mardi 28 juillet 2020

Eté 85 : François Ozon revisite le teen movie... sans m'avoir convaincu



Alexis a 16 ans. Lors d’une sortie en mer, il est surpris par un orage et il est sauvé du naufrage par David, 18 ans. Ce dernier l’emmène chez lui et une amitié naît entre eux. Alexis a rencontré l’ami de ses rêves… qui va rapidement devenir plus qu’un ami. 

Eté 85 est un film sur l’adolescence, ses excès, ses grandes interrogations, ses obsessions, ses idéaux, à travers une histoire d’amour qui vire au drame (on le sait dès le début du film, même si on en découvrira les circonstances plus tard). François Ozon revisite donc le teen movie… mais sans m’avoir convaincu. J’ai eu l’impression d’un déjà-vu constant, le  film accumulant un certain nombre de clichés, façon vintage (il y a même une citation explicite d’une scène de la Boum !), avec une voix off assez envahissante, sensée donner de la profondeur au film. 

Certes, les deux jeunes comédiens (Félix Lefebvre et Benjamin Voisin) sont bons mais j’avoue ne pas avoir été emporté par le film… 

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Eté 85, film français réalisé par François Ozon

Felicita : une comédie surprenante, originale, et faussement légère



Tim et Chloé vivent un peu au jour le jour, sans attache, par nécessité mais sans doute aussi par goût… Mais c’est la fin de l’été et le lendemain, c’est le jour de la rentrée que leur fille, Tommy, compte bien cette année ne pas manquer. Ses parents le lui ont promis… 

Pour garder la joie de la découverte, je préfère ne pas en dire trop sur le détail de l’histoire des 24 heures évoquées dans le film ! Disons simplement que les rebondissements ne manquent pas et qu'on en apprend petit à petit sur l'histoire de cette famille. 

Felicita est une comédie surprenante, à la tonalité originale, à la fois loufoque, chaotique, tendre, poétique, et faussement légère. C'est l'histoire d'une famille atypique et marginale dans laquelle pourtant l'amour est évident. Le film parle à sa manière de parentalité et d’éducation, et pose la question de l’équilibre à trouver entre les repères nécessaires à donner à ses enfants et la liberté à lui laisser, notamment pour développer son imaginaire. Evidemment, la voie choisie par Tim et Chloé est un peu particulière… mais le film constitue au final une sorte d’ode à l’anormalité (à un moment du film, Tim et Tommy regarde Freaks, le film de Tod Browning). 

Pio Marmai est excellent dans un rôle qui lui va comme un gant. Et Rita Merle, la fille du réalisateur, est étonnante dans le rôle de Tommy. 

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Felicita, film français réalisé par Bruno Merle

lundi 27 juillet 2020

Madre : un drame troublant et bouleversant


Elena a perdu son fils de 6 ans dans des circonstances tragiques : elle est impuissante au téléphone alors que le jeune garçon lui dit qu’il est seul sur une plage, laissé par son père. Dix ans après, Elena vit dans la région même où son fils a disparu; Elle y travaille dans un restaurant, au bord de la mer. Sa vie suit douloureusement son cours… jusqu’au jour où elle croise, sur la plage, un adolescent qui aurait l’âge de son fils et qui lui ressemble. 

Le film s’ouvre sur une scène d’une tension insoutenable, un très long plan séquence où Elena est au téléphone avec son fils de 6 ans lui disant que son père l’a laissé seul sur une plage et qu’il ne revient pas. On ne voit rien, on entend juste la conversation, et on imagine la scène... Une ouverture d’une intensité dramatique rare qui nous met KO et qui rappelle certaines scènes virtuoses des précédents films de Rodrigo Sorogoyen, ses remarquables thrillers El Reino et Que Dios nos perdone. Et puis changement complet d'atmosphère avec un plan large sur une plage duquel émerge petit à petit une femme qui marche, au bord de l’eau, seule. C’est Elena, dix ans plus tard. Elle croise un groupe d’adolescents qui courent et son regard est attiré par l’un d’eux, qui aurait sans doute le même âge que son fils… 

Madre est film troublant et bouleversant. Un drame poignant qui illustre le fait que la blessure d’une mère qui a perdu un enfant ne se referme jamais… qu’une telle douleur peut littéralement interrompre la vie d’une mère, et que le chemin qui conduit à la lumière est long et douloureux. 

Le film est troublant aussi par l’évocation de la relation ambiguë qui se construit entre cette femme d’âge mûr et cet adolescent, l’un et l’autre en recherche d’eux-mêmes.  Elle recherche en lui son fils perdu, il voit en elle un amour au-delà de l’adolescence. Le film évoque cette relation de manière à la fois pudique et assez sensuelle, mais toujours de façon suggérée et non frontale. On se demande jusqu’où les choses iront et si l’une et/ou l’autre vont s’y perdre. 

Madre est un portrait d’une mère profondément meurtrie, dans sa marche lente et douloureuse vers la lumière. Car le film se termine, miraculeusement, dans la lumière. Mais que le chemin fut difficile et torturé ! Impossible de ne pas rester de longues minutes sur son siège à la fin du film, à réfléchir à cette histoire dont on ne sort pas indemne. 

La réalisation de Sorogoyen est d'une maîtrise époustouflante. Les plans séquences, la science du cadrage, la caméra toujours vivante (avec un certain accent malickien parfois) offrent une expérience cinématographique intense. Marta Nieto est absolument magnifique dans le rôle d’Elena. Le personnage de Joseba, remarquablement interprété par Alex Brendemühl, est particulièrement intéressant, dans l'aide qu'il apporte à Elena, patient, bienveillant, sans jugement. 

Ce drame poignant et troublant est tout simplement un grand film !
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Madre, un film de Rodrigo Sorogoyen


The King of Staten Island : chronique douce-amère d'un adulescent qui se cherche


Scott a 24 ans. Son père pompier est mort alors qu’il avait 7 ans. Aujourd’hui, il passe le plus clair de son temps à glander et fumer de l’herbe avec ses potes, même s’il rêve d’ouvrir un restaurant / salon de tatouage. Alors que sa soeur quitte la maison pour entrer à la fac, Scott vit toujours au crochet de sa mère. Mais cette dernière commence à fréquenter Ray, lui aussi pompier. Et ça, ça ne plaît vraiment pas à Scott… 

The King of Staten Island est une comédie douce-amère, une chronique d’un adulescent qui se cherche. La scène d’ouverture est révélatrice du personnage central : il est dans une fuite en avant auto-destructrice… mais pas vraiment assumée. Il faut dire que Scott, même s’il refuse de l’admettre, n’a pas encore fait son travail de deuil depuis la mort de son père, dont le souvenir est idéalisé. Le fait que sa mère, après 17 ans de veuvage, commence enfin une nouvelle relation, qui plus est avec un pompier, sera l’occasion pour Scott de commencer un chemin, chaotique, vers la lumière. 

Le film est d’abord une comédie. Et on rit beaucoup. Mais c’est aussi un portrait attachant et émouvant, qui va même jusqu'à flirter parfois avec le mélodrame. Bref, on passe par toute une gamme d’émotions, avec bonheur. Autour de Scott gravitent des personnages attachants, qui se révèlent en général plus complexes que la première impression qu’ils donnent. L’histoire permet d’évoquer le difficile travail de deuil et de reconstruction, son impact sur la personnalité et la vie. On perçoit aussi dans le film les fantômes du 11 septembre. D’ailleurs on apprend au début du générique de fin que le film est dédié à Scott Davidson, le père de Pete Davidson, l'acteur principal du film, qui était lui-même pompier et qui est mort dans l'effondrement du World Trade Center… 

La révélation du film, pour moi, c’est Pete Davidson, son acteur principal. Il est tout simplement génial dans le rôle de Scott, très drôle mais aussi très juste dans son jeu. L’ensemble du casting est d’ailleurs formidable, à commencer par une Marisa Tomei touchante dans le rôle de Margie, la mère de Scott.  

Un comédie drôle et attachante. 
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The King of Staten Island, un film réalisé par Judd Apatow

mardi 21 juillet 2020

Tout simplement noir : une comédie gonflée qui met les pieds dans le plat


JP a 38 ans. Acteur raté, il fait le buzz sur Internet avec des vidéos un peu provoc sur la situation des Noirs en France. Mais il a un grand projet : organiser une grande marche de contestation, réservée aux hommes noirs. Alors il tente de convaincre des personnalités influentes de relayer l’info dans leur réseau… mais il ne maîtrise pas toujours sa communication !

Tout simplement noir est une comédie gonflée qui met les pieds dans le plat. Et ça fait du bien ! Contrairement à ce qu’on pouvait peut-être craindre avec la bande-annonce, le film n’est pas simplement une grosse farce mais c’est une comédie bien plus fine qu’elle n’apparaît au premier abord. 

Sur le plan cinématographique, c’est plutôt basique. Le film est constitué de rush du tournage d’un documentaire sur JP. L’intérêt du film n’est pas là… mais dans les situations burlesques rencontrées par le héros, dans des dialogues qui font mouche et dans l’autodérision des célébrités jouant leur propre rôle (Fary, Fabrice Eboué, Eric Judor, Claudia Tagbo… et bien d’autres guests, y compris des surprises). Et, mine de rien, derrière son ton de farce, le film aborde des questions aussi pertinentes que le communautarisme, le métissage, l’intégration, le rapport à l’histoire (colonialisme, esclavage…), l’engagement militant… 

Et vers la fin du film, une scène rappelle qu’au-delà de la comédie, il y a quand même bien un problème... A l’écart de la caméra qui le suit, JP se fait arrêter sans raison, en pleine rue, par des policiers, une scène qui ne peut que rappeler une certaine actualité... Et puis il y a aussi le générique de fin, avec quelques images sur un rap qui retrace quelques faits historiques qu’il ne faut pas oublier… 

Alors oui, on rit. Certaines scènes sont même très drôles (et gonflées : la discussion entre Noirs, Arabes et Juifs !) Mais cette comédie qui met les pieds dans le plat arrive vraiment au bon moment et rappelle combien l’humour est important pour parler de sujets qu’on ose à peine aborder aujourd'hui !
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Tout simplement noir, film réalisé par Jean-Pascal Zadi et John Wax


lundi 20 juillet 2020

Exit : le film catastrophe revisité avec brio


Rie est une journaliste danoise. Elle visite le chantier du métro de Copenhague pour réaliser des portraits des ouvriers dans le cadre d’un projet sur la coopération européenne. Mais sous terre, un incident se produit. Elle se retrouve bloquée dans un sas de décompression aux côté de deux ouvriers. 

Exit revisite avec brio le genre du film catastrophe, de façon assez radicale et très sombre. Minimaliste, le film est réalisé pratiquement sans effet spéciaux mais au plus proche de l’angoisse. C’est remarquablement immersif : claustrophobique, étouffant, éprouvant. Mais ce n’est pas qu’un film catastrophe efficace. Il a indéniablement une portée métaphysique : sous terre, animé du seul instinct de survie, le tréfonds de l'âme humaine se révèle... et ce n’est pas forcément joli joli. Sans dévoiler les rebondissements et le dénouement de l’histoire, disons simplement que nos trois héros vont monotrer que la nature humaine n’est pas faite que de solidarité et d’altruisme… Et de ce point de vue, le plan final est assez terrible. 

Il y a sans doute aussi une dimension socio-politique dans le film. Ce n’est pas un hasard si cette journaliste danoise, qui prend des photos et pose des questions un peu naïves aux ouvriers sur la grandeur du projet européen, se retrouve coincée sous terre avec un ouvrier croate séparé de sa famille et un réfugié érythréen sans doute clandestin… Ce sont eux qui font le sale boulot dangereux, pour le confort de ceux qui sont comme Rie, la journaliste. Mais là, ils sont logés à la même enseigne, et vont devoir lutter pour survivre. 
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Exit, film danois réalisé par Rasmus Kloster Bro


Lucky Strike : un jeu de massacre assez jubilatoire


Un employé d’un sauna tombe, dans un casier, sur un sac rempli de billets. Il le dépose dans la remise, se gardant bien de dire ce qu’il contient… mais personne ne vient le rechercher. Au même moment, un corps découpé en morceaux est retrouvé sur la plage. On découvrira plus tard comment les deux choses sont liées, comme bien d’autres d’ailleurs !

Polar sanglant, film noir à l'humour grinçant, satire sociale… c'est bien du cinéma coréen. Et du bon ! Grâce à un scénario malin et ludique, qui croise les différents fils narratifs de façon non chronologique pour finalement les nouer dans une résolution (presque) morale, le film apparaît comme une sorte de conte moderne et cruel sur l'attrait et les dangers de l'argent. Mais, comme le précise l’affiche, “bien mal acquis ne profite jamais”… Le film l’illustre de manière caustique, dans un véritable jeu de massacre assez jubilatoire. Certains évoquent une parenté avec Tarantino (pour le chapitrage du film et la violence ?), j’ai plus pensé aux frères Coen, pour l’humour noir et le cynisme. Mais à la sauce coréenne, évidemment.

Il faut préciser que la réalisation est assez sophistiquée, très maîtrisée, avec un sens de la mise en scène remarquable. Et c'est pourtant un  premier film pour son réalisateur Yong-hoon Kim ! A ne pas manquer, surtout si vous êtes fan de cinéma coréen... 

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Lucky Strike, film coréen réalisé par Yong-hoon Kim

jeudi 9 juillet 2020

The Vast of Night : une petite merveille SF à ne pas manquer !


Dans les années 50, dans une petite ville du Nouveau-Mexique, alors que la plupart des habitants assistent à un match de basketball, Fay, une jeune opératrice de téléphone, et Everett, un animateur de la radio locale, découvrent une étrange fréquence avec un signal sonore mystérieux. Everett décide alors de diffuser le signal sonore sur les ondes en faisant un appel à témoins, au cas où un de ses auditeurs saurait quelque chose qui puisse les aider à résoudre cette énigme… 

Film indépendant, au budget très réduit, The Vast of Night est une petite merveille de science-fiction intelligente, remplie de clins d’oeil au genre. Dès l’ouverture, et tout au long du film, on perçoit la référence appuyé à la série culte des années 50 et 60, The Twillight Zone (La 4e dimension en français). Mais il y a aussi du Spielberg dans ce film (on pense immanquablement à Rencontres du Troisième Type)... Un récit d’extra-terrestre malin, qui fait la part belle aux dialogues, empreint de nostalgie, et qui garde en haleine jusqu’au bout, grâce à une montée en tension progressive, jusqu’à un final plein de poésie. 

Comme souvent, les films de science-fiction se prêtent à plusieurs niveaux de lecture. On peut y voir une évocation des peurs et des espoirs de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui. On est dans le film en pleine guerre froide, avec la peur de la menace soviétique, mais aussi les marques d’une Amérique ségrégationniste à l’égard des Noirs. On peut aussi y voir une interrogation de notre rapport à la vérité (ne nous cache-t-on rien ?), voire même, comme souvent dans les récits d’extra-terrestres, une sorte de métaphore de la foi, avec un récit qui avance sur la base de récits de témoins… mais faut-il leur faire confiance ? Et que penser de ce ces êtres dont ils parlent, qui viennent du ciel et dont les intentions sont mystérieuses, des êtres dont ils sont persuadés de l’existence, que certains prétendent avoir rencontré, parfois avec des phénomènes étranges et inexpliqués ? Faut-il y croire ? 

The Vast of Night est le premier long-métrage d‘Andrew Patterson, un réalisateur à suivre, assurément. Sa maîtrise est impressionnante et assez virtuose : mouvements de caméra, travellings sophistiqués, plans séquence… d’autant que le film se déroule en temps réel : le temps d’un match de basketball. A noter également le duo de jeunes acteurs principaux, inconnus, tout deux excellents : Jake Horowitz et, surtout, Sierra McCormick (elle aussi est à suivre !). 

Bref, voilà un petit film (par son budget) qui a tout d'un grand, et que tous les amateurs de SF se devraient de ne pas manquer.... et les autres aussi ! Le film n’est pas sorti en salle mais il est disponible depuis peu sur Amazon Prime. 

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The Vast of Night, un film américain de Andrew Patterson
Disponible sur Amazon Prime Video