lundi 27 juillet 2020

Madre : un drame troublant et bouleversant


Elena a perdu son fils de 6 ans dans des circonstances tragiques : elle est impuissante au téléphone alors que le jeune garçon lui dit qu’il est seul sur une plage, laissé par son père. Dix ans après, Elena vit dans la région même où son fils a disparu; Elle y travaille dans un restaurant, au bord de la mer. Sa vie suit douloureusement son cours… jusqu’au jour où elle croise, sur la plage, un adolescent qui aurait l’âge de son fils et qui lui ressemble. 

Le film s’ouvre sur une scène d’une tension insoutenable, un très long plan séquence où Elena est au téléphone avec son fils de 6 ans lui disant que son père l’a laissé seul sur une plage et qu’il ne revient pas. On ne voit rien, on entend juste la conversation, et on imagine la scène... Une ouverture d’une intensité dramatique rare qui nous met KO et qui rappelle certaines scènes virtuoses des précédents films de Rodrigo Sorogoyen, ses remarquables thrillers El Reino et Que Dios nos perdone. Et puis changement complet d'atmosphère avec un plan large sur une plage duquel émerge petit à petit une femme qui marche, au bord de l’eau, seule. C’est Elena, dix ans plus tard. Elle croise un groupe d’adolescents qui courent et son regard est attiré par l’un d’eux, qui aurait sans doute le même âge que son fils… 

Madre est film troublant et bouleversant. Un drame poignant qui illustre le fait que la blessure d’une mère qui a perdu un enfant ne se referme jamais… qu’une telle douleur peut littéralement interrompre la vie d’une mère, et que le chemin qui conduit à la lumière est long et douloureux. 

Le film est troublant aussi par l’évocation de la relation ambiguë qui se construit entre cette femme d’âge mûr et cet adolescent, l’un et l’autre en recherche d’eux-mêmes.  Elle recherche en lui son fils perdu, il voit en elle un amour au-delà de l’adolescence. Le film évoque cette relation de manière à la fois pudique et assez sensuelle, mais toujours de façon suggérée et non frontale. On se demande jusqu’où les choses iront et si l’une et/ou l’autre vont s’y perdre. 

Madre est un portrait d’une mère profondément meurtrie, dans sa marche lente et douloureuse vers la lumière. Car le film se termine, miraculeusement, dans la lumière. Mais que le chemin fut difficile et torturé ! Impossible de ne pas rester de longues minutes sur son siège à la fin du film, à réfléchir à cette histoire dont on ne sort pas indemne. 

La réalisation de Sorogoyen est d'une maîtrise époustouflante. Les plans séquences, la science du cadrage, la caméra toujours vivante (avec un certain accent malickien parfois) offrent une expérience cinématographique intense. Marta Nieto est absolument magnifique dans le rôle d’Elena. Le personnage de Joseba, remarquablement interprété par Alex Brendemühl, est particulièrement intéressant, dans l'aide qu'il apporte à Elena, patient, bienveillant, sans jugement. 

Ce drame poignant et troublant est tout simplement un grand film !
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Madre, un film de Rodrigo Sorogoyen


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