lundi 9 novembre 2020

Sur le chemin de la rédemption : Dieu nous pardonnera-t-il ?

Ernst Toller est un ancien aumônier militaire. Sa vie a été bouleversée par la mort de son fils, en Irak. A la suite de ce drame, son couple a volé en éclat. Il est désormais pasteur dans une petite église ancienne que les gens viennent visiter en touriste. Seul, il est un homme en plein doute, cabossé par la vie. Un jour, Mary, une de ses rares paroissiennes, lui demande de parler avec son mari, un activiste écologiste, pour lequel elle s’inquiète. Ce que le pasteur découvrira va le placer face à un dilemme lorsqu’il comprendra que l’église qui l’emploie est en bonne partie financée par une entreprise peu scrupuleuse en matière environnementale et qui s’achète une virginité par sa générosité… 

Sur le chemin de la rédemption (First Reformed en vo) est un film angoissé et sombre, assez perturbant mais fascinant. Un film qui pose des questions sans forcément apporter de réponse. Et qui du coup nous fait réfléchir, durablement, après son visionnage. Le film, sorti en 2017, n’est pourtant jamais sorti dans les salles en France... ll est depuis peu disponible sur Netflix. Il ne faut pas le manquer !

Réalisé par Paul Schrader (qui a été scénariste pour Scorsese, notamment pour Taxi Driver et Raging Bull, excusez du peu !), le film s’ouvre sur un lent travelling en direction d’une église en bois qui, à force de s’en rapprocher devient imposante, trop imposante, presque inquiétante. Il se termine sur une scène filmée avec une caméra sans cesse en mouvement, tournant et tournant autour des personnages… et brusquement interrompue. Une fin qui interroge : l’espoir est-il encore possible ? Peut-être… mais le film ne l’affirme pas. C’est au spectateur d’en décider, sans doute.

Le reste du film est essentiellement une succession de plans fixes, dans un format d’image presque carré, étriqué, filmés dans une lumière souvent assez blafarde avec pour seule “musique” une sorte de bourdonnement sourd, angoissant. Tout cela est le reflet de l’âme de ce pasteur en proie aux doutes et au désespoir, dans un monde présenté comme allant à sa perte, si on ne fait rien, à moins qu’il ne soit déjà trop tard. 

Tout cela n’est, certes, pas très gai… Par les dialogues et par la voix off du pasteur, notamment lorsqu’il écrit son journal intime, le film interroge. A-t-on le droit de faire des enfants quand on considère le monde qu’on leur laisse ? Dieu nous pardonnera-t-il ce que nous avons fait à sa création ? Il y a, pourtant, quelques lueurs d’espoir possibles. A travers le personnage de Mary. A travers la foi du pasteur, qui demeure, même tourmentée, malgré les doutes et les interrogations. A travers certaines phrases toujours en voix off, comme par exemple : “chaque acte de préservation est un acte de création.” 

Le film nous embarque ainsi dans les turpitudes de ce pasteur en proie aux doutes, remarquablement interprété par Ethan Hawke dont c’est un des meilleurs, si ce n’est le meilleur rôle. Sa portée théologique et métaphysique, et sa portée politique, sont indéniables. Un film remarquable !

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Sur le chamin de la rédemption (First Reformed), un film de Paul Schrader, disponible sur Netflix




lundi 2 novembre 2020

Les Sept de Chicago : un uppercut politique à couper le souffle


En 1968, en pleine guerre du Vietnam et quelques semaines après l’assassinat de Martin Luther King, la convention nationale démocrate se déroule à Chicago. Elle doit désigner le candidat du parti à l’élection américaine. De nombreuses manifestations sont organisées à cette occasion, notamment pour protester contre la guerre du Vietnam. Mais la répression policière est musclée, poussée par le maire RIchard Daley, et des violences éclatent, filmées et diffusées à la télévision. Sept organisateurs des manifestations sont inculpés, surnommés les « Chicago Seven » (Abbie Hoffman, Jerry Rubin, David Dellinger, Tom Hayden, Rennie Davis, John Froines et Lee Weiner). Ils sont poursuivis pour conspiration. Un huitième homme est associé au procès, Bobby Seale (co-fondateur des Black Panthers Party).

La scène d’ouverture du film mélange des images d’archives avec des reconstitutions. En quelques minutes à peine, on a tout compris des enjeux et on a caractérisé les personnages principaux de l’intrigue. Absolument remarquable. Tout le film, ensuite, est centré sur le procès fleuve, qu’on découvre avec sidération. Grâce à un montage parfaitement maîtrisé, des flashbacks permettent de revivre plusieurs aspects des manifestations et des émeutes. On multiplie les points de vue. On ne cache pas les tensions et les dissensions internes au groupe disparate des Sept. Mais on ne cache pas non plus l’aberration d’un procès partisan et les manoeuvres politiques. C’est haletant, jusqu’à un dénouement d’une grande force émotionnelle. Tout simplement passionnant. 

Les Sept de Chicago est un film éminemment politique, qui résonne d’une manière particulière dans le contexte de l’Amérique d’aujourd’hui. Car en plus du fonctionnement de la justice et des manoeuvres politiques, le film évoque les violences policières et le racisme sous-jacent. Aaron Sorkin (scénariste oscarisé pour The Social Network de David Fincher) est ici à la réalisation et au scénario et c’est un coup de maître. Un film coup de poing, indispensable. 

Précisons encore que le film bénéficie d’un casting incroyable, emmené notamment par Sacha Baron Cohen et Eddie Redmayne, mais aussi Joseph Gordon-Levitt, Mark Rylance, ou Frank Langella dans le rôle du juge Hoffman. Sans oublier une excellente bande originale composée par Daniel Pemberton. 

A voir absolument ! 

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Les Sept de Chicago (Trial of the Chicago Seven), un film d'Aaron Sorkin, disponible sur Netflix