mardi 29 décembre 2020

Mon bilan ciné de 2020



2020 aura été une année difficile pour le cinéma... D'abord pour les exploitants de salles, les producteurs, les réalisateurs, les acteurs, les techniciens et tous ceux qui en vivent, mais aussi, dans une moindre mesure, pour les cinéphiles privés de leur passion. On espère évidemment une réouverture au plus vite des salles obscures !

Cette année, j’ai tout de même pu voir 65 films au cinéma. Suffisamment pour pouvoir faire un bilan, d'autant que les bons films ne manquaient pas ! Mais j’ai aussi voulu mentionner quelques films sortis sur des plateformes de streaming, parce que désormais il y a aussi de très bons films qui ne sortent pas en salle (et pas seulement à cause des confinements)… 

Voici donc ma sélection personelle de 2020, avec d'abord mes trois films de l'année, ceux qui m'ont sans doute le plus marqué cette année (dans l'ordre chronologique de leur sortie) ; ensuite mes coups de coeur, dans tous les genres et de tous les pays (là aussi dans l'ordre chronologique de leur sortie) ; enfin quelques films sortis uniquement sur les plateformes de streaming (avec mon préféré en premier). 

Mes films de l’année

Dark Waters (de Todd Haynes)

Dark Waters est un film puissant et engagé, précis, documenté… et franchement inquiétant. La démonstration du film est implacable. On en ressort vraiment secoué. Au-delà de son propos militant, le film est aussi humainement poignant. La réalisation de Todd Haynes est remarquable, à la fois sobre, précise et efficace, avec aussi un remarquable travail sur la lumière. Et dans le rôle principal, Mark Ruffalo, très impliqué dans le projet du film, est impeccable.

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La communion (de Jan Komasa)

Un film passionnant sur l’ambivalence, celle de son personnage principal capable du meilleur comme du pire - de la douceur et de la compassion comme de la violence la plus extrême - ou celle de ces habitants pieux et pourtant prisonniers de rancoeurs et de haines. Au-delà du contexte polonais, le film est riche de nombreuses thématiques universelles passionnantes, autour de la foi et la religion, la culpabilité et la rédemption, le pardon et la réconciliation, la vérité et le mensonge…

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Dans un jardin qu’on dirait éternel (de Omori Tatsushi)

Ce film lent et contemplatif est paisible et apaisant, plein de nostalgie, de poésie et de grâce. On comprend que l’art du thé est en réalité le reflet d’une philosophie de la vie, en harmonie avec les saisons, à l’écoute de la nature. Le film est un véritable éloge de la lenteur, qui fait un bien fou dans notre monde moderne stressé et inquiet !

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Mes coups de coeur

Jojo Rabbit (de Taika Waititi)

Un film assez inclassable, vraiment original, une comédie burlesque et satirique, qui ose l’humour noir, mais aussi un film tendre, poétique, émouvant, et un drame familial au milieu de la guerre et de l’idéologie nazie. Lire ma critique complète

Swallow (de Carlo Mirabella-Davis)

Un film dérangeant mais passionnant. Le récit d’émancipation d’une femme sous l’emprise d’un modèle patriarcal, entretenu par son mari et sa belle-famille.  Ce n’est pas un hasard si elle se met à avaler des objets incongrus en même temps qu’elle devient enceinte…  Lire ma critique complète 

Le cas Richard Jewell (de Clint Eastwood)

Clint Eastwood filme à nouveau l’histoire vraie d’un héros malgré lui, mais cette fois le héros devient, bien malgré lui, l’ennemi public numéro 1. Un thriller intimiste, sobre et épuré, mais aussi plein d’émotion. Lire ma critique complète

Exit (de Rasmus Kloster Bro)

Exit revisite avec brio le genre du film catastrophe, de façon assez radicale et très sombre. Minimaliste, le film est réalisé pratiquement sans effets spéciaux mais au plus proche de l’angoisse. Sous terre, animé du seul instinct de survie, le tréfonds de l'âme humaine se révèle... Lire ma critique complète

Benni (de Nora Fingscheidt)

Un drame percutant, un film dur mais touchant. Un véritable cri déchirant sur le besoin d'amour. Réaliste et fort, le film décrit la détresse de Benni et le désarroi de ceux qui veulent l’aider, sans tomber dans la complaisance ou l’angélisme. Lire ma critique complète

L’ombre de Staline (d’Agnieszka Holland)

Le portrait d’un journaliste méconnu, véritable lanceur d'alerte de son temps sur les horreurs du stalinisme. Au-delà de l’intérêt historique de son sujet, le film a une portée très actuelle, mettant en garde toute société dont le rapport à la vérité est faussé. Lire ma critique complète

Madre (de Rodrigo Sorogoyen)

Un film troublant et bouleversant. Un drame poignant qui illustre le fait que la blessure d’une mère qui a perdu un enfant ne se referme jamais… qu’une telle douleur peut littéralement interrompre la vie d’une mère, et que le chemin qui conduit à la lumière est long et douloureux. Lire ma critique complète

The Climb (de Michael Angelo Covino)

Une histoire d’amitié entre deux hommes très différents, chacun avec ses failles et ses fragilités, parfois énervants mais attachants. Une amitié pas toujours facile, parfois même toxique mais qui, sans cesse, renaît et traverse les épreuves. Lire ma critique complète

The King of Staten Island (de Judd Aparow)

Une comédie douce-amère, chronique d’un adulescent qui se cherche. Un film qui nous fait passer par toute une gamme d’émotions, avec bonheur. Avec la révélation de Pete Davidson, l’acteur principal, tout simplement génial. Lire ma critique complète

Tenet (de Christopher Nolan)

Pas le meilleur film de Christopher Nolan mais certainement le plus jubilatoire ! Le film mélange en quelque sorte les ingrédients de Memento, Inception et Interstellar, mais survitaminés, dans un film d’action époustouflant. Lire ma critique complète

Antoinette dans les Cévennes (de Caroline Vignal)

Une comédie romantique avec un âne (c’est bien un des personnages principaux du film !). Le film est drôle et touchant, non sans certains accents féministes et mélancoliques, autour de son héroïne, gaffeuse et fleur bleue, incarnée par une irrésistible Laure Calamy. Lire ma critique complète 

Les choses qu’on dit les choses qu’on fait (d’Emmanuel Mouret)

Un film brillant et subtile sur la complexité du sentiment amoureux. Les dialogues sont très écrits, et ça peut surprendre au premier abord, dans la bouche de personnages contemporains. Mais quel plaisir gourmand d’entendre une si belle langue ! Lire ma critique complète

Drunk (de Thomas Vinterberg)

Un véritable numéro d’équilibriste, à la fois drôle et tragique, existentiel et transgressif, avec un formidable Mads Mikkelsen en funambule désabusé qui se perd dans l’alcool pour tenter de retrouver la flamme. Lire ma critique complète


Sur les plateformes de streaming

Uncut Gems (de Joshua et Ben Safdie, sur Netflix)

Les frères Safdie ont encore frappé ! Dans ce thriller noir, violent, bruyant, volubile, urbain, nocturne, ils donnent une leçon de cinéma. La caméra est virtuose. Les dialogues sont percutants. Le scénario vous prend et ne vous lâche pas, dans un rythme un peu fou, jusqu’au dénouement… qui m’a scotché et m’a laissé KO ! Lire ma critique complète


Les Sept de Chicago (d’Aaron Sorkin, sur Netflix)

Un film éminemment politique, qui résonne d’une manière particulière dans le contexte de l’Amérique d’aujourd’hui. C’est haletant, jusqu’à un dénouement d’une grande force émotionnelle. Tout simplement passionnant. Un uppercut politique à couper le souffle.  Lire ma critique complète


Mank (de David Fincher, sur Netflix)

A la fois un brillant hommage au cinéma et une critique de son industrie. C’est aussi un hommage spécifiquement au travail de scénariste. On retrouve la virtuosité de Fincher, dans la variété et l’inventivité des plans, les mouvements de caméra, la direction d’acteurs, le tout sublimé par un travail extraordinaire sur la lumière, le montage et le son qui recréent une atmosphère parfaite des années 30-40. Lire ma critique complète


The Vast of Night (de Andrew Patterson, sur Amazon Prime Video)

Film indépendant, au budget très réduit, une petite merveille de science-fiction intelligente, remplie de clins d’oeil au genre (The Twillight Zone, Spielberg…) Un récit d’extra-terrestre malin, qui fait la part belle aux dialogues, empreint de nostalgie, et qui garde en haleine jusqu’au bout, jusqu’à un final plein de poésie.  Lire ma critique complète

Pinocchio (de Matteo Garrone, sur Amazon Prime Video)

Une véritable féérie, un film magique et nostalgique, pour petits et grands. C’est d’abord un enchantement visuel : les décors, les costumes, les maquillages, tout est absolument superbe ! C’est un vrai travail d’orfèvre, d’une grande poésie. Lire ma critique complète


lundi 28 décembre 2020

Minuit dans l'univers : un bon film SF classique, c'est déjà pas si mal !


En 2049, suite à un événement dont le film ne dit rien explicitement, l’air sur la terre devient irrespirable, contraignant les survivants à se réfugier sous terre. Augustin Lofthouse, un grand scientifique qui a découvert K-23, un satellite caché de Jupiter qui pourrait accueillir les humains, refuse de quitter l’observatoire Barbeau, dans le cercle arctique. Il est malade et très affaibli... et il découvre qu’il n’est pas seul : une petite fille, qui ne parle pas, nommée Iris, a été oubliée dans l’évacuation. Dans le même temps, dans l’espace, un vaisseau spatial est sur le chemin de retour, en provenance de K-23. Ils ignorent tout des événements survenus sur la Terre, ayant perdu toute communication avec la base. Tous leurs efforts pour contacter la Terre restent vains. Découvrant de son côté que la mission est toujours en cours, Augustin va tout faire pour contacter l’équipage. 

Le film n’est, certes, pas d’une originalité folle : c’est de la SF post-apocalyptique très classique. Ça n'en est pas moins un bon film de science-fiction, et ce n’est pas si courant que cela. Les mauvaises langues diront qu’on a déjà vu les images cent fois et que le film s’inspire un peu trop explicitement de classiques du genre (on pense, évidemment, à Gravity ou Interstellar). Il n’empêche que c’est fort bien réalisé, les images dans l’espace sont belles, le scénario est plutôt bien écrit, le ton mélancolique du film convainc, et le dénouement touchant noue la gerbe entre les récits en parallèle. 

Encore une fois, Minuit dans l'univers n’est pas un chef d'œuvre. Mais on passe vraiment un très agréable moment à le regarder ! Un bon film SF classique, c'est déjà pas si mal !

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Minuit dans l'univers, un film de George Clooney, disponible sur Netflix


Soul : un bon Pixar... surtout visuellement


Joe Gardner est prof de musique dans un collège. Sa vie, c’est le jazz ! Et il va enfin avoir l’occasion de réaliser son rêve : jouer dans un des meilleurs clubs de New-York. Mais tout à sa joie, il tombe malencontreusement dans une bouche d’égout et meurt. Alors que son âme se trouve en chemin vers l’Au-delà et qu’il essaye de revenir sur Terre, il se retrouve par erreur dans le “Grand Avant", l’endroit où les nouvelles âmes acquièrent leur personnalité avant d’être envoyées sur Terre. L’âme de Joe est prise alors par erreur pour une autre et est assignée comme mentor pour l’âme numéro 22, qui résistent depuis des siècles à ses mentors successifs, n’ayant absolument aucune envie d’être envoyée sur Terre. Joe y voit finalement une occasion de pouvoir, lui, retourner sur Terre et va mettre tous ses efforts à montrer à 22 combien l’existence humaine est formidable… 

Soul est le dernier né des studios Pixar, sorti finalement seulement en streaming sur la plateforme Disney+. Il est écrit et réalisé par Pete Docter, à qui on doit déjà Monstres & Cie, Là-Haut et le génial Vice Versa. Au niveau de l’animation, et ce n’est pas une surprise, c’est en tout point remarquable, notamment dans la représentation du “Grand Avant”, d’une grande inventivité visuelle. Il y a de vraies trouvailles dans le film (les âmes en peine, les Michel…) mais globalement le film m’a quand même laissé un sentiment mitigé. Ce grand fourre-tout métaphysico-spirituel manque d’équilibre, la deuxième partie, sur Terre, s’essouffle un peu, la conclusion est “gentille” et un peu décevante… Même si ça reste un Pixar de qualité, on est quand même assez loin de la finesse, de l’équilibre et de l’émotion de Vice Versa

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Soul, un film de Pete Docter et Kemp Powers, disponible sur Disney+


lundi 7 décembre 2020

Mank : hommage brillantissime au cinéma et critique acerbe de son industrie


Mank, c’est le surnom de Herman J. Mankiewicz, scénariste de l’âge d’or de Hollywood. Un personnage brillant et acerbe, mais alcoolique invétéré. Alité suite à un accident de voiture, il n’a que deux mois pour boucler le script de Citizen Kane, le fameux chef d’oeuvre mythique de l’histoire du cinéma, premier film du tout jeune Orson Welles. Mais c’est un projet qui provoque de grands remous dans l’industrie du cinéma de l’époque puisque derrière le personnage de Charles Foster Kane, héros du film de Welles, se dessine, à peine cachée, la figure de William Randolph Hearst, magnat de la presse tout-puissant. 

Une polémique demeure sur la véritable paternité du scénario de Citizen Kane : Mankiewicz et Welles recevront tous les deux, en leur absence, l’Oscar du meilleur scénario pour le film… mais ils resteront brouillés suite à cela. Cette polémique offre la toile de fond de Mank mais, comme son nom l’indique, le film est avant-tout le portrait du scénariste, sous la forme d’un film-miroir de Citizen Kane

Le film est à la fois un extraordinaire hommage au cinéma et une critique de son industrie. C’est aussi un hommage spécifiquement au travail de scénariste. De la part de David Fincher, qui n’a jamais signé le scénario de ses films, ça a du sens ! D’autant que Mank repose sur un scénario de Jack Fincher, le père de David Fincher. C’est un projet qu’il a tenté en vain de réaliser depuis les années 90 : aucun studio ne voulait monter un tel film en noir et blanc. Et c’est Netflix qui a permis à Fincher d’aboutir dans son projet, lui laissant carte blanche. 

L’hommage au cinéma est brillantissime. On retrouve la virtuosité de Fincher, dans la variété et l’inventivité des plans, les mouvements de caméra, la direction d’acteurs (formidable Gary Oldman au naturel : pas de postiche ni de maquillage, juste l’acteur), le tout sublimé par un travail extraordinaire sur la lumière, le montage et le son qui recréent une atmosphère parfaite des années 30-40. Le film recèle des scènes absolument mémorables, à commencer par l’extraordinaire soirée électorale, ou l’anniversaire de Mayer, le dîner en fin de film… Magistral. 

Mais à l’hommage formel est associé un regard critique sur l'industrie hollywoodienne, par un portrait acerbe, en coulisses, d’une usine à rêves où règnent le fric, les luttes d’ego et les jeux de pouvoir, souvent en collusion avec la politique. En réalité, un monde qui entre de manière étonnante en résonance avec celui d’aujourd’hui !

Mank est un film ambitieux, qui n’est pas forcément évident d’accès au premier abord, par ses multiples références à Citizen Kane (c’est aussi un film pour cinéphiles !), ses dialogues abondants, son montage relativement complexe entre deux temporalités. Pourtant, quel film ! Dépassant la question de l’écriture du scénario de Citizen Kane, Mank propose une réflexion sur le cinéma, le processus créatif, le rapport entre l’art et l’industrie de l’art, mais aussi, de façon plus intime, sur la solitude, la quête de reconnaissance, les chemins de rédemption… 

Ca valait le coup d'attendre 6 ans pour voir un nouveau film de Fincher : Mank est un de ses meilleurs, et sans aucun doute le plus personnel. Merci à Netflix de l'avoir produit (même si on espère qu'on pourra voir le prochain au cinéma...) !

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Mank, un film de David Fincher, disponible sur Netflix.