mercredi 25 octobre 2017

Au revoir là-haut : un beau film, généreux, populaire, intelligent

Albert Maillard et Edouard Péricourt sont deux rescapés de la guerre de 14-18. Albert doit la vie à Edouard qui l'a sauvé in extremis, mais en étant lui-même défiguré par un obus. Après la guerre, Albert prend soin d'Edouard qu'il fait passer pour mort, ce dernier ne voulant en aucun cas revoir son père qu'il déteste. Ils vivent tant bien que mal jusqu'à ce qu'ils montent une arnaque aux monuments aux morts, profitant de la vague patriotique de l'après-guerre.

Au revoir là-haut est adapté du roman éponyme de Pierre Lemaitre, prix Goncourt 2013 (Albert Dupontel a toutefois modifié la fin de l'histoire... mais je n'ai pas lu le livre). C'est un très beau film, dominé par la tristesse même s'il est aussi parcouru par des élans d'humour et de tendresse. L'histoire véhicule tout de même une vision assez sombre de l'humanité, même si des rais de lumière apparaissent parfois.

En tout cas, le film montre que l'armistice ne signe pas la fin de la guerre... Non seulement pour ceux qui l'ont faite et qui restent à jamais marqués par leurs traumatismes mais aussi parce que la société en temps de paix est aussi un champ de bataille, cruel pour les faibles et les petits, et faisant de nombreuses victimes. Un monde où tout le monde magouille et manipule... mais dans lequel, malgré tout, le candide de l'histoire ne s'en sort pas trop mal (en morflant quand même !). Le candide, c'est Albert. Mais aussi, dans une certaine mesure, Pauline, la bonne des Péricourt, et Louise, dans son innocence d'enfant.

Edouard, lui, est l'artiste à jamais brisé, au moins autant par le manque d'amour de son père que par l'obus qui l'a défiguré... Il se cache derrières ses masques, tantôt sobres, tantôt sophistiqués, selon son humeur, pour essayer de survivre. Le père, Marcel Péricourt, a finalement aussi un masque, insensible et froid, derrière lequel il tire les ficelles et manipule, grâce à son immense fortune. Même les plus douces en apparence peuvent se révéler terriblement froides et calculatrices... Le seul qui n'ait pas vraiment de masque, c'est Pradelle. Mais il n'en est que plus terrifiant : c'est un parfait salopard, dans les tranchées comme en temps de paix !

Le film a donc bien une dimension pamphlétaire, dénonçant  la société capitaliste et bourgeoise, avec ses profiteurs de tout poil, ironisant sur un certain patriotisme (le maire qui décrit à Péricourt les critères de choix de l'artiste pour le monument aux morts !), dont profitent les deux protagonistes dans leur arnaque.

La mise en scène de Dupontel est recherchée et parfois spectaculaire, avec des mouvements de caméra, des travellings, des prises de vue par un drone. Ainsi en est-il, par exemple, de l'impressionnante scène d'ouverture, en plan séquence reconstitué, où un chien parcours le champ de bataille. A noter également, la remarquable reconstitution du Paris des année folles et quelques scènes d'une grande force dramatique, comme celle de la rupture entre Pradelle et sa femme ou celle des retrouvailles entre Edouard et son père. Déchirant.

Albert Dupontel joue lui-même le rôle de Maillard et lui donne beaucoup d'humanité et de candeur. Nahuel Perez Biscayart passe l'essentiel du film derrière un masque et on n'entend qu'une voix rocailleuse incapable de prononcer des mots. Mais tout passe par ses gestes et son regard, extrêmement expressifs. Remarquable. Laurent Lafitte est génial dans son rôle de salopard qu'on adore détester. Et les seconds rôles complètent à merveille le casting : Emilie Dequenne et Mélanie Thierry, toutes de douceur, Niels Arestrup impeccable, Michel Vuillermoz toujours truculent, Philippe Uchan très drôle dans le rôle de Labourdin, le maire bête comme ses pieds.

Au revoir là-haut est un film où Albert Dupontel se révèle bien moins déjanté qu'à l'habitude, mais ça n'en est pas moins un film personnel où on reconnaît bien la patte du réalisateur. C'est un film généreux, populaire dans le bon sens du terme, intelligent.

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