lundi 28 mai 2018

Mutafukaz : une animation à l'ancienne, hybride et foisonnante

A Dark Meat City, mégalopole californienne, Angelino squatte une chambre d'hôtel insalubre avec son pote Vinz (et une quantité croissante de cafards), dans un quartier pourri de la ville... Suite à un accident de scooter, Angelino commence à souffrir de maux de tête et d'hallucinations. A moins que ça ne soit pas des hallucinations. D'autant qu'il est pourchassé par des hommes en noir et fait preuve soudain de capacités étonnantes.

Adaptation, par son auteur et un réalisateur japonais, d'une bande dessinée (que je ne connais pas), Mutafukaz est un film d'animation à l'ancienne et un objet cinématographique hybride dans un univers foisonnant, assumant plusieurs influences, hip-hop, SF, film de gangster, film noir... Le résultat est plutôt étonnant. Et même si je ne suis probablement pas le coeur de cible de ce genre de film, j'ai bien apprécié !

Deadpool 2 : le super-héros badass est de retour

Le super-héros badass est de retour... Et cette fois il va essayer de monter une équipe autour de lui et devra faire face à un super-soldat venu du futur. Entre autre...

Je l'avoue, je n'avais pas vraiment accroché avec le premier film. Mais j'ai décidé de laisser une seconde chance à Deadpool... et c'est franchement plus réussi que le premier film ! Beaucoup d'action, des combats parfois assez jubilatoires, de l'humour potache (oui, ça manque un peu de finesse...) mais surtout beaucoup d'autodérision (à cet égard, ne manquez surtout pas la scène post-générique !). Le film donne dans la surenchère, et c'est pleinement assumée ! Avec, autour de Deadpool, toute une galerie des personnages réjouissants (le recrutement et la première mission de l'équipe X-Force est vraiment très drôle).

Bref, on passe plutôt on bon moment à se vider la tête devant Deadpool 2 !

En guerre : un film coup de poing, militant et immersif

Malgré les sacrifices consentis par les salariés, et alors que l'entreprise est bénéficiaire, la direction de l'usine Perrin annonce la fermeture totale du site, décidée par le groupe allemand qui en est propriétaire. Les 1100 salariés, emmenés par leur porte-parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale qui bafoue l'accord signé deux ans auparavant et se mettent en grève. Un bras de fer commence avec la direction.

En guerre, c'est un peu le 120 battements par minute de la lutte sociale : un film coup de poing militant et immersif. Et le côté immersif est passionnant. On est vraiment au coeur de l'action (je devrais dire du drame), dans les coulisses : les concertations, les tensions internes qui naissent, la colère qui monte, les jeux de pouvoir, la souffrance des uns, le cynisme des autres... Le tout avec une musique très présente qui accentue la tension.

Le film n'est pas manichéen même si Stéphane Brizé prend le parti des ouvriers, comme on prend légitimement le parti des plus faibles. Mais il ne les idéalise pas, loin de là. Il s'intéresse aussi aux dirigeants (mais sans concession...) et à la bonne volonté des politiques qui se retrouvent souvent impuissants. En guerre est un constat social inéluctable et glaçant, qui se termine dans un épilogue cruel et terrible, qui laisse un peu KO.

Comme à son habitude, le film de Stéphane Brizé est noir et laisse peu d'espoir. C'est un cri de colère, un appel à la lutte. Mais aussi un refus de plier le genou devant une société où le fossé entre les plus riches et les plus pauvres ne cesse de s'agrandir.

jeudi 24 mai 2018

Solo - A Star Wars Story : un divertissement réussi même s'il est loin d'être essentiel à la saga

Dans une galaxie lointaine, très lointaine, l'action se déroule quelques années avant l'épisode IV. Han Solo cherche un peu sa voie, il n'a pas encore rencontré Chewbaca et ne possède pas encore le Faucon Millenium. Le film nous raconte finalement comment est né Han Solo (car au début du film, ce n'est pas encore comme cela qu'il s'appelle !).

Solo est le deuxième spin off de la franchise Star Wars. Si Rogue One était un véritable chaînon manquant entre les deux trilogies, apportant un indéniable plus à la saga (et parvenait même à corriger une faiblesse du scénario de l'épisode IV à propos de l'étoile de la mort), c'est loin d'être le cas avec Solo, malgré quelques clins d'oeil et certains éléments à la fin du film (dont un retour surprise d'un personnage qui ouvre des pistes possibles pour une suite probable). Mais ça reste tout de même un divertissement tout à fait réussi, dans une galaxie lointaine qu'on a toujours plaisir à retrouver !

Le film souffre quand même d'un coup de mou en son milieu, avec une vraie baisse de tension et de rythme. L'ensemble manque aussi un peu de fun (alors qu'on aurait pu l'attendre avec un personnage comme Han Solo...). Mais les deux longues scènes de bravoure du film sont spectaculaires et bien réalisées : on voit à l'oeuvre la maîtrise de Ron Howard. Deux poursuites épiques dont la première est peut-être la plus réussie, sur un train à grande vitesse dans des paysages montagneux. Mais la deuxième, la traversée du redoutable maelström, est aussi réjouissante.

Dans le rôle de l'iconique Han Solo, Alden Ehrenreich s'en sort plutôt pas mal... mais forcément on n'a pas vraiment l'impression de voir l'incomparable Harrison Ford (qui finalement n'était pas beaucoup plus âgé au moment du premier Star Wars). C'est d'ailleurs un peu le problème du film : on peine à se convaincre d'assister à la jeunesse de Han Solo. Le reste du casting fait le job. Emilia Clarke est l'atout charme du film. Donald Glover est peut-être le plus convaincant dans le rôle de Lando Calrissian. Woody Harrelson est fidèle à lui-même.

Au final, on prend vraiment du plaisir devant ce film d'aventure somme toute assez classique. Et les pistes ouvertes à la fin du film peuvent même laisser entrevoir un potentiel qui n'est pas inintéressant pour la suite... Nous verrons bien !

lundi 21 mai 2018

L'homme qui tua Don Quichotte : le geste du film touche, le film lui-même déçoit

Toby est une réalisateur de publicités cynique et désabusé. Sur un tournage en Espagne, il se retrouve à proximité du petit village où il a tourné, une dizaine d'années plus tôt, son premier film, en tant qu'étudiant, plein d'idéaux. En retournant au village, il retrouve le vieux cordonnier qu'il avait embauché pour jouer le rôle de Don Quichotte... et qui est désormais persuadé d'être le véritable Don Quichotte. En voyant Toby, il reconnaître son fidèle Sancho Panza, venu le retrouver. Il va alors embarquer Toby dans ses aventures.

L'homme qui tua Don Quichotte est l'aboutissement d'un projet maudit de Terry Gilliam, vieux de 25 ans, qu'on n'espérait plus voir aboutir. Le premier tournage (avec Jean Rochefort dans le rôle de Don Quichotte,) n'a jamais pu être terminé, pour de multiples raisons. Plusieurs tentatives successives ont avorté jusqu'au présent film, qui a failli ne jamais sortir en salles à cause d'un imbroglio avec son producteur. Et pour couronner le tout, le réalisateur a été victime d'un AVC quelques jours avant sa sortie, en clôture du festival de Cannes.

Bref, étant un grand fan du réalisateur à l'univers si particulier, c'est un film que j'aurais tellement voulu aimer ! Et je suis déçu... Certes, le geste est généreux mais le résultat est bancal. Film foutraque, décousu, il manque de magie, de poésie. Il y a bien quelques jolies scènes (on pense par exemple à celle des géants à la fin du film, ou à certains jeux entre rêve et réalité) mais l'ensemble n'est pas à la hauteur des attentes. Le film fait penser à plusieurs des chefs d'oeuvre de son réalisateur : on pense à Sacré Graal pour l'évocation décalée d'un mythe, mais sans la jubilation absurde ; ou à Fisher King pour la relation du duo au centre du film mais sans la poésie ; les aventures du baron de Munchausen mais avec beaucoup moins de folie et d'inventivité ; Brazil (on retrouve Jonathan Pryce, formidable dans le film) pour sa critique qui se veut acide, ici de l'industrie du cinéma, mais qui tombe un peu à plat. En fait, il y a dans ce film une nostalgie, voire une noirceur sous-jacente, assez étonnante. Celle d'un Terry Gilliam fatigué, comme hanté par les fantômes de ses films. Le geste du film touche... le film lui-même laisse sur sa faim.

lundi 14 mai 2018

La route sauvage : une ballade cruelle, un chemin difficile vers la lumière

Charley Thompson a 15 ans. Abandonné par sa mère quand il était petit, il vit avec son père qui n'est pas vraiment quelqu'un de stable. Du coup, il a souvent déménagé. A peine arrivé dans l'Oregon, Charley se trouve un petit boulot auprès d'un entraîneur de chevaux. Il se prend alors d'affection pour un cheval de course en fin de carrière, Lean on Pete. Lorsqu'il se trouve livré à lui-même, et alors que l'entraîneur veut se débarrasser de l'animal, Charley décide de s'enfuir avec le cheval.

A la fois récit d'apprentissage et road-movie, La route sauvage (Lean on Pete en titre original) propose une ballade cruelle, un chemin difficile vers la lumière pour un ado qui veut s'en sortir. Parce que Charley est un bon gars, c'est un bosseur, un garçon déterminé qui veut vraiment s'en sortir. Mais il doit se débrouiller un peu tout seul. Et c'est dur... le monde est impitoyable.

C'est un très beau film, sobre et fort à la fois. S'il évoque une Amérique qui laisse beaucoup de monde sur le bas-côté, le film n'est pourtant pas dénué d'espoir, à travers le parcours douloureux d'un ado attachant, incarné par la révélation Charlie Plummer, confondant de justesse.

Candelaria : un film simple et beau, sur l'amour et la vieillesse

La Havane, au milieu des années 90. En plein embargo américain, Cuba traverse une crise économique sans précédent, plongeant la plupart de la population dans la précarité. Parmi eux, un vieux couple, Candelaria et Victor Hugo (environ 150 ans à eux deux !) se débrouille pour faire face comme ils peuvent. Et puis un jour, Candelaria rentre à la maison avec un camescope égaré par des touristes... qui va donner lieu à un petit jeu de séduction qui va raviver leur amour jusqu'à leur faire retrouver la passion qui s'était éteinte avec le temps.

Quel joli film ! Profondément humain. Le réalisateur (Jhonny Hendrix Hinestroza) porte un regard plein de tendresse sur le couple au coeur du film, incarné par deux acteurs solaires (Veronica Lynn et Alden Knight). C'est un film tout simple et beau, sur l'amour et la vieillesse. Un film tendre, avec de l'humour. Un film touchant et juste, qui fait du bien et qui émeut. Une petite pépite à ne pas rater.

Everybody Knows : le poids du secret et du passé

A l'occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal, en Espagne. Au cours de la nuit du mariage, un drame se produit, qui va faire resurgir un secret longtemps enfoui.

Everybody Knows est un thriller psychologique dans lequel Asghar Farhadi explore à nouveau, avec virtuosité, le poids du secret et du passé, des thématiques qui sont très souvent présentes dans ses films.

Certes, on devine assez vite le secret au coeur de l'intrigue, mais pas forcément toutes ses implications. D'autant qu'il y a d'autres secrets ou des non-dits qui lui sont plus ou moins liés. Tout l'intérêt du film est dans la dimension psychologique, les réactions et les motivations des différents protagonistes. Et dans ce domaine, le réalisateur excelle, bien servi par un casting espagnol de haute volée, autour du couple Penélope Cruz et Javier Bardem, tout à fait remarquables. La réalisation est virtuose, que ce soit pour évoquer la fête au début du film ou le drame ensuite. Et puis il y a le dernier plan, absolument magnifique, tout en suggestion, mais lourd de sens quand au caractère inexorable du secret.

Le film est riche de plusieurs thématiques. Le secret, bien-sûr, qui ne peut jamais vraiment le rester... même s'il se dissimule dans le silence, parfois complice. Et puis il y a le temps qui passe (évoqué dès la scène d'ouverture) mais sans jamais vraiment effacer le passé, auquel on reste toujours lié. Le film parle aussi de rédemption, du poids de la culpabilité et de la façon de s'en extirper, il pose aussi la question de la paternité.

On dit que ce n'est pas le meilleur film d'Asghar Farhadi. C'est sans doute vrai. Mais c'est tout de même un excellent film, formidablement réalisé et interprété. Un film qui donne aussi à réfléchir tout en captivant de bout en bout.

lundi 7 mai 2018

Paul, apôtre du Christ : biopic biblique moyennement convaincant

Grâce à la communauté chrétienne de Rome, Luc, compagnon de Paul, parvient à s'introduire dans la prison où l'apôtre est emprisonné par l'empereur Néron, qui accuse les chrétiens d'être à l'origine des incendies qui ont ravagé la ville.

Le film n'est pas une vie de Paul : l'action se se concentre sur la fin de la vie de l'apôtre, alors qu'il est emprisonné à Rome. Des flashbacks permettent d'évoquer quelques aspects de la vie de Paul, notamment son passé de persécuteur de l'Eglise et sa conversion sur le chemin de Damas. Du coup, il y a dans le scénario pas mal d'extrapolations, notamment pour l'histoire avec le chef de la prison et sa famille, ou dans l'évocation de la communauté chrétienne de Rome. C'est en fait Luc, le compagnon de Paul, qui est le personnage central du récit : il fait le lien entre la communauté chrétienne qui se cache à Rome et l'apôtre emprisonné.

Le rythme du film est lent et se veut méditatif... mais du coup, il manque quand même de rythme, et est parfois un peu bavard. Cette impression est accentuée par le procédé choisi, d'intégrer mot pour mot dans les dialogues du film des paroles tirées directement des épîtres de Paul : j'ai trouvé que c'était souvent assez artificiel... Sauf à la fin du film, avec les extraits en voix off de la 2e épître à Timothée, comme un testament, alors que Paul prend congé de Luc et se dirige vers une mort certaine. Là, c'est tout à fait approprié. La fin du film, d'ailleurs, est réussie et émouvante, jusqu'aux belles images finales, après la mort de l'apôtre.

Mais l'intérêt du film est aussi d'aborder des thématiques directement liées à l'Evangile : la grâce, le pardon, l'amour des ennemis, l'espérance au-delà de la mort, avec une volonté de les incarner dans une histoire. D'autres thématiques toujours modernes viennent s'y ajouter, comme la liberté de conscience, avec la persécution des chrétiens à cause de leur foi (hélas toujours d'actualité aujourd'hui !) ainsi que le choix de la non-violence face à la persécution.

La réalisation est sans fausse note, les lumières et les décors sont corrects. Jim Caviezel (Passion de Mel Gibson oblige) propose un Luc assez christique et James Faulkner incarne un Paul, certes avec une foi remarquablement forte, mais aussi très humain.

Au final donc, un film moyennement convaincant mais honnête sur le plan cinématographique, qui aborde des thématiques intéressantes à approfondir.

Comme des rois : père et fils sur fond de galère sociale

Joseph et sa famille sont en galère. Val, sa femme, a monté une crèche au black à la maison. Sa fille Stella est enceinte pour la deuxième fois et va perdre son boulot. Quant à Joseph, il embarque son fils Micka dans ses arnaques au porte-à-porte, mais ça ne rapporte plus autant qu'avant. Et leur propriétaire les met sous pression pour les mois de loyer en retard. Micka, de son côté, rêve d'une autre vie, loin des arnaques. Il veut devenir acteur.

Comme des rois est un joli film sur la paternité et la filiation sur fond de galère sociale. Car c'est bien la relation entre Joseph et Micka qui est au coeur du film, où la question de la transmission se pose différemment quand on est confronté à un quotidien précaire et un avenir bouché. Avec tendresse, humour et humanité, le film explore cette relation père/fils et délivre finalement un message positif, malgré les nuages sombres de la galère sociale.

Kad Merad est impeccable dans le rôle de Joseph, et démontre une fois de plus qu'il possède une palette bien plus large que celle de la comédie. Le jeune Kacey Mottet Klein lui offre la réplique avec talent.