mercredi 30 novembre 2022

Annie Colère : chronique sociale d'une époque où les hommes décidaient pour les femmes

 ★★★☆

Au-delà de la question du droit à l’avortement, le film est avant tout une chronique sociale qui s’inscrit dans une époque, finalement pas si lointaine, où ce sont les hommes qui décidaient pour les femmes... 

(critique complète ci-dessous ou ici)

1974, un an avant la loi Veil. Annie travaille dans une usine de matelas, elle est mère de deux enfants. Lorsqu’elle tombe enceinte accidentellement, elle rencontre une cellule du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), qui pratique ouvertement des avortements illégaux. 

Le film s'ouvre sur une longue séquence de plusieurs scènes, jusqu'à un avortement : découverte par Annie de la permanence du MLAC, accueil et explication de la méthode utilisée, préparation à l’avortement, consultation auprès d’un médecin partenaire et finalement déroulement de l'avortement. C'est pédagogique, réaliste mais sobre, sans voyeurisme. Petit à petit, Annie va ensuite rejoindre le mouvement et s’inscrire dans la lutte du MLAC. 

Au-delà de la question du droit à l’avortement, le film est avant tout une chronique sociale qui s’inscrit dans une époque, finalement pas si lointaine, où ce sont les hommes qui décidaient pour les femmes : ces dernières venaient à peine d'avoir le droit d'ouvrir un compte bancaire sans l'accord de leur mari, la contraception était encore très marginale, l’emprise des maris sur leurs femmes était totale… et dans ce contexte, des femmes avortaient, pour différentes raisons, souvent dans des conditions sanitaires catastrophiques (des centaines de femmes mouraient chaque année en France des suites d'un avortement clandestin). 

La plongée proposée par le film dans cette époque est convaincante et alimente notre réflexion. Le film souligne par ailleurs que les femmes qui allaient à la rencontre de la MLAC ne venaient pas seulement chercher un acte médical, elles avaient besoin d’une écoute, d’une compassion, d’un peu de chaleur et de compréhension… qu’elles ne trouvaient pas ailleurs. C’est une question que se posent les bénévoles, à la fin du film, lorsque la loi Veil est passée : maintenant que les avortements se pratiqueront à l’hôpital, les femmes y trouveront-elles l’accueil et la bienveillance qui leur étaient proposés ? 

A noter enfin que le film bénéficie d’un très bon casting, notamment avec une Laure Calamy dans un registre plus retenu et sobre que d'habitude, et une Zita Hanrot pleine de détermination.

-------
Annie Colère, un film de Blandine Lenoir
avec Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire