lundi 22 juillet 2019

L'oeuvre sans auteur : une grande fresque romanesque et intelligente

1937, à Dresde. Kurt Barnet est un enfant et il visite avec sa tante Elisabeth une exposition sur "l'art dégénéré" organisée par le régime nazi. Dix ans plus tard, en RDA, il est étudiants aux Beaux-Arts. Il cherche sa voix, peinant à s'adapter aux diktats de réalisme socialiste. Il y tombe amoureux d'Ellie. Mais il ignore que le père de sa fiancée est lié à lui par un terrible passé.

Fresque romanesque de plus de trois heures, inspirée de la vie et de l'oeuvre du peintre allemand Gerhard Richter, le film mêle la grande histoire tragique à l'itinéraire intime d'un artiste.

Du côté de la grande histoire, on passe du régime nazi à celui du marxisme de la RDA dans la première partie, avant de plonger, dans la deuxième partie, dans le petit monde de l'art moderne des années 50-60, avec aussi, parfois, les fantômes sombre du passé qui resurgissent.

Le film évoque de façon sobre, mais assez forte, les années de guerre et du régime nazi. Il y a notamment un glaçant montage en parallèle pendant le bombardement de Dresde qui est tout à fait remarquable. Et puis le passage du nazisme au marxisme de la RDA se fait naturellement, certains passant de l'un à l'autre avec un naturel confondant.

Mais le film est d'abord l'itinéraire d'un artiste. De ses premières découvertes, enfant, par le biais d'une tante fragile psychologiquement. De ses années de quête d'identité artistique, d'abord dans le cadre étouffant de réalisme socialiste, puis dans l'effervescence parfois futile du petit monde de l'art moderne. Pour trouver sa voie, il devra s'extraire du carcan du réalisme socialiste où l'artiste doit être anonyme au service du peuple et se libérer des à priori du petit monde de l'art moderne, comme celui selon lequel, au nom de l'innovation nécessaire, la peinture est désormais morte.

A travers le parcours de son héros, le film s'interroge sur la vérité dans l'art. L'expression artistique serait-elle la seule façon de faire éclore la vérité ? C'est un peu ce qui ressort de la formidable scène où le beau-père de Kurt découvre les peintures de son gendre qui, sans le savoir, dévoilent la vérité et démasquent le monstre.

La réalisation de Florian Henckel von Donnersmack est, certes, plutôt classique mais parfaitement maîtrisée. Dommage toutefois d'avoir découpé l'histoire en deux films séparés... ce qui pourrait décourager certains d'acheter deux tickets pour voir l'ensemble du film (même si certains cinémas ont eu la bonne idée de joindre les deux films en une seule séance).

Le film bénéficie aussi d'un excellent trio d'acteurs : Tom Schilling, Paula Beer et Sebastian Koch (formidable dans le rôle glaçant de ce médecin SS). A noter enfin, une fois de plus, la très belle partition originale de Max Richter pour la musique. J'ai beaucoup aimé.

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