mercredi 27 septembre 2023

Le procès Goldman : un grand film de procès

 ★★★★

Le film est construit selon un dispositif d'une grande sobriété, filmant les débats, les réactions des uns et des autres, laissant toute sa place à la parole, et ceci est d'autant plus important pour un procès qui ne repose finalement que sur la parole de l'accusé et des témoins. La réalisation de Cédric Kahn est intelligente et immersive.

(critique complète ci-dessous ou ici)

En avril 1976 débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche. Il avait été condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, l’un deux ayant provoqué la mort de deux pharmaciennes. S’il reconnaît trois de ces braquages, il clame son innocence pour le dernier : il n’est pas un assassin !

Le procès Goldman est tout simplement un grand film de procès, intense et passionnant. A part la scène d’ouverture qui se déroule dans le bureau de Georges Kiejman, le jeune avocat de Goldman (qui deviendra très connu par la suite), une scène qui d’ailleurs en dit déjà beaucoup sur la personnalité de l’accusé, le film est un véritable huis-clos. Toute l’action se déroule dans le tribunal, avec quelques scènes dans la cellule où se tient l'accusé pendant les interruptions de séance. 

Ainsi le film est construit selon un dispositif d'une grande sobriété, filmant les débats, les réactions des uns et des autres, laissant toute sa place à la parole (il n’y a pas de musique, même pendant le générique de fin) et ceci est d'autant plus important pour un procès qui ne repose finalement que sur la parole de l'accusé et des témoins. La réalisation de Cédric Kahn est intelligente et immersive, une immersion accentuée par le format et le grain de l’image qui rappellent les années 70. 

Le film, bien que s'inspirant largement du véritable procès, est une fiction dans la mesure où les dialogues ont été écrits à partir des articles de presse parus sur le procès, les scénaristes n'ayant pas eu accès aux minutes du procès. Il y a donc forcément une part de conjectures et de reconstitution hypothétique. Il y a aussi des choix de mise en scène, une dramaturgie. Mais un procès a déjà, par lui-même, sa dramaturgie et sa mise en scène. 

Ce qui est passionnant dans le film, c'est la façon dont la parole est mise au coeur du film. Celle des témoins, des avocats et des magistrats, mais aussi les réactions et les invectives de l'assistance, autant ceux qui crient “Goldman innocent” que “Goldman assassin”. La tension du procès est maintenue tout au long du film, jusqu’au moment intense des plaidoiries. Le film est aussi passionnant par la façon qu’il a de rendre compte de la complexité d’un procès, de la difficulté de rendre la justice, d’accéder à la vérité.

Le film est aussi le portrait d'un homme complexe, difficile à cerner. Un homme torturé, hanté par son passé, et encore plus celui de ses parents. Un homme qui se reconnaît comme gangster, et qui semble à la fois en avoir honte et en être fier. Il reconnaît avoir commis plusieurs braquages, mais il nie de toutes ses forces être un meurtrier. Il est aussi le reflet d’une époque, les années 70, avec ses débats politiques et idéologiques, avec aussi, en arrière-plan, la question du racisme et de l’antisémitisme, et des violences policières (des thèmes qui, malheureusement, restent d’actualité). 

Disons encore que dans le rôle de Pierre Goldman, Arieh Worthalter est impressionnant. 

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Le procès Goldman, un film de Cédric Kahn
avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Stéphan Guérin-Tillié

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