles avec son épouse. Mais la manière dont ces histoires parallèles entrent en interaction avec l'histoire principale laisse parfois un peu songeur... comme avec cette réflexion de la psy qui laisse entendre qu'on devient athée parce qu'on a eu un père absent... L'autre fil, celui de l'enquête impliquant un policier, est plus intéressant, en particulier en ce qui concerne la notion de vérité. Quant à l'évolution de la relation de Lee avec son épouse, même si elle est évoquée parfois de façon un peu appuyée (grâce à la musique qui va avec...), elle permet tout de même d'évoquer la découverte de la foi et les bouleversements que cela provoque dans la vie, impactant parfois douloureusement les relations avec les proches, sceptiques ou hostiles.

Même si la réalisation est très classique, la reconstitution des années 80 et plutôt réussie et le casting fait bien son travail, avec en guest-stars, pour des petits rôles, Faye Dunaway (Bonnie and Clyde, Chinatown, Little Big Man...) et Robert Forster (Jackie Brown).

Au final, on retiendra donc surtout l'enquête journalistique au coeur du film, qui permet de rappeler que la foi est bien un choix personnel, mais dans lequel la raison a tout à fait sa place.