lundi 18 octobre 2021

Le dernier duel : des pratiques barbares, qui gardent une résonance contemporaine...


★★★☆

Le film dépeint un Moyen-Âge violent où les femmes n’ont pas le droit au chapitre, où elles sont perçues comme foncièrement séductrices et donc dangereuses, et où elles n’ont qu’à se taire et subir la violence des hommes qui, eux, se disputent le pouvoir et la gloire, et ne pensent qu’à défendre leur honneur. Des pratiques barbares d'un autre âge, certes, mais qui gardent une vraie résonance contemporaine.

(critique complète ci-dessous ou ici)

 

Au XIVe siècle, Jean de Carrouges est un chevalier respecté et connu pour sa bravoure sur le champ de bataille et Jacques Le Gris est un écuyer dont l’intelligence et le charme font de lui l’un des nobles les plus admirés de la cour. Alors qu’ils étaient amis, ils sont devenus avec le temps rivaux. Un jour, Marguerite, la femme de Carrouges, dit à son mari qu’elle a été agressée et violée par Le Gris, une accusation que ce dernier récuse. Devant le roi, Jean de Carrouges en appelle à Dieu : c’est par une joute à mort que justice sera faite, scellant également le sort de Marguerite… 

Basé sur des faits réels, le film évoque le dernier duel judiciaire connu en France. Appelé également “Jugement de Dieu”, il était censé faire éclater la justice, au nom de Dieu, par le moyen d’un duel dont le vainqueur sera déclaré innocent. 

Le film est structuré en trois chapitres, proposant trois versions de la vérité… d’abord la vérité selon Jean de Carrouges, puis selon Jacques Le Gris et enfin selon Marguerite. Le procédé est intéressant et permet de comprendre les perceptions différentes des mêmes événements, les interprétations différentes des mêmes paroles, et des mêmes faits et gestes. Cette réflexion autour de la vérité est d’ailleurs un des intérêts du film. Car on peut très bien estimer que chacun des trois protagonistes puissent être sincères dans leur récit, leur perception des faits étant marquée par leur personnalité et par les présupposés de l'époque, il n’en demeure pas moins que Marguerite a bel et bien été violée. C’est du moins l’option choisie par le film (il semblerait que la vérité fasse encore débat parmi les historiens...). 

Quoi qu’il en soit, le film dépeint un Moyen-Âge violent où les femmes n’ont pas le droit au chapitre, sinon pour assurer une descendance à leur mari, où elles sont perçues comme foncièrement séductrices et donc dangereuses, et où elles n’ont qu’à se taire et subir la violence des hommes qui, eux, se disputent le pouvoir et la gloire, et ne pensent qu’à défendre leur honneur. Ce sont des pratiques barbares d'un autre âge, certes, mais qui gardent une vraie résonance contemporaine : on pense à la valeur de la parole des femmes victimes de viol, ou à la suspicion qu’elles doivent subir, lorsqu’on se demande si elles ne l'ont pas un peu cherché quand même… 

La reconstitution historique est fastueuse, le film est épique (sans trop tomber dans la grandiloquence qui est un peu l'écueil de Ridley Scott dans ses films historiques). Le duel final est violent, bestial. 

Le trio d’acteurs principaux est excellent, avec un Matt Damon dans un rôle un peu à contre emploi, rustre et froid, un Adam Driver toujours impeccable et une magnifique Jodie Comer, qu'on aurait même voulu voir un peu plus : la partie de son point de vue est la plus courte des trois. 

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Le dernier duel, un film de Ridley Scott


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