lundi 9 mars 2020

De Gaulle : un film historique un peu terne

Mai 1940. La guerre s’intensifie, les Allemands approchent de Paris, les populations civiles sont contraintes à l’exode. Le gouvernement français ne sait plus quoi faire et envisage, sous la pression du Maréchal Pétain, d’accepter la défaite. Un homme, Charles de Gaulle, refuse de plier. Il est indéfectiblement soutenu par Yvonne, sa femme, mais les événements vont vie les séparer. Yvonne et ses enfants tentent de fuire. Charles rejoint Londres d’où il veut faire entendre la voix de la Résistance.

Dès le premier plan du film, on comprend que l’optique de Gabriel Le Bomin, le réalisateur, sera d’évoquer un De Gaulle intime, notamment dans sa relation avec son épouse, Yvonne. Malheureusement, ce parti pris ne paie pas vraiment. Aurait-il mieux valu choisir entre un film sur Charles ou un film sur Yvonne ? Peut-être… En tout cas, on perd le souffle qu’aurait mérité un long-métrage sur une figure telle que Charles de Gaulle et le résultat est un film historique un peu terne. D’autant que je n’ai pas trouvé que Lambert Wilson, aussi bon acteur soit-il, soit vraiment un De Gaulle très convaincant...

Judy : pour la performance de Renée Zellweger...

En 1968, Judy Garland est sous les feux des projecteurs depuis l’âge de deux ans, depuis plus de quarante ans elle joue la comédie et chante. Star planétaire, elle est pourtant ruinée et épuisée. Hantée par une enfance sacrifiée pour Hollywood, elle n’aspire plus qu’à consacrer du temps à ses enfants… Elle accepte alors de partir à Londres pour une série de spectacles, et gagner suffisamment d'argent pour récupérer ses enfants.

Il faudrait avoir un coeur de pierre pour ne pas être touché par cette femme un peu perdue, ravagée par son enfance sacrifiée, ses mariages successifs soldés par des échecs, fragile comme un enfant (et rongée par l’alcool), une star internationale qui a viscéralement besoin de se sentir aimée, par ses enfants, par le public.

Renée Zellweger est vraiment très bien, dans un rôle à Oscar, où elle joue Judy Garland et chante elle-même ses chansons. Le film, lui, est assez conventionnel (une réalisation pas très inventive, des flashback téléphonés...).

La communion : un film passionnant sur l'ambivalence de tout être humain

Daniel, 20 ans, est un voyou détenu dans un centre pour les jeunes. Il y assiste le prêtre pendant les messes et rêverait de pouvoir entrer au séminaire. Mais le crime qu’il a commis l’en empêche. A sa sortie de détention, il est envoyé dans une petite ville pour y travailler dans un atelier de menuiserie. Mais, suite à un concours de circonstances, il se fait passer pour un prêtre et se retrouve à la tête de la paroisse, alors que le prêtre local est en convalescence. Il va très vite susciter une fascination sur certains et troubler d’autres membres de la communauté.

La communion est un film passionnant sur l’ambivalence, celle de son personnage principal capable de meilleur comme du pire, de la douceur et de la compassion comme de la violence la plus extrême, ou celle de ces habitants pieux et pourtant prisonniers de rancoeurs et de haines. Finalement chaque personnage a sa part d’ombre et il ne faut pas se fier aux apparences… L’être humain n’est ni ange ni bête, mais sans doute un peu des deux ! La question est de savoir comment maîtriser la bête pour libérer l’ange. La religion devrait le permettre… mais est-ce vraiment le cas ?

La question de la foi et de la religion est évidemment au coeur du film. Qu’est-ce qu’un bon croyant, finalement ? Un délinquant, pris dans la spirale de la violence et, malgré son imposture, en quête de rédemption, ou un village pieux qui va à la messe tous les jours mais se voile la face et entretient la haine ? Le film véritable brûlot politique et social, par son évocation d'une Pologne très religieuse, pose la question de façon cruelle (et parfois crue). Et sa conclusion, terrible, vous met un sacré uppercut !

La réalisation de Jan Komasa est absolument remarquable, inventive et parfaitement maîtrisée. Les acteurs sont excellente, à commencer par Bartosz Bielenia, extraordinaire dans le rôle principal, vraiment habité par son rôle (quel regard !).

Au-delà du contexte polonais, le film est riche de nombreuses thématiques universelles passionnantes, autour de la foi et la religion, la culpabilité et la rédemption, le pardon et la réconciliation, la vérité et le mensonge…

Un film à ne pas manquer !

mercredi 4 mars 2020

Dark Waters : un film puissant et engagé

Robert Bilott est un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Un jour, un paysan débarque dans son bureau. C’est un voisin de sa grand-mère, en Virginie. Il vient avec un carton de cassettes vidéos qui montrent les effets de la pollution sur son bétail, à cause d’une usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région, contre lequel aucun avocat local n’est prêt à s’engager. Bilott va finalement prendre l’affaire en main, en n’imaginant pas l’ampleur qu’elle prendrait, ni le scandale sanitaire et écologique qu’elle révélerait.

Basé sur une enquête au long cours publiée dans le New-York Times en 2016, Dark Waters est un film puissant et engagé, précis, documenté… et franchement inquiétant. Cette incroyable affaire, qui s’étend sur plus de 15 ans, et qui révèle que DuPont était au courant de la nocivité du produit qu’il utilisait depuis 40 ans, est assez anxiogène. Littéralement aujourd'hui, tout être humain sur terre aurait dans son sang au moins une petite dose de cette substance toxiqu, notamment utilisée dans la fabrication des poêles antiadhésives, via le téflon (mais pas seulement !). Ca fait froid dans le dos… Tout ça au nom des intérêts économiques ! La démonstration du film est implacable. On en ressort secoué.
Au-delà de son propos militant, le film est aussi humainement poignant, en se centrant sur le personnage de Robert Billot, et en montrant les effets collatéraux de son engagement, dans sa famille, sa situation professionnelle et jusqu’à sa santé. Poignant aussi dans l’évocation des victimes de ce scandale sanitaire (dont quelques-uns, on l’apprend au générique de fin, jouent un petit rôle de figurant dans le film).

La réalisation de Todd Haynes est remarquable, à la fois sobre, précise et efficace. A noter aussi un remarquable travail sur la lumière. Et dans le rôle de l’avocat, Mark Ruffalo, très impliqué dans le projet du film, est impeccable. Il incarne parfaitement cet avocat humble mais pugnace.

Invisible Man : l’homme invisible post #MeToo

Cecilia Kass est en couple avec un très riche scientifique, génie de l’optique. Mais il est violent et tyrannique. Cecilia décide alors de prendre la fuite, une nuit, grâce à l’aide de sa soeur. Elle se réfugie chez un ami. Quelque temps après, elle apprend le suicide de son ex, qui lui lègue une part de son immense fortune. Mais Cecilia en vient à se demander s’il est vraiment mort, elle est persuadée qu’il a trouvé le moyen de se rendre invisible et qu’il vient la harceler.

Cette nouvelle transcription contemporaine du personnage inventé par H.G. Wells, est une complète réappropriation, écho saisissant des luttes et préoccupations d’aujourd’hui. On est clairement dans une perspective post #MeToo, avec le personnage de l’homme invisible comme un pervers-narcissique d’autant plus monstrueux qu’il est invisible.

Et il faut avouer que c’est très habile, et flippant. Le réalisateur joue parfaitement le jeu de la suggestion paranoïaque, laissant le spectateur, angoissé, imaginer la présence malveillante de l’homme invisible. Le film parle évidemment des violences faites aux femmes, en soulignant à la fois les manipulations et les violences sournoises du compagnon, d’autant plus qu’il est invisible, et la non prise en compte de la parole des femmes victimes, Cecilia finira par être prise pour une affabulatrice ou une névrosée.

C’est franchement très bien fait et percutant, au moins jusqu'au deux tiers du film. Le dernier acte est plus convenu, bien qu'assez efficace. Mais ça ne doit pas trop ternir la qualité indéniable de la réappropriation proposée par le film.

Il faut aussi souligner la remarquable interprétation d'Élisabeth Moss, qui porte le film sur ses épaules, et varie de façon spectaculaire l’expression des émotions de son personnages, avec ses fragilités et ses forces.