samedi 27 octobre 2018

Le grand bain : une comédie généreuse, gentiment utopiste, sur la force de l'amitié

Ils sont tous un peu paumés ou en galère et ils se retrouvent, chaque semaine, à la piscine municipale : ils forment une équipe de natation synchronisée masculine et sont entraînés par une ancienne championne. Mais ils passent aussi pas mal de temps dans les vestiaires, à parler et se soutenir, entre amis. Et puis un jour, ils ont une idée un peu folle : s'inscrire aux prochains championnats du monde pour y représenter la France !

Le grand bain est une comédie généreuse, gentiment utopiste, sur la force de l'amitié. Un "feel good movie" vraiment réussi ! Il y a bien quelques facilités de scénario, des bons sentiments... et alors ? Ca fait du bien un film qui préfère la générosité au cynisme ! Surtout que c'est vraiment drôle, les dialogues sont bien écrits, et parfois touchant.

Et puis il y a la bande de comédiens (quel casting !), tous excellents. Avec une mention spéciale à un génial Philippe Katerine, complètement lunaire, et à une Leïla Bekhti à contre-emploi, en véritable pitbull très drôle !

Vraiment, le premier film de Gilles Lellouche est une jolie réussite ! Une comédie qui fait du bien.

vendredi 26 octobre 2018

Cold War : un drame épuré, du cinéma d'orfèvre

Pendant la guerre froide, en Pologne, une histoire d'amour naît entre Zula, une jeune chanteuse passionnée et Wiktor, un musicien épris de liberté. Ils décident de passer à l'Ouest, à l'occasion d'une tournée à Berlin, mais Zula renonce au dernier moment et Wiktor s'installe seul à Paris.

Cold War est un drame épuré, dense, d'une grande force. Le récit, elliptique, trace en moins d'une heure trente, quinze ans de vie et de passion, l'histoire d'un amour impossible, sans cesse contrarié, dans le contexte de la guerre froide. On alterne entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 50, entre la musique folklorique ou à la gloire du communisme et le jazz. Car la musique est au coeur du film, comme un véritable personnage. Les scènes de concert dans les clubs de jazz, envoûtantes, sont parmi les plus belles du film. Il se dégage de cette oeuvre une poésie triste, teintée de nostalgie et d'espoir déçu, une quête d'amour et de liberté, désespérée. Jusque dans le dernier plan du film, sublime.

La réalisation de Pawel Pawlikowski est d'une précision extraordinaire : science des cadrages, fluidité des mouvements de caméra... L'image, au format carré, et dans un très beau noir et blanc, est superbe. C'est du cinéma d'orfèvre !

Enfin, Joanna Kulig, dans le rôle de Zula, est extraordinaire. Et sa voix, quand elle chante du jazz, nous accompagne longtemps encore après la projection du film...

lundi 22 octobre 2018

Capharnaüm : un beau film sur une réalité dure, très dure

Zain, 12 ans, attaque ses parents en justice "pour lui avoir donné la vie". Le film retrace le parcours de ce jeune garçon, livré à lui-même dans les rues de Beyrouth.

Capharnaüm est un beau film sur une réalité dure, très dure : la rue, les bidonvilles, la prison... les marchands de rêve, les mariages forcés. Filmé à hauteur d'enfant, le film a un aspect presque documentaire. Et la réalité qu'il décrit est terrible, surtout pour un enfant de 12 ans, qui de plus se retrouve avec un bébé d'un an sur les bras. L'histoire est forte, durement réaliste, et le petit Zain est absolument bouleversant.

Un petit regret toutefois : je ne suis pas sûr que l'idée du procès contre ses parents soit si bonne que cela. J'ai trouvé qu'elle donnait à la fin du film un ton un peu moralisateur qui m'a un peu gêné...

Malgré ce petit bémol, Capharnaüm est un beau film, et le regard du petit Zain reste longtemps imprimé dans l'esprit du spectateur.

Le jeu : c'est drôle 5 minutes...

Des couples d'amis se retrouvent pour dîner et décident de jouer à un jeu : tous doivent poser leur téléphone portable au milieu de la table et chaque appel, SMS, message Facebook, mail... devra être partagé avec tout le monde. Evidemment, ça tourne vite au jeu de massacre.

Bon... c'est drôle 5 minutes. Au début, le petit jeu est amusant. D'autant que la bande de comédiens est talentueuse. Mais ensuite, les ficelles sont énormes, ça devient un jeu de massacre outrancier, et quand la comédie vire au psychodrame, ça frôle le pathétique. Quant à la morale de l'histoire, elle est assez affligeante...

First Man : une réussite totale, immersive et intimiste

Le film raconte la trajectoire de Neil Armstrong, le premier homme à avoir marché sur la lune, depuis sa candidature au programme Gemini de la NASA jusqu'à la mission historique d'Apollo 11.

Après le succès de ses deux premiers films, le surdoué Damien Chazelle s'attaque à un véritable mythe de l'histoire moderne. Et c'est une réussite totale : un film à la fois immersif et intimiste.

Immersif, il l'est dans les scènes de test et de vol, tournées souvent en caméra subjective, avec, aussi, un formidable travail sur le son. Vraiment, on s'y croirait et c'est impressionnant : la scène d'ouverture, les test du LEM, les missions Gemini (avec le test d'amarrage en forme d'hommage à 2001 : l'odyssée de l'espace...), l'incendie d'Apollo 1... et bien-sûr le voyage jusqu'à la Lune qui est un grand moment de cinéma ! La vraie bonne idée, c'est de n'avoir intégré ici aucun plan de coupe sur ce qui se passe sur la terre (à Houston, ou auprès de la famille des astronautes par exemple) pour rester exclusivement avec les trois astronautes, depuis le décollage jusqu'aux premiers pas sur la lune. On attend évidement le moment où Armstrong pose le pied sur la Lune et prononce sa fameuse phrase devenue historique : "c'est un petit pas pour l'homme mais un pas de géant pour l'humanité". Mais un des grands moments est la vue à 360° de la surface lunaire, une fois le premier pas effectué.

Mais First Man est aussi un film intimiste, qui s'attache à l'homme Neil Armstrong, déterminé, perfectionniste mais aussi taciturne, avec un sang froid à toute épreuve. Un homme hanté par le drame familial du décès très jeune de sa fille (le film en parle dès le début). Un drame dont Neil Armstrong ne veut, ne peut pas parler, mais qui l'accompagne jusque sur la lune (et qui est peut-être un de ses moteurs pour y arriver !) comme en témoigne la bouleversante scène finale sur la lune, même si elle n'est pas "historique", mais que je ne vous spoilerai pas ! First Man est aussi un film sur le deuil... Cette approche intimiste se confirme lorsque le film se termine avec les retrouvailles, alors qu'il est encore en quarantaine, entre Neil Armstrong et sa femme. On ne voit même pas d'image de la fameuse parade du retour des héros, dans les rues de New York.

Dans cette veine intimiste, il faut noter aussi les scènes familiales, et notamment les épouses des astronautes, embarquées malgré elles dans l'aventure, impuissantes. Il y a une scène intéressante qui filme en parallèle Neil Armstrong au cours de la mission Gemini 8 et sa femme qui gère le quotidien à la maison, les deux étant connectés par retransmission des conversations radio en provenance de Houston... First Man est aussi un film sur la famille...

First Man est donc un film à la fois très réaliste (sur le plan historique, dans sa reconstitution immersive, avec une précision documentaire) et personnel, avec son optique intimiste. Ryan Gosling y excelle dans le rôle de Neil Armstrong, tout en retenue, avec son regard déterminé mais plein de tristesse. Jolie performance aussi de Claire Foy dans le rôle de Janet Armstrong. A noter aussi la belle bande originale composée par Justin Hurwitz, le complice de Damien Chazelle, qui confirme, quand à lui, qu'il est vraiment un grand réalisateur !

lundi 15 octobre 2018

L'amour flou : une comédie qui est restée floue pour moi

Romane et Philippe se séparent. Après 10 ans de vie commune, deux enfants, ils ne se supportent plus... mais ils s'aiment quand même encore, d'une certaine façon. Ils décident alors de déménager et de vivre dans deux appartements séparés, qui communiquent par la chambre des enfants ! Leur entourage est circonspect mais ils sont bien décidés à aller jusqu'au bout de leur projet.

Au-delà du sujet du film, c'est la démarche qui est originale. Le film s'inspire de la vraie vie de ses acteurs principaux et réalisateurs, de leur réelle séparation. Ils jouent leur propre rôle, de même que leurs enfants... et leur chien. D'autres autour d'eux jouent aussi leur propre rôle, d'autres sont ajoutés. C'est évidemment un gage d'authenticité...

Pour autant, malgré quelques bons moments, je suis passé à côté du film : j'ai à peine souri (alors que certains riaient aux éclats dans la salle) et je n'ai pas vraiment été touché par le propos finalement assez convenu. Quand je vois les critiques quasi-unanimes en faveur du film, je me dis que j'ai raté quelque chose. Mais bon, c'est comme ça !

Voyez comme on danse : un joyeux jeu de massacre

15 ans après, voici la suite de Embrassez qui vous voudrez. On retrouve les mêmes personnages principaux, avec quelques autres, et les mêmes galères.

Film choral aux dialogues incisifs (Michel Blanc est un formidable dialoguiste), Voyez comme on danse est un joyeux jeu de massacre un peu vachard. Évidemment tout cela est un peu vain... mais c'est franchement réjouissant ! D'autant que la bande de comédiens réunis par le réalisateur s'amuse beaucoup, et nous avec, en particulier la géniale Karin Viard, toujours aussi drôle. On aurait tort de bouder son plaisir...

Girl : un drame troublant mais jamais impudique

Lara a 15 ans. Elle rêve de devenir danseuse étoile et elle est prête à tous les sacrifices pour y arriver. Son père, qui la soutient, accepte de déménager pour qu'elle puisse entrer dans une des meilleures écoles de danse du pays. Mais pour arriver à son rêve, Lara devra lutter avec son corps : elle est en effet née garçon.

Le sujet est sensible et complexe. Le film est parfois cru, n'hésitant pas à montrer le corps, la nudité, et il devient troublant quand il filme le malaise de Lara envers son propre corps qui, dans ses attributs masculins, lui est étranger. Le film n'est pourtant jamais impudique. Au contraire, c'est un drame intime d'une grande sobriété. Le ton n'est évidemment pas moralisateur mais il n'est pas militant non plus. Ce n'est pas un film à thèse, c'est un portrait fort qui parle, certes, du genre, mais aussi de l'adolescence, du rapport au corps, de la famille...

Le réalisateur, Lukas Dhont, dont c'est le premier film (il a d'ailleurs reçu le prix de la caméra d'or à Cannes), excelle à filmer le malaise intime et se montre d'une grande force dans les scènes de répétitions de danse, véritables tortures pour le corps des danseuses. Et puis il y a Victor Polster, le jeune acteur qui incarne Lara, qui est absolument extraordinaire !

lundi 8 octobre 2018

A star is born : un mélo pop prévisible mais efficace

Star de musique Country, Jackson Maine est sur le déclin... et alcoolique. Un jour, il tombe par hasard sur une jeune chanteuse, dans un bar. Ils tombent amoureux l'un de l'autre et Jack propulse Ally sur le devant de la scène. C'est le début d'une irrésistible ascension.

Je dois dire que ce n'est pas forcément mon genre de films... Mais j'ai été poussé par la curiosité de voir Lady Gaga actrice. Et, disons-le tout de suite, elle est parfaite dans le rôle d'Ally, et pas seulement parce qu'elle est chanteuse : elle se révèle aussi être une excellente comédienne. L'autre surprise, c'est de découvrir Bradley Cooper très bon musicien et chanteur (c'est vraiment lui qui chante !).

Le film, quant à lui, est un mélo pur jus. L'histoire est prévisible mais efficace. La musique est très présente et bénéficie évidemment des prestations vocales de Lady Gaga. Mais il faut avouer que les scènes de concert sont probablement les plus belles réussite du film.

Nos batailles : un film juste, qui touche au coeur

Olivier est chef d'équipe dans une usine et il se bat pour défendre ses collègues. Son travail lui prend beaucoup de temps. Sa femme, Laura, n'arrive plus à faire face. Alors, du jour au lendemain, elle part. Olivier se retrouve seul, avec ses deux enfants en bas âge et doit batailler pour faire face à toutes ses responsabilités.

Nos batailles est un film juste, qui touche au cœur. Les dialogues, non-écrits (et donc improvisés par le acteurs), sont d'un naturel et d'une authenticité étonnante. Y compris chez les enfants ! Ce qui témoigne aussi d'une direction d'acteur remarquable de la part du réalisateur, Guillaume Senez.

J'ai trouvé un peu moins intéressants les éléments du scénario qui touchent au drame social en entreprise mais il sont bien moins nombreux que ceux qui relèvent du drame intime, familial. Ceux-là sont d'une très grande justesse. Et le ton n'est jamais moralisateur, ni larmoyant. Simplement juste et sensible. Jusqu'à la fin du film, magnifique, avec un dernier plan qui ne peut que provoquer une petite larme, malgré tout pleine d'espoir.

Le film parle de la famille ou plus largement du besoin vital de lien (familial, social...). L'empathie est naturelle et immédiate pour ce père et ses deux enfants, leurs souffrances, leurs questions, leurs luttes... et leur volonté de s'en sortir ! Le film offre incontestablement à Romain Duris un de ses plus beaux rôles. Et on apprécie aussi les personnages attachants, à cause de leurs failles à eux aussi, et qui gravitent autour de lui, à commencer par la soeur artiste d'Olivier (incarnée par l'excellente Laetitia Dosch), ou sa collègue de travail syndicaliste (jouée par Laure Calamy).

Nos batailles est vraiment un beau film, très touchant et très juste.

Frères ennemis : un bon polar, classique et sombre

Driss est flic, il travaille à la brigade des stups. Il a grandi dans une cité et plusieurs de ses amis d'enfance sont maintenant des trafiquants de drogue. C'est le cas de Manuel : avec Driss, ils ont grandi comme deux frères. Mais aujourd'hui Manuel est en danger. Driss lui propose un deal, pour le protéger tout en permettant à la police de démanteler un réseau.

Frères ennemis est un bon polar, noir, âpre. Le scénario suit une trame classique qui ne réserve pas forcément de grandes surprises mais tient tout de même en haleine jusqu'au bout. La réalisation de David Oelhoffen, souvent caméra à l'épaule, est dynamique et colle au plus près de l'action. Quant au duo formé par Matthias Schoenaerts et Reda Kateb, il fonctionne très bien.

Bref : un bon polar !

lundi 1 octobre 2018

The Little Stranger : un film d'atmosphère à l'élégance toute british

Le docteur Faraday est médecin de campagne. Un jour il est appelé au chevet d'une jeune patiente à Hundreds Hall, un domaine où sa mère fut employée autrefois mais qui est désormais dans un piteux état. Appartenant à la famille Ayres, il est habité par la mère (qui ne s'est jamais remise du décès de sa première fille Susan), son fils Roderick, gravement blessé à la guerre, et sa fille Caroline, la seule qui semble avoir la tête sur les épaules... Faraday se souvient de la première fois où il avait découvert ce domaine, alors qu'il était enfant, et la facination qu'il avait alors ressenti.

The Little Sstranger est un film d'atmosphère à l'élégance très british. Cette atmosphère met un peu de temps à s'installer, il est vrai. Mais on sent dès le début que quelque chose se cache derrière cette famille et qu'un malheur va arriver. Le film distille alors l'angoisse et entretient le mystère : les fantômes du passé hantent-ils vraiment la maison ? Les drames qui s'y succèdent sont-ils dus à une influence surnaturelle ou ont-il une explication rationnelle ? Quel jeu jouent vraiment les différents protagonistes ?

Le film est réalisé avec élégance par Lenny Abrahamson et remarquablement interprété, avec toute l’ambiguïté nécessaire, par Domhnall Gleeson, Ruth Wilson et Charlotte Rampling.

Un peuple et son roi : une fresque historique ample, didactique et esthétique

Entre la prise de la bastille le 14 juillet 1789 et la mort de Louis XVI sur l'échafaud en 1793, le film raconte la révolution française et la naissance dans la douleur de la République.

Le film est une grande fresque historique, ample. Elle a, certes, une dimension didactique affirmée mais que je n'ai pas trouvée trop appuyée. Le récit est animé d'un réel souffle épique et adopte le point de vue du peuple, autour de plusieurs thématiques toujours actuelles (pardon et vengeance, justice et révolution, peine de mort, place des femmes...). On ne va certainement pas au fond de toutes les questions abordées mais la reconstitution historique est minutieuse. Le film privilégie le tableau global, dans une esthétique qui rappelle les grandes fresques picturales classiques (certains plans sont magnifiques). Formidables comédiens au casting, Adèle Haenel en tête !

I feel good : une fable sociale caustique et tendre

Jacques est un loser et il est obnubilé par une chose : trouver l'idée géniale qui le rendra riche. Pour l'heure, il est plutôt en galère... et il décide, alors que ça fait plusieurs années qu'il n'a pas donné de nouvelles, de demander à sa soeur Monique de l'héberger dans la communauté Emmaüs qu'elle dirige.

Fable sociale caustique, I feel good est une comédie loufoque mais aussi tendre, qui assume sa part d'utopie humaniste. Même si le film est un peu décousu, on savoure les dialogues féroces, les situations comiques, parfois trash, les rebondissements, jusqu'au dénouement.

Le film parle de rêves et de désillusions, de dictature de l'apparence (la dernière idée de Jacques est de proposer de la chirurgie esthétique low-cost pour rendre beau les pauvres !!!) et se moque du langage de la culture entrepreneuriale. Mais il propose aussi un regard bienveillant sur ceux qui sont à la marge, cabossés par la vie, et rend hommage au travail de solidarité et d'accueil des communautés Emmaüs, oeuvre initiée par l'abbé Pierre.

Précisons encore que Jean Dujardin est parfait dans le rôle de Jacques, ce héros pathétique dont on ne sait pas si on doit le détester ou avoir pitié de lui !