lundi 28 octobre 2019

Chambre 212 : prétentieux, artificiel et même pas drôle !

Maria et Richard sont mariés depuis 20 ans, lorsque Richard découvre l’infidélité de son épouse. Ils se disputent et Maria décide de quitter le domicile conjugal et s’installe juste en face, dans un hôtel, chambre 212, pour réfléchir. Des personnages du passé resurgissent alors, à commencer par Richard à l’âge où elle l’a connu, et Irène Haffner, l’amour de jeunesse de Richard, qui était aussi sa prof de piano.

Certes, le film évoque d’une façon originale la question de l'usure du couple, avec une mise en scène très théâtrale et un télescopage anachronique des personnages à différents âges de leur vie. Mais... je n'ai pas accroché du tout. Mais alors vraiment pas du tout ! J'ai trouvé le film prétentieux, avec des dialogues artificiels, pour un ensemble même pas drôle ni touchant… Évidemment, on ne cherchera pas la vraisemblance et la logique dans un film qui joue ainsi sur la réalité et l'imaginaire... mais, quand même, un minimum de crédibilité. Mais où est la ressemblance entre Benjamin Biolay et Vincent Lacoste (pareil pour les différentes “versions” des autres personnages) ?

Bref, je suis resté complètement extérieur à ce film, très perplexe. Et je ne comprends pas toutes les critiques dithyrambiques de la presse, presque unanime pour encenser le film !

Hors normes : un beau film, généreux, bienveillant, plein d'humanité

Bruno et Malik travaillent ensemble depuis 20 ans, chacun avec sa propre association. Tous deux s’occupent d’enfants et d’adolescents autistes, la plupart du temps sévèrement atteints, des cas qualifiés “d’hyper complexes”. Ce sont des patients dont personne ne veut et qu’eux accueillent, pour les sortir d’un enfermement en milieu hospitalier qui ne fait qu’aggraver leur cas. De plus, par leurs associations, ils sortent des jeunes de leurs quartiers difficiles pour les former et leur confier l’encadrement de ces jeunes autistes.

Autour de Bruno et Malik, on suit dans le film en particulier le parcours de Joseph, le premier jeune autiste dont Bruno se soit occupé et pour lequel il cherche désormais un job où il pourra être autonome. On suit aussi le difficile apprentissage de Dylan, un jeune de banlieue que l’association de Malik essaye de former en lui confiant l’encadrement d’un jeune autiste en détresse qu’il faut absolument sortir du milieu hospitalier.

Hors normes est un beau film, généreux, bienveillant, plein d’humanité. Hors normes, Bruno et Malik le sont pas leur personnalité, leur générosité et leur engagement, quitte à ne pas forcément entrer dans le cadre administratif… et ses normes. Mais ces jeunes autistes aussi sont hors normes. Difficiles à comprendre, imprévisibles, parfois violents envers les autres ou envers eux-mêmes… on préfère détourner le regard d'eux, ils dérangent, ils ne sont pas dans la norme ! Le film veut les mettre en lumière, avec bienveillance. Alors, même si parfois le tableau peut paraître un peu accentué, l’intention un peu forcée, comment ne pas recevoir avec reconnaissance un film qui fait preuve de tant de générosité ?

Si le film est touchant, et parfois bouleversant, il est aussi souvent drôle, que ce soit à travers les situations cocasses provoquées par ces jeunes autistes, ou par la maladresse presque maladive de Bruno, vieux célibataire qui perd tous ses moyens en présence d’une femme.

Vincent Cassel et Reda Kateb sont incroyablement crédibles dans le rôle des deux éducateurs. Et la présence au casting de plusieurs comédiens qui sont eux-mêmes autistes (à commencer par Benjamin Lesieur dans le rôle de Joseph !) confère au film un réalisme saisissant.

Sorry we missed you : un très bon Ken Loach, engagé sans jamais tomber dans le démonstratif

Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Les parents travaillent dur pour s’en sortir : Abby est aide à domicile auprès de personnes âgées, Ricky enchaîne les jobs mal payés. Mais une occasion d'enfin réaliser leur rêve et devenir propriétaire de leur maison semble se présenter : Abby vend sa voiture pour que Ricky puisse s’acheter une camionnette et devenir, grâce à une franchise, chauffeur-livreur à son compte…

Sorry we missed you est un très bon Ken Loach. Comme à son habitude, le réalisateur propose un cinéma engagé, politique et social, un cinéma humaniste. On est pourtant loin d’un pensum politique et militant. Le cinéaste, à travers une histoire touchante, sobrement racontée mais avec une grande force, filme les dégâts collatéraux de l’uberisation de notre société. Il propose un constat implacable sur un système qui déshumanise de plus en plus, qui exploite les plus vulnérables, qui brise des vies et des familles.

Au-delà de la dénonciation et du cri d’alerte, le film est un poignant portrait d’une famille au bord de l’implosion, broyée par le système. Avec un père et une mère qui se sacrifient pour leur famille et leurs rêves, au point de ne plus avoir de vie. Avec un fils aîné en révolte, qui ne voit aucun avenir possible et ne veut surtout pas finir comme son père. Avec une fille cadette qui essaient de recoller les pots cassés… alors qu’elle est elle-même fragilisée.

Ken Loach est toujours en colère... et on a envie de l'être avec lui. D'autant qu'on perçoit toujours dans ses films, malgré son constat inquiet, qu'il veut encore y croire, et qu'une autre société est possible !

lundi 21 octobre 2019

J'irai où tu iras : une comédie piquante qui se veut aussi émouvante

Vali et Mina sont deux soeurs, très différentes l’une de l’autre. Vali est chanteuse, artiste, émotive, elle a participé à une saison de Star Academy. Mina est thérapeute, très investie dans son travail, elle est distante et fermée avec ses proches. Elles ont perdu leur mère bien des années auparavant mais leur père les aime plus que tout et est plein d’attentions pour elles. Alors que Vali a décroché une audition pour devenir choriste de Céline Dion, c’est Mina qui va devoir, à contre-coeur, l’accompagner.

J’irai où tu iras est une comédie piquante qui se veut aussi émouvante. Elle est piquante par son regard plein d’ironie sur le monde du showbiz, et émouvante par l’évocation d’une histoire d’amour entre deux soeurs, compliquée par les suites d’une épreuve familiale. Et ça fonctionne ! Même si le tout est assez prévisible... les dialogues sont assez savoureux. La réussite repose sans doute sur le duo complice de Leïla Bekhti et Géraldine Nakache, mais aussi un Patrick Timsit très touchant dans le rôle du père.

Matthias et Maxime : formellement toujours intéressant mais pas vraiment passionnant sur le fond

Matthias et Maxime sont deux amis d’enfance. Ils font partie d’une bande de copains très soudée. Pour les besoins d’un court métrage d’une amie, il s’embrassent devant la caméra. Mais ce baiser apparemment anodin réveille des doutes et des sentiments ambigus, qui vont perturber leur équilibre et leur vie, alors que Maxime s’apprête à partir pour deux ans en Australie.

C’est incontestable, Xavier Dolan sait faire des films (dans lesquels il fait à peu près tout, y compris jouer devant la caméra à nouveau cette fois). La réalisation, le montage, c’est souvent remarquable, inventif. Du vrai cinéma. Le problème, c’est qu’il a quand même tendance à ressasser toujours un peu les mêmes thèmes, qu’on retrouve dans Matthias et Maxime (quête d’identité, mal-être, mères envahissantes…) Et même s’il y a bien des touches d’humour, c’est toujours tragique, torturé. A force, ça peut lasser. Et je dois avouer que l’histoire ici ne m’a pas vraiment passionné, et que je n’étais pas loin, à la fin, de m’ennuyer un peu... d'autant que j'ai trouvé que l'émotion n'était pas vraiment au rendez-vous.

Fahim : un joli film, généreux et bienveillant

Fahim, qui vit au Bangladesh, est un jeune prodige des échecs. A cause de la situation politique locale, son père décide de fuir le pays avec lui, en laissant derrière eux le reste de la famille. Il vont en France, espèrent y trouver du boulot et pouvoir faire venir la famille ensuite. A Créteil, Fahim rencontre Sylvain, un des meilleurs entraîneurs d’échec de France. Alors que se profile le championnat de France, auquel Sylvain compte bien inscrire Fahim, la menace d’expulsion se précise pour le père de ce dernier.

Inspiré d’une histoire vraie, Fahim est un joli film, généreux et bienveillant, autour des drames personnels liés à l’immigration. Rien de révolutionnaire dans la mise en scène mais le film est émouvant, avec quelques touches bienvenues d’humour. A noter aussi un Gérard Depardieu parfait en professeur d’échec bourru qui cache un coeur tendre.

lundi 14 octobre 2019

La fameuse invasion des ours en Sicile : une très jolie fable humaniste

En Sicile, les ours vivent dans la montagne et les hommes dans la vallée. Un jour, Tonio, le fils du roi des ours, est enlevé par des chasseurs. Léonce, le roi des ours, est désespéré. Mais quand l’hiver arrive et menace son peuple de famine, il décide d’envahir la plaine et d’aller chercher de la nourriture chez les hommes.

La fameuse invasion des ours en Sicile est un très joli film d’animation, pour toute la famille. L’animation est très belle, colorée, avec des lignes simples. Adaptation d’un conte pour enfants écrit par Dino Buzzati, c’est une très belle fable humaniste, qui peut parler aux petits comme aux grands, grâce à plusieurs niveaux de lecture. L’histoire évoque l’accueil de la différence, la tolérance et la peur de l’étranger, mais elle peut parler aussi de l’exercice du pouvoir, et de ses vices, de la responsabilité des dirigeants, de la transmission aux générations futures, des différences culturelles, de l’apprentissage du vivre ensemble, ou alors de la relation entre les animaux et les hommes, de l’équilibre écologique. Bref, c’est une histoire extrêmement riche mais qui est très accessible.

Papicha : une ode à l'insoumission, contre l'obscurantisme

A Alger, dans les années 90, Nedjma est étudiante et habite la cité universitaire. Elle rêve de devenir styliste. Le soir, elle s’échappe à travers le grillage, avec ses plus proches amies, pour aller dans la boîte de nuit.  C’est là qu’elle vend ses créations aux papichas, le nom qu’on donne aux jeunes filles algéroises. Mais la situation politique du pays se dégrade, les attentats islamistes se multiplient et l’emprise des extrémistes religieux ne cesse de s’accentuer. Mais refusant cette fatalité, Nedjma décide d’organiser un défilé de mode dans sa cité universitaire, bravant tous les interdits.

Papicha est un film beau et fort, une véritable ode à l'insoumission, contre l'obscurantisme. Sans cacher il se dégage une force et une lumière remarquable du film, grâce à l’énergie et au courage des jeunes femmes du film. Particulièrement dans un tel contexte, le féminisme est une évidence (alors que le terme est utilisée comme une insulte par un des personnages du film !).

Belle réalisation de Mounia Meddour, franco-algérienne qui a sans doute puisé dans ses souvenirs pour son film. Quant aux jeunes actrices, elles sont aussi toutes remarquables, lumineuses et pleines de force, notamment le duo formé par Lyna Khoudir et Shirine Boutella.

Joker : un grand film, riche de multiples lectures

Arthur Fleck travaille dans une agence de clowns. Il vit seul avec sa mère, dont il s’occupe, dans un immeuble un peu miteux de Gotham City. Il souffre d’un trouble mental qui le fait éclater de rire, sans raison, notamment quand il est dans une situation de stress. Cela provoque des malentendus embarrassant, évidemment. Incompris, méprisé, il mène une vie morne, en marge. Mais il rêve de devenir comédien de stand up.

Joker nous raconte les origines de l’ennemi le plus emblématique de Batman, alors que Bruce Wayne (le futur Batman) n’est encore qu’un enfant (on le croise une ou deux fois dans le film). C’est une fable macabre et violente, un grand film, brillant et dérangeant, riche de plusieurs niveaux de lecture.

Le scénario est très intelligent : toute la première partie du film construit chez le spectateur une empathie pour ce personnage incompris, humilié, malade, s’occupant pourtant au quotidien de sa mère qui ne semble plus avoir toute sa tête. Du coup, lorsqu’il sombre dans la folie meurtrière, le choc est intense (avec quelques scènes d’une rare violence). On est un peu KO. Plus le film avance, plus on s’interroge aussi sur ce qu’on voit, jusqu’à la fin du film, où on se demande si, finalement, on n’a pas été manipulé dès le début. L’insécurité dans laquelle on retrouve ainsi, à la fin du film, est assez dérangeante. On refait le film dans sa tête, on y pense longtemps après, on se fait sa propre idée, sa propre interprétation. C’est le propre des grands films de vous accompagner bien après la projection !

Joker est donc un film sur la folie et/ou la manipulation, qui préserve tout le mystère du personnage du Joker. Peut-on vraiment comprendre comment on bascule dans la folie ? L’autre est-il toujours un étranger qui nous reste incompréhensible ? Peut-on vraiment savoir, finalement, qui nous sommes vraiment ?

Mais Joker est aussi un film politique. C’est un cri d’alerte pour une société malade, au bord de l’implosion. Une société où les riches méprisent les “petits”, où on oublie, voire on humilie les inadaptés, où le langage des politiciens est devenu inaudible, coupé des peurs et des préoccupations des gens. C’est le monde de Gotham City… mais pas que ! Comment ne pas entendre des échos dans notre actualité d’aujourd’hui ? Le cri d’alerte est pour nous aussi !

Joker est encore un film sur la société de spectacle, sur la quête de reconnaissance et le rêve de célébrité. C’est une déconstruction cruelle du rêve américain. Une satire du monde de la télévision et des médias (avec le personnage de Murray Franklin incarné par Robert De Niro).

Sans doute le film pourrait-il encore être lu à travers d’autres filtres. Cette richesse de sens est aussi une marque des grands films !

La réalisation de Todd Phillips, jusqu’ici plutôt cantonné dans des (grosses) comédies, est absolument remarquable. Elle est même brillante. A noter également l’excellente bande originale composée par Hildur Gudnadottir, qui accompagne parfaitement le film. Quant à Joaquin Phoenix, il est absolument époustouflant. Après Jack Nicholson et l’incontournable Heath Ledger, il propose une nouvelle version pleinement convaincante du Joker. Une version torturée, malade, malsaine, vraiment impressionnante.

Jamais on avait vu un tel film dans l’univers des super-héros. C’est, à coup sûr, un film atypique. Mais c’est aussi, à coup sûr, un grand film !

lundi 7 octobre 2019

Alice et le maire : un film intelligent et fin

Paul Théraneau est le maire socialiste de Lyon. Il a consacré toute sa vie à la politique mais, désormais, il se sent à sec. Il n’a plus d’idée. Pour le remettre en selle, on engage une jeune femme tout juste sortie des études de lettres et de philosophie, Alice Heimann. Elle devra l’aider à penser ! Un dialogue se noue alors entre eux, qui les rapproche de manière inattendue, et Alice trouve rapidement une place dans l’organigramme de la mairie, ce qui n’est pas sans provoquer quelques remous.

Alice et le maire est un film intelligent et fin, et même brillant, notamment dans ses dialogues, et qui offre un très joli face-à-face entre les excellents Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier. A quelques mois des élections municipales, il nous fait entrer dans les coulisses du pouvoir, avec ses petits jeux d’influence, ses rivalités et ses jalousies. Mais pas de cynisme, juste un regard finalement plutôt bienveillant mais lucide, avec un certain désenchantement tout de même. Non, les politiciens ne sont pas tous pourris… mais y a-t-il encore de la place pour les idées, pour les convictions, dans la politique ? Ou tout n’est-il plus que pragmatisme, communication et ambition personnelle ?

Au-delà, le film interroge sur le lien entre la pensée et l’action, sur l’importance des idées, de la culture, sur l’essoufflement d’une vocation… Autant de questions qui débordent le cadre du monde politique et peuvent rejoindre de façon pertinente bien d’autres contextes !

Atlantique : Intéressant sur le fond, original sur la forme mais un peu confus

A Dakar, les ouvriers du chantier d’une immense tour n’ont pas reçu leur salaire depuis plusieurs mois. N’en pouvant plus, ils décident de quitter le pays par l’océan, vers un avenir meilleur. Parmi eux, il y a Souleyman, qui laisse derrière lui Ada, la jeune fille qu’il aime mais qui est promise à un autre homme par sa famille. Quelques jours après, un incendie éclate pendant la fête de mariage d’Ada, et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier…

Atlantique est un film grave sur le fond (mariages forcés, corruption, immigration…) et original sur la forme. C’est à la fois une histoire d’amour impossible, une chronique sociale du Sénégal (et d’autres pays d’Afrique) d’aujourd’hui, une fable fantastique lorsque les émigrés morts dans l’océan reviennent posséder les vivants, faisant d’eux des fantômes réclamant justice ou venant dire adieu à l’être aimé. Le mélange des genres est intéressant mais parfois un peu confus. Il y a une indéniable poésie, avec quelques belles scènes élégiaques, mais le rythme et le ton peuvent un peu désarçonner.

Intéressant mais pas complètement abouti, selon moi…

Gemini Man : les prouesses technologiques ne suffisent pas à faire un bon film...

Henry Brogan est un tueur professionnel, sans doute le meilleur. Il travaille pour un organisme gouvernemental secret. Mais alors qu’un ami lui révèle que sa dernière cible n’était pas l’homme qu’on lui avait dit, il devient lui-même une cible. Il est alors poursuivi par un jeune agent qui semble prédire chacun de ses mouvements… et qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, mais en plus jeune.

Ang Lee, une nouvelle fois, est à la pointe de la technologie numérique dans son film. Et il faut avouer que la version jeune de Will Smith est assez bluffante de réalisme. Mais les prouesses technologiques ne suffisent pas à faire un bon film ! Et en l’occurrence, il manque presque tout le reste... Le scénario est on ne peut plus classique et prévisible, les scènes d'action sont spectaculaires mais le tout numérique donne une esthétique très froide, façon jeux vidéos (mais au moins dans un jeu vidéo, on n’est pas que spectateur). Je n’ai pas été convaincu par la fin de l’histoire, avec une morale un peu à l'emporte-pièce et un épilogue assez caricatural de bons sentiments.