mercredi 19 octobre 2022

R.M.N. : une radioscopie glaçante de la haine ordinaire

★★★★

Chronique sociale glaçante, et pas seulement parce qu’elle se déroule en Transylvanie, R.M.N. (en français on dirait I.R.M.) est une radioscopie implacable de la peur et de la haine ordinaires. La tension qui apparaît tout doucement puis grandit dans le village culmine dans un plan séquence ahurissant de 17 minutes.

(critique complète ci-dessous ou ici)

Quelques jours avant Noël, Matthias revient dans son village de Transylvanie où cohabitent plusieurs communautés ethniques, après avoir dû quitter précipitamment son emploi en Allemagne. Il s'inquiète pour Rudi, son fils, qui grandit sans lui, auprès de sa mère Ana, et pour Otto, son père, dont la santé n’est pas bonne. Il espère aussi renouer avec Csilla, son ex-maîtresse. Quand l’usine locale décide d’embaucher des employés étrangers, la paix relative du village est troublée… 

Chronique sociale glaçante, et pas seulement parce qu’elle se déroule en Transylvanie, R.M.N. (en français on dirait I.R.M.) est une radioscopie implacable de la peur et de la haine ordinaires. Dans ce village où plusieurs communautés ont appris à cohabiter, où on parle roumain, hongrois et allemand, la paix n’est que relative. On s’en rend compte petit à petit, par certaines phrases, certaines attitudes. On apprend que le village a réussi à “se débarrasser” des tziganes qui étaient indésirables… et puis quand trois employés srilankais sont engagés par l’usine locale, le refrain xénophobe fait surface : “on n’a rien contre eux, mais qu’ils restent chez eux !” 

La tension qui apparaît tout doucement puis grandit dans le village culmine dans un plan séquence ahurissant de 17 minutes. Ce long plan, caméra fixe, sur les villageois rassemblés pour décider s'ils veulent expulser les trois travailleurs étrangers ou pas, est un condensé des peurs, des frustrations, et des colères enfouies, autour de l’Europe et de ses directives ou du marché du travail à l’heure de la mondialisation, mais aussi un condensé des a priori, des raccourcis et des fantasmes sur lesquels surfent aujourd’hui les populismes et qui alimentent la peur et la haine de l’étranger. Et ce n’est pas vrai seulement dans un petit village de Transylvanie… 

La maîtrise et la sobriété de la réalisation rendent le constat implacable et glaçant, et cela jusque dans la scène finale énigmatique et saisissante, à l’évidente portée métaphorique. 

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R.M.N., un film de Cristian Mungiu

avec Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârlădeanu





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