lundi 25 mars 2019

Mon bébé : une jolie comédie, tendrement nostalgique

Héloïse est une mère divorcée de trois enfants. Jade, la petite dernière, est en train de passé son bac et s'apprête à quitter le nid pour continuer ses études au Canada. Héloïse se remémore les souvenirs partagés, veut profiter des derniers moments ensemble tout en acceptant de laisser sa fille voler de ses propres ailes...

Mon bébé est une jolie comédie, tendrement nostalgique, qui parle avec justesse, sans larmoiement, de la maternité, de la relation mère-fille et cette période particulière où les enfants prennent leur envol. La jeune Thaïs Alessandrin, fille de la réalisatrice, Lisa Azuelos, est une jolie révélation dans le rôle de Jade. Mais l'atout central du film, c'est évidemment Sandrine Kiberlain qui fait son show : énergie, drôlerie, émotion, improvisation... Le grand jeu !

Us : une satire sociale horrifique, malicieuse et brillante

Adelaïde Wilson est de retour dans la maison de son enfance pour passer des vacances avec son mari Gabe et leurs deux enfants Zora et Jason. Mais Adelaïde n'est pas tranquille. Un traumatisme d'enfance, mystérieux, refait surface suite à une série de coïncidences. Après une journée à la plage avec leurs amis les Tyler, la famille rentre à la maison. Le soir, quatre personnes se tiennent silencieux devant leur maison, en se tenant la main. D'abord inquiétants, il vont finir par se montrer très hostiles... et terrifiants. Car ils sont en réalité les doubles des quatre membres de la famille Wilson !

Après le génial Get Out, Jordan Peele remet ça, pour un nouveau film de genre très efficace, qui obéit aux codes des films d'épouvante (suspense, "monstres",  hémoglobine...), non sans de nombreuses petites touches d'humour. Cette satire horrifique est en réalité une fable sociale et politique malicieuse et brillante. Elle évoque une Amérique (ou plus globalement, le monde occidental) fractionnée, fracturée, entre les nantis et les laissés pour compte, où les inégalités sont source de frustration, de colère et de violence.

En utilisant habilement le thème du double, le film a aussi une petite dimension philosophique, évoquant la frontière poreuse entre le bien et le mal, et la façon dont tout être humain, selon les circonstances, peut devenir un monstre, une bête dangereuse et violente. Le film est brillant, jusqu'à son dénouement qui brouille un peu les pistes (et c'est plutôt malin !).

Il faut encore mentionner la très bonne bande originale composée par Michael Abels et la performance époustouflante de Lupita Nyong'o dans le rôle d'Adelaïde et son double.

Sunset : un film déroutant mais absolument fascinant

Irisz Leiter est orpheline depuis l'âge de deux ans, ses parents ayant péri dans un incendie. En 1913, elle revient à Budapest et postule pour travailler dans le célèbre magasin de chapeaux tenu autrefois par ses parents. Mais les choses ne se passent pas comme elle le souhaite. Et lorsqu'elle apprend qu'elle a un frère dont elle n'avait jamais entendu parler, elle se met à sa recherche.

Sunset est un film déroutant, dont l'histoire peut paraître parfois un peu confuse, difficile à suivre. Mais la réalisation de Laszlo Nemes, qui avait déjà fait sensation à Cannes avec Le fils de Saul en 2015, est toujours aussi fascinante. Sa mise en scène, avec beaucoup de gros plans sur le visage de l'actrice principale, ou juste derrière son épaule, un remarquable travail sur la lumière, la profondeur de champ... On est emporté aux côté de l'héroïne, cette jeune femme qui ne tient pas en place, toujours en mouvement, et toujours rattrapée, parfois violemment, toujours en quête de son passé et perdue au milieu du tumulte. L'expérience cinématographique est immersive et forte.

Il y a dans le film quelque chose d'inéluctable, dans l'évocation d'un monde au bord du gouffre, à la veille de la Grande Guerre. Un monde où la révolte gronde, dans lequel soudain on se retrouve face à un déferlement de violence impressionnant, ou au milieu d'un tumulte assourdissant (le travail sur le son est aussi absolument remarquable). Avec, tout au long du film, la musique de La jeune fille et la mort de Schubert...

Alors, certes, le film est un peu long, on est parfois un peu perdu (mais c'est à l'image du personnage central) mais Laszlo Nemes a décidément un langage cinématographique personnel et fort, au service d'une vision assez sombre et inquiétante de l'humanité... et qui résonne de manière particulière aujourd'hui.

lundi 18 mars 2019

Convoi exceptionnel : un petit jeu absurde et surréaliste

Foster, en costume et pardessus, rencontre Taupin, habillé en guenilles, qui pousse un caddie au milieu des voitures. Foster est en possession d'un scénario, celui de leur vie. Et on vient leur apporter petit à petit de nouvelles pages du scénario...

Convoi exceptionnel est un petit jeu absurde et surréaliste. L'idée de départ est amusante et donne lieu à des scènes et des dialogues cocasses. On rit, mais pas toujours. Pour tout dire, le film est finalement assez sombre, hanté par la mort, avec un ton désenchanté. Et l'ensemble est inégal : certaines scènes sont assez belles, grâce au duo Depardieu et Clavier, mais d'autres sont absconses. Et le tout finit quand même par tourner un peu à vide...

Ma vie avec John F. Donovan : un mélo surligné et confus

Dix ans après la mort d'une jeune star de la télévision, un jeune acteur publie un livre qui raconte sa correspondance entretenue avec lui alors qu'il était enfant, et l'impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.

On sait que le film a eu une genèse compliquée... et le résultat ne m'a pas paru vraiment convaincant. Xavier Dolan est un formidable réalisateur, un surdoué du cinéma, ses films sont à fleur de peau. On se rend bien compte de sa maîtrise de la caméra, et les acteurs sont bons. Mais j'ai trouvé que tout dans ce film était surligné, avec un scénario  un peu alambiqué, un montage touffu voire confus, des dialogues sentencieux, une musique envahissante... Vraiment, je n'ai pas accroché. Et je suis déçu.

Rebelles : réjouissante comédie trash et "girl power"

Sans boulot ni diplôme, Sandra, ex miss Nord-Pas-de-Calais, revient s'installer chez sa mère à Boulogne-sur-Mer après 15 ans sur la Côte d'Azur. Embauchée à la conserverie locale, elle repousse les avances de son chef... et le tue accidentellement. Nadine et Marylin, deux autres filles de l'usine, ont été témoins de la scène. Quand elles découvrent un sac plein de billets dans le casier du mort, elles décident de se partager le magot... et de trouver un moyen de faire disparaître le corps.

Rebelles est une comédie trash, au ton burlesque. C'est aussi un film "girl power", où les femmes répondent aux coups qu'elles reçoivent... et c'est parfois très violent, mais un peu comme dans un dessin animé de Tex Avery. Ca va assez loin... mais pour peu qu'on apprécie l'humour noir, c'est vraiment réjouissant, avec un bon rythme, des dialogues savoureux et des rebondissements.

Au coeur du film, il y a un trio féminin improbable, avec une bimbo ex miss locale, une mère célibataire speed et une mère de famille qui trime pour toute sa famille. Et ça fonctionne très bien, en particulier parce qu'elles sont formidablement interprétées par Cécile de France, Audrey Lamy et Yolande Moreau.

lundi 11 mars 2019

Le mystère Henri Pick : un polar littéraire divertissant et léger

Dans une étrange bibliothèque au cœur de la Bretagne, une jeune éditrice découvre un manuscrit extraordinaire qu'elle décide aussitôt de publier. Le roman devient un best-seller. Mais son auteur, Henri Pick, un pizzaïolo breton décédé deux ans plus tôt, n'aurait selon sa veuve jamais écrit autre chose que ses listes de courses. Persuadé qu'il s'agit d'une imposture, un célèbre critique littéraire décide de mener l'enquête, avec l'aide inattendue de la fille de l'énigmatique Henri Pick.

Dans la petite ville de Crozon, en Bretagne, une librairie possède une salle des manuscrits refusés par les éditeurs. Une jeune éditrice y découvre un manuscrit qu'elle décide aussitôt de publier et le roman devient un best-seller... alors que son auteur est totalement inconnu, un improbable pizzaïolo décédé quelques années auparavant. Persuadé qu'il s'agit d'une imposture, Jean-Michel Rouche, un célèbre critique littéraire, mène l'enquête.

Adaptation du roman éponyme de David Foenkinos, le mystère Henri Pick est un polar littéraire divertissant et léger. On suit avec plaisir le jeu de piste de l'enquête, le duo formé par Fabrice Luchini et Camille Cottin fonctionne bien (c'est l'atout principal du film) et le tout est joliment dialogué. Le film égratigne au passage, gentiment, le monde de l'édition et un peu celui de la télévision.

Bref, un divertissement très agréable à regarder... Et puis on passe à autre chose.

Damien veut changer le monde : une comédie engagée et généreusement utopiste

Les parents de Damien étaient de toutes les luttes sociales et de toutes les manifs, embarquant leurs enfants avec eux. Mais lorsque Carole, la mère, disparaît brutalement, la fibre militante de la famille s'arrête. Vingt ans plus tard, Damien est pion dans une école primaire. Pour sauver un de ses élèves et sa mère originaires de Syrie d'une expulsion du territoire, il accepte d'enfreindre la loi en reconnaissant être le père de l'enfant. D'autres femmes migrantes dans la même situation viennent du coup lui demander de refaire la même chose. Damien embarque alors une bande de potes improbables dans son nouveau combat, et convainc même sa soeur Mélanie, désormais avocate d'affaire de les défendre.

Damien veut changer le monde est un feel good movie, une fable sociale engagée. Le titre le laisse entendre, le film a un côté un peu utopiste et rêveur, quitte à paraître parfois un peu naïf. Mais c'est assumé, alors pourquoi pas ?

Le sujet central du film, c'est le délit de solidarité : n'est-il pas juste parfois d'enfreindre la loi au nom de la solidarité, de la fraternité (pour utiliser un des trois termes de notre devise républicaine française) ? La question se pose aujourd'hui, justement en lien avec l'aide apportée à des migrants. Et le film répond clairement oui... sur le ton de la comédie.

Car le film est avant tout une comédie, qui mêle humour et émotion. On y découvre un Frank Gastambide dans un registre différent de celui des grosses comédies auxquels on l'associe plutôt jusqu'ici, et il est tout à fait convaincant et même touchant. Les seconds rôles sont souvent drôles aussi et joliment interprétés (avec une mention spéciale à Gringe).

jeudi 7 mars 2019

Stan & Ollie : un portrait touchant, un joli film sur l'amitié

Laurel et Hardy forment un duo comique légendaire. En 1953, ils se lancent dans une tournée à travers l'Angleterre, dans l'espoir de pouvoir ensuite tourner un nouveau film. Mais ils sont désormais vieillissant, fatigués, les plus jeunes ne les connaissent pas... Ils n'arrivent pas à remplir les petits théâtres où ils se produisent et se retrouvent contraints de tourner des publicités ou de remettre les prix d'un concours de miss locales pour attirer le public.

Stan & Ollie est un très joli film, un portrait tendre et touchant, empreint de nostalgie, d'un duo inséparable. C'est d'abord un beau film sur l'amitié, mais c'est aussi un hommage au temps des films en noir et blanc et une évocation de la versatilité du monde du show-business...

La bonne idée du scénario est de se centrer sur la dernière tournée de Laurel et Hardy, alors que le grand succès est derrière eux et que s'approche la fin de leur carrière. Avec, également, la présence de leurs femmes respectives, protectrices et au caractère bien trempé. Le film fait sourire, souvent, et émeut. Alors, certes, la réalisation est sans doute un peu académique. Mais quel duo d'acteurs ! Steve Coogan et John C. Riley livrent une performance extraordinaire : ils sont incroyables de mimétisme.

Peu porté par une promotion timide, le film risque de passer un peu inaperçu... et c'est bien dommage car c'est vraiment un très joli film !

mercredi 6 mars 2019

Captain Marvel : un divertissement Girl Power spectaculaire

Le film raconte comment Carol Danvers est devenue l'une des super-héroïnes les plus puissantes de l'univers : Captain Marvel.

Les scènes d'action sont spectaculaires, l'humour plutôt plaisant, les clins d'oeil aux années 90 n'envahissent pas trop le film mais sont plutôt sympas. C'est une origin story classique mais efficace, même si elle n'a rien de révolutionnaire.

Le petit plus, c'est évidemment le côté Girl Power. Il y a incontestablement dans le film un côté féministe post #MeToo qui fait du bien. Quant au Power, Captain Marvel n'en manque pas ! On comprend qu'elle puisse rivaliser avec Thanos... C'est d'ailleurs clairement un film qui prépare la suite, la nouvelle génération des Avengers, après Endgame, le prochain film.

Quant à Brie Larson, elle incarne une Captain Marvel vraiment convaincante, à la fois forte et pleine de charme. Et son duo avec un Samuel Jackson rajeuni fonctionne très bien.

lundi 4 mars 2019

Celle que vous croyez : une fable contemporaine assez vertigineuse

Claire a 50 ans. Pour épier son jeune amant Ludo, elle crée un faux profil Facebook où elle devient Clara, une jeune femme de 24 ans. Alex, l'ami de Ludo, entre en contact avec elle sur le réseau social. Une relation virtuelle se tisse entre les deux, bientôt avec des sentiments bien réels...

Le scénario du film (adapté du roman éponyme de Camille Laurens) est très malin. Tout commence comme un simple jeu, plutôt amusant... mais petit à petit un malaise s'installe. Et les choses basculent quand les sentiments s'en mêlent : le jeu devient un piège diabolique et malsain. Et puis l'histoire bascule à nouveau, au fil des rebondissements successifs et des révélations inattendues, dans une histoire qui devient assez vertigineuse.

Celle que vous croyez est une fable contemporaine, qui parle certes d'hyper-connexion et de virtuel (et de leurs dangers) mais aussi et surtout de vérité et de mensonge, de peur de vieillir, du poids des apparences, de la solitude et du sentiment d'abandon... toutes des thématiques très actuelles !

Dans le rôle de Claire, Juliette Binoche est extraordinaire ! Elle est pratiquement de tous les plans du film. La façon dont elle passe de Claire à Clara, en changeant imperceptiblement sa voix mais aussi son visage, son attitude, est impressionnante. Elle est aussi pour beaucoup dans la réussite du film.

Jusqu'ici tout va bien : une sympathique comédie sociale, résolument positive

Après un contrôle fiscal difficile, Fred est contraint, pour ne pas fermer son entreprise, de délocaliser son agence de communication à la Courneuve. Il sera en plus obligé d'embaucher quelques jeunes de la ville... Tout le monde devra essayer de cohabiter et de dépasser les idées préconçues.

Jusqu'ici tout va bien est une sympathique comédie sociale, résolument positive. Il y a un petit côté Bienvenue chez les ch'tis mais en banlieue parisienne... Bien-sûr, ça peut paraître un peu naïf parfois, mais le film se joue avec sourire des clichés et véhicule un message généreux. On y croise une galerie de personnages réjouissants, Malik Bentalha en jeune maladroit est drôle et Gilles Lellouche est impeccable.

Au final, rien d'inoubliable mais on passe un bon moment !

Marie Stuart, reine d'Ecosse : une lecture fastueuse et féministe d'une page d'histoire

Epouse du roi de France à 16 ans, Marie Stuart se retrouve veuve à 18 ans. Elle décide alors de retourner en Ecosse pour réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais Marie menace la souveraineté d'Elisabeth Ire qui règne sur l'Angleterre. Les deux reines devenues rivales règnent sur un monde dirigé par des hommes, à la tête de deux cours minées par la conspiration et la trahison.

On est frappé d'abord par la qualité de la reconstitution historique, fastueuse, avec un travail remarquable sur les décors et les costumes. Josie Rourke, dont c'est le premier film, vient du théâtre et ça se sent dans sa réalisation.

L'histoire est complexe et le scénario emprunte quelques raccourcis, se concentrant sur quelques années seulement du règne de Marie Stuart. Mais la lecture proposée est résolument féministe. Elle présente deux reines qui, malgré leur ambition, cherchaient la paix entre l'Angleterre et l'Écosse. Mais elles étaient confrontées autour d'elles à des hommes d'un tout autre avis et peu enclins à accepter de se soumettre à une femme, même assise sur le trône... Les pressions et les manipulations ont eu raison de leurs intentions, contraignant Elisabeth à se conduire "comme un homme".

Je n'ai pas les connaissance historiques nécessaires pour juger la pertinence du propos mais il est incontestable que vu sous cet angle, cette histoire cruelle et sombre garde des accents extrêmement modernes.

Le film est porté par deux actrices d'exception : Saoirse Ronan et Margot Robbie, toutes deux formidables. Un duel à distance qui culmine dans la seule scène qui les réunit à l'écran, lors de leur rencontre secrète, par ailleurs remarquablement réalisée.