mercredi 3 avril 2019

Boy Erased : effroyable thérapie

Basé sur un livre autobiographique, le film raconte l'histoire de Jared, fils d'un pasteur en Arkansas, qui fait son coming out à 18 ans en avouant à ses parents son homosexualité. Il est alors inscrit dans un centre où il suivra une thérapie de conversion, ou de réorientation sexuelle.

Le film n'est pas parfait, loin de là. La réalisation est plutôt bonne mais le montage n'est pas toujours très lisible et surtout, il faut arrêter avec les ralentis ! De temps en temps pourquoi pas, mais systématiquement pour surligner les moments d'émotions, ce n'est pas possible... et ça produit même l'effet inverse ! Par contre, c'est très bien joué, en particulier avec le déjà très remarqué Lucas Hedges (Manchester by the Sea, Ladybird, 3 Billboards...) et Nicole Kidman, encore une fois excellente.

Mais le film vaut surtout pour son histoire basée, faut-il le rappeler, sur des faits réels. Je ne sais pas si la reconstitution des séances de "thérapie" est réaliste mais si c'est le cas, c'est affligeant et révoltant : discipline militaire, humiliations, bourrage de crâne, discours culpabilisants, stéréotypes sur la masculinité, théories fumeuses sur les origines de l'homosexualité... tout y passe, et le tout au nom de l'Evangile ! Avec, en plus, toute l'hypocrisie que cela engendre... et pas seulement chez les "patients" qui donnent le change pour échapper à ce qu'on leur inflige !

Le film raconte aussi le désarroi des parents. Il faut dire qu'on croit voir la famille évangélique américaine caricaturale, avec le père concessionnaire de voitures et pasteur, et la mère toujours pomponnée, très maquillée... et soumise à son mari. Alors quand ils apprennent l'homosexualité de leur seul fils, tout s'écroule. Il n'étaient pas préparés à cela. Mais le chemin que l'un et l'autre vont faire (avec beaucoup plus de mal pour le père) interpelle. Ici, le film n'est pas manichéen, il est même assez touchant sur la façon d'évoquer les tensions fortes et les luttes des uns et des autres. Avec des parents animés de bonnes intentions, motivées par l'amour, mais inconscients du mal qu'ils font à leur fils. Avec aussi un fils qui refuse de haïr son père, alors même que le "thérapeute" veut l'y pousser.

Ici, étant donné le sujet du film, je me permets d'aller un plus loin que la simple critique... Je dois dire que plusieurs moments du film m'ont mis vraiment mal à l'aise, et pas seulement face aux outrances de ces "thérapies", mais aussi parce que j'y entendais parfois un discours que je connais et que j'entends parmi les chrétiens que je rencontre en tant que pasteur... Alors tant mieux si ce film peut contribuer au débat et nous interpeller, en évoquant les dégâts, parfois dramatiques, d'un discours simpliste et réducteur, associé à des pratiques douteuses.

Les églises ont le droit, et le devoir, d'avoir leur discours propre, y compris sur l'homosexualité. Et ce discours ne sera pas forcément toujours en accord avec l'avis général dans notre société. Mais elles ont aussi et d'abord le devoir d'aimer et d'accueillir leur prochain, quel qu'il soit, à l'instar du Christ !

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