lundi 7 décembre 2020

Mank : hommage brillantissime au cinéma et critique acerbe de son industrie


Mank, c’est le surnom de Herman J. Mankiewicz, scénariste de l’âge d’or de Hollywood. Un personnage brillant et acerbe, mais alcoolique invétéré. Alité suite à un accident de voiture, il n’a que deux mois pour boucler le script de Citizen Kane, le fameux chef d’oeuvre mythique de l’histoire du cinéma, premier film du tout jeune Orson Welles. Mais c’est un projet qui provoque de grands remous dans l’industrie du cinéma de l’époque puisque derrière le personnage de Charles Foster Kane, héros du film de Welles, se dessine, à peine cachée, la figure de William Randolph Hearst, magnat de la presse tout-puissant. 

Une polémique demeure sur la véritable paternité du scénario de Citizen Kane : Mankiewicz et Welles recevront tous les deux, en leur absence, l’Oscar du meilleur scénario pour le film… mais ils resteront brouillés suite à cela. Cette polémique offre la toile de fond de Mank mais, comme son nom l’indique, le film est avant-tout le portrait du scénariste, sous la forme d’un film-miroir de Citizen Kane

Le film est à la fois un extraordinaire hommage au cinéma et une critique de son industrie. C’est aussi un hommage spécifiquement au travail de scénariste. De la part de David Fincher, qui n’a jamais signé le scénario de ses films, ça a du sens ! D’autant que Mank repose sur un scénario de Jack Fincher, le père de David Fincher. C’est un projet qu’il a tenté en vain de réaliser depuis les années 90 : aucun studio ne voulait monter un tel film en noir et blanc. Et c’est Netflix qui a permis à Fincher d’aboutir dans son projet, lui laissant carte blanche. 

L’hommage au cinéma est brillantissime. On retrouve la virtuosité de Fincher, dans la variété et l’inventivité des plans, les mouvements de caméra, la direction d’acteurs (formidable Gary Oldman au naturel : pas de postiche ni de maquillage, juste l’acteur), le tout sublimé par un travail extraordinaire sur la lumière, le montage et le son qui recréent une atmosphère parfaite des années 30-40. Le film recèle des scènes absolument mémorables, à commencer par l’extraordinaire soirée électorale, ou l’anniversaire de Mayer, le dîner en fin de film… Magistral. 

Mais à l’hommage formel est associé un regard critique sur l'industrie hollywoodienne, par un portrait acerbe, en coulisses, d’une usine à rêves où règnent le fric, les luttes d’ego et les jeux de pouvoir, souvent en collusion avec la politique. En réalité, un monde qui entre de manière étonnante en résonance avec celui d’aujourd’hui !

Mank est un film ambitieux, qui n’est pas forcément évident d’accès au premier abord, par ses multiples références à Citizen Kane (c’est aussi un film pour cinéphiles !), ses dialogues abondants, son montage relativement complexe entre deux temporalités. Pourtant, quel film ! Dépassant la question de l’écriture du scénario de Citizen Kane, Mank propose une réflexion sur le cinéma, le processus créatif, le rapport entre l’art et l’industrie de l’art, mais aussi, de façon plus intime, sur la solitude, la quête de reconnaissance, les chemins de rédemption… 

Ca valait le coup d'attendre 6 ans pour voir un nouveau film de Fincher : Mank est un de ses meilleurs, et sans aucun doute le plus personnel. Merci à Netflix de l'avoir produit (même si on espère qu'on pourra voir le prochain au cinéma...) !

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Mank, un film de David Fincher, disponible sur Netflix.



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