mercredi 9 novembre 2022

Armageddon Time : la fin de l'innocence et de l'insouciance

 ★★★★

Un très beau récit d’apprentissage, sobre, tendre et mélancolique, sur la fin de l’innocence. C’est à la fois une chronique intime et sensible, et le portrait tout en finesse d’une famille juive dans l’Amérique des années 80.

(critique complète ci-dessous ou ici)

Au début des années 80, dans le Queens à New-York, Paul entre au collège. Rêveur et dissipé, il se lie d’amitié avec Johnny, un garçon noir qui redouble son année. Paul veut devenir un artiste célèbre mais ses parents ont d’autres projets pour lui. En fait, il n’y a que son grand-père qui semble le comprendre et qui arrive vraiment à parler avec lui… 

Armageddon Time est un très beau récit d’apprentissage, sobre, tendre et mélancolique, sur la fin de l’innocence et de l'insouciance. C’est à la fois une chronique intime et sensible, et le portrait tout en finesse d’une famille juive dans l’Amérique des années 80, celle de Ronald Reagan (le titre du film fait référence à une formule qu’il a utilisée, en pleine peur de la guerre froide).

Il y a d’abord le récit personnel du passage à l’âge adulte d’un adolescent qui prend conscience de la réalité du monde et de son identité, lors qu’il apprend l’antisémitisme vécu par sa famille, et qu’il découvre concrètement le racisme au collège. Bref, il découvre que le monde, la vie est injuste. Face à ce constat, que faire ? Se résigner et tracer sa route sans faire trop de vagues (c’est un peu la voie recommandée par le père de Paul) ou choisir de résister, se battre (pour soi, pour les autres) et essayer de vivre, malgré tout, ses rêves (la voie recommandée par son grand-père) ?

Le film est aussi un portrait de famille très fin et intelligent, avec l'évocation des relations fraternelles et filiales complexes, des parents un peu dépassés dans leur rôle éducatif, la figure rassurante et rassembleuse du grand-père qui maintient la cohésion de la famille, une famille juive qui doit aussi vivre avec son histoire chargée, celle qui l’a conduite jusqu’en Amérique. 

On trouve d’ailleurs aussi dans le film une évocation douce-amère du fameux rêve américain. Il écorne sérieusement le mythe du plus grand pays du monde où chacun peut réussir pour peu qu’il le veuille vraiment, avec son discours volontariste et son idéal capitaliste… avec d’ailleurs la présence dans le film, déjà, d’une certaine famille Trump ! 

On sent qu’il y a beaucoup de James Gray dans le personnage de Paul Graff, ce qui fait d’Armageddon Time sans doute le film le plus personnel de son réalisateur. La mise en scène est sobre et épurée, pudique mais sensible. 

Le casting est excellent, avec la découverte du jeune Banks Repeta, étonnant de justesse, une touchante Anne Hathaway et un toujours parfait Anthony Hopkins. Mais il y a surtout Jérémy Strong que j’ai trouvé formidable dans le rôle du père, un homme d'origine sociale modeste, qui peine à trouver sa place et à endosser son rôle dans la famille. 

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Armageddon Time, un film de James Gray
avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta, Anthony Hopkins


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