lundi 20 septembre 2021

Chers camarades ! : un film passionnant sur la désillusion et les idéaux déçus

 

★★★★

Un film passionnant sur la désillusion et les idéaux déçus, grâce notamment au choix narratif intelligent d’évoquer ce drame politique par le prisme du portrait d'une femme qui perd ses illusions à cause d'un tragédie personnelle, la disparition de sa fille. Du coup, le film se regarde comme un thriller...

(critique complète ci-dessous ou ici)

1962, à Novotcherkassk, en URSS. Lioudmila est une communiste convaincue, fonctionnaire dans le conseil de la ville. Alors que les prix augmentent et les salaires baissent, les ouvriers d’une usine locale se mettent en grève. La colère monte et les autorités décident d’envoyer l’armée. On tire sur la foule et on dénombre de nombreux morts dont on fait disparaître les corps à la hâte. On efface les traces des violences, on ferme la ville et on force les habitants à remplir des engagements de confidentialité, signés sous peine de mort. Mais la fille de Lioudmila était dans la foule et elle n’est pas rentrée à la maison le soir des événements. Sa mère va alors se lancer dans une quête éperdue pour retrouver sa fille. 

Autour du massacre de Novotcherkassk en 1962, un drame dissimulé par les autorités soviétiques et resté longtemps secret défense, Chers camarades ! est un film passionnant sur la désillusion et les idéaux déçus, grâce notamment au choix narratif intelligent d’évoquer ce drame politique par le prisme du portrait d'une femme qui perd ses illusions à cause d'un tragédie personnelle, la disparition de sa fille. Du coup, le film se regarde comme un thriller, avec une tension qui monte jusqu’au moment du drame, et un suspense pour découvrir si la fille de Lioudmila est morte et si sa mère va finir par retrouver sa trace. 

Le film est aussi passionnant par sa reconstitution minutieuse de l’URSS des années 60, en pleine guerre froide et sous le règne de Khroutchev, entre contestation montante et nostalgie des idéaux du passé. Le film s’ouvre sur un dialogue où Lioudmila s’interroge sur le bienfondé de l’action des dirigeants, et il se ferme sur une scène assez déchirante où Lioudmila, malgré tout, espère encore un avenir meilleur. Mais y croit-elle encore ou le dit-elle pour s’en convaincre ? Car tout au long du film, Lioudmila va devoir faire face à la réalité et au drame mais aussi à un passé refoulé (notamment marqué par la religion) ou fantasmé (sa nostalgie de Staline). 

Autour du personnage de Lioudmila, on assiste au théâtre du système communiste en URSS, celui d’un régime totalitaire au service d’une idéologie, avec sa propagande et ses formules toutes faites, l’usage de la violence, les intimidations, la surveillance par les agents infiltrés du KGB... mais aussi la pesanteur de sa bureaucratie et l’incompétence des personnes que l’Etat plaçait parfois à la tête de structures ou d’usines dont elles ne connaissaient rien.

Le réalisateur, Andrey Konchalovsky, a choisi un format d’image 4/3 et un superbe noir et blanc pour son film, et cela accentue la dimension dramatique du récit. Et quelle maîtrise dans la mise en scène, avec une formidable science du cadrage !

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Chers camarades !, un film de Andrey Koncalovsky


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