Même si le film se concentre sur le futur tueur, le récit ne crée ni empathie ni compassion pour le personnage, le regard est extérieur, presque clinique. Nitram est un film glaçant, et Caleb Landry Jones est exceptionnel dans le rôle de Nitram.
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En Australie, dans les années 1990, Nitram vit chez ses parents. C’est un jeune homme perturbé qui ne fait pas grand chose de ses journées. Alors qu’il propose ses services comme jardinier, il rencontre Helen, une femme d’âge mûr, riche héritière qui vit en marge, seule avec ses animaux. Il semble trouver dans cette relation une forme, très fragile, d’équilibre. Mais un événement tragique va le faire définitivement basculer dans une trajectoire qui le conduira à l’irréparable.
Dans la scène d’ouverture du film, on voit des images d’archive avec des enfants à l'hôpital parce qu’ils souffrent de sévères brûlures. On les interroge sur les circonstances de leur accident, sur leur conduite imprudente qui a provoqué la brûlure. L’un dit qu’il ne recommencera pas, ayant retenu la leçon, l’autre affirme qu’il recommencera malgré tout. On comprend que ce dernier enfant, c'est Nitram... Cette ouverture dit quelque chose du projet du film : poser la question sans pouvoir apporter de réponse, observer sans comprendre. Etait-il déjà destiné à jouer avec le feu, et à se brûler ? Le problème, c'est qu'il va entraîner des dizaines d'innocents dans sa trajectoire meurtrière...
Nitram raconte en effet la trajectoire d’un tueur de masse, en référence à Martin Bryant, auteur de la tuerie de Port-Arthur en avril 1996, en Tasmanie, qui a fait 35 morts et 23 blessés. Mais le film ne cherche pas vraiment à expliquer ou comprendre les raisons de cette trajectoire. Est-ce seulement possible ? Même si le film se concentre sur le futur tueur, le récit ne crée ni empathie ni compassion pour le personnage, le regard est extérieur, presque clinique. La tuerie elle-même est évoquée à distance. Alors même que le jeune homme filme lui-même sa tuerie, la caméra du réalisateur détourne le regard de la scène, on entend juste des coups de feu et des cris, puis une évocation de la tuerie à la télévision.
Par contre, il y a bien une intention très claire dans le film : dénoncer les politiques laxistes en matière de vente d’armes à feu. Jamais un être comme Nitram n’aurait dû avoir accès si facilement à des armes ! Il y a une scène hallucinante dans le film, lorsque le jeune homme entre presque par hasard dans un magasin d’armes, et qu’il y achète sans problème un véritable arsenal, le vendeur vantant les vertus de telle ou telle arme, sans s’interroger une seconde sur la personne à qui il les vend. D’après ce qu’affirme le réalisateur à la fin de film, l’Australie a changé sa législation en matière de détention d’armes à feu mais aucun Etat ne met véritablement en oeuvre la loi. Et aujourd'hui il y aurait plus d’armes à feu en Australie qu’en 1996, année du drame…
Nitram est un film glaçant, et Caleb Landry Jones est exceptionnel dans le rôle de Nitram. Il a d’ailleurs reçu le prix d’interprétation à Cannes en 2021 pour ce rôle.
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